Restos / Bars

Kaizen Sushi Bar & Restaurant : Traité du Kaizen

Le déménagement d’une institution comme Kaizen est en soi un événement qui se souligne, même si, en l’occurrence, la migration n’a rien d’une odyssée: on a tout simplement traversé la rue Sainte-Catherine et, ce faisant, terminé le mouvement amorcé par le passage sur la rue Saint-Laurent du Treehouse, devenu Le Petit Treehouse, dont Jean-Philippe Tastet a déjà dit monts et merveilles dans ces pages (le 1er avril 2004).

Le rapport? C’est que, pendant un long moment, les deux maisons ont partagé le même toit à Westmount, sous la férule du chef Tri Du, désormais écartelé entre deux adresses. En plus d’avoir un talent fou, ce diable d’homme jouirait-il du don d’ubiquité? Disons que, dans le cas présent, Tri Du a su s’entourer d’une solide brigade qui, là comme ici, "assure".

Il fallait s’y attendre, le nouveau Kaizen est très beau: à l’avant, une salle principale de forme presque circulaire, entourée de fenêtres fermées par des persiennes, au haut plafond en forme de coupole (au centre trône une astucieuse banquette, ronde elle aussi); une salle mitoyenne, dans des tons de bleu, un bar à sushis petit mais spectaculaire et, au fond, le bar proprement dit. Partout, un éclairage savant qui favorise l’intimité tout en permettant de lire le menu. On se sent presque comme dans un écrin. Du dimanche au mardi, en soirée, on déguste ses sushis au son de la musique jazz live. Le rêve, quoi.

Difficile de comprendre pourquoi, dans ce contexte, on ne débarrasse pas les clients de leur manteau. Il y a un vestiaire, mais, si on n’en fait pas la demande, on doit s’en remettre au dossier de la chaise ou à un bout de banquette. Nous sommes deux, on ne nous laisse qu’un menu. Normal, puisqu’il n’y a qu’un verre sur la table. Ces petits accrocs, on les pardonnerait plus volontiers à une maison moins chic, surtout si le service était plus chaleureux.

Autre sujet d’agacement, les descriptions superfétatoires qui figurent au menu. Les gyosas sont "succulents"; les huîtres, "savoureuses"; les lambas, "magiques"; le festin au bœuf de Kobe, "ultime"; et j’en passe. Il y a des limites à mâcher le travail des chroniqueurs… Pour tout dire, j’ai eu l’impression de me faire enlever les épithètes de la bouche: un comble, au restaurant.

Heureusement, la cuisine a les moyens de ses ambitions. Mon invitée a choisi l’omakase "sushis" (65 $), sorte de parcours gastronomique en cinq services dont les désormais incontournables bouchées sont le point culminant. La salade aux algues, additionnée de quelques légumes pour le croquant et d’edamame (fèves de soja vertes), dite "unique", ne nous a pas semblé si différente de ce qu’on trouve ailleurs. Les huîtres Tri-Afeller (appellation tirée par les cheveux) sont plus réussies: les petits mollusques "gratinés" baignent dans un appareil au miso et aux épinards au moelleux charmant. Les lambas, sushis nouvelle vague, sont d’exquis rouleaux au bœuf de Kobe, épicés à souhait. Le plateau de sushis et de sashimis est à la hauteur.

Choisis à la carte, les pétoncles (12 $) au "basilique" (sic, mais l’erreur est pardonnable puisque le plat donne envie de se recueillir), véritable triomphe de la fusion, combinent l’herbe et le wasabi. Quel tonus! Et la "morue noire" au miso est fondante à souhait, subtilement sucrée; les légumes offerts en garniture, irréprochables.

En finale, le restaurant délaisse sagement la cuisine nippone au profit de douceurs plus "universelles" (11 ou 12 $). À preuve, une tarte au citron à la meringue aérienne qui, sans être "de rêve", se laisse manger avec plaisir.

Outre le vin (à partir de 8 $ le verre et de 36 $ la bouteille), on propose un choix intrigant de sakés qui se boivent froids, offerts à des prix qui donnent effectivement froid dans le dos. Certains soirs, un repas au thé vert semble tout particulièrement indiqué.

Difficile de donner une idée juste de l’addition, même s’il y a moyen de limiter les dégâts, mais disons-le franchement: tout ce luxe n’est pas donné (la soupe miso, à titre d’exemple, se détaille à 5,95 $). Comptez de 40 à 50 $ le midi et le double le soir, avant les taxes, le pourboire et les boissons.

Bémol: service plutôt impersonnel; menu inutilement hyperbolique.

Dièse: ambiance et décors réussis, menu inventif, plats maîtrisés.

Kaizen Sushi Bar & Restaurant
4075, rue Sainte-Catherine Ouest
(514) 707-8744
www.70SUSHI.com