Restos / Bars

Le Hobbit : Souvenirs de frites

Voilà bien un souper qui me laisse perplexe. Ce café, où je mets les pieds pour la première fois, ne diffère pas beaucoup des autres établissements du genre: accueil souriant et poli, jazz et blues en sourdine, murs peints de mauve ou de beige, carrelage noir et blanc, tables exiguës, chaises droites, banquettes, grandes fenêtres donnant vue sur la rue Saint-Jean presque déserte en ce début de soirée. Des banquettes à motifs s’adossent à un long pan de mur en pierres noires. Des peintures accrochées çà et là ajoutent d’autres nuances au décor. A gauche de l’entrée, deux grands dieffenbachias montent une garde solennelle. Il n’y a pour le moment personne dans la partie «resto» que nous avons aperçue de l’extérieur, à travers les vitres. C’est tout le contraire dans la pièce où nous pénétrons, mon amie et moi. A deux ou à trois, quelques clients mangent et se parlent tout bas, sirotant bière ou café. Derrière le bar, deux grands tableaux: celui de gauche énumère les vins disponibles; l’autre, les entrées et les mets dont on peut composer sa table d’hôte: gravlax, fondue aux crevettes, tagliatelle au bleu, saumon au vin rouge, bavette de veau au poivre vert, etc. On nous propose quelque chose à boire. Question rituelle de mon invitée: «Qu’est-ce que c’est, votre vin maison?» Du Bottaro, tiens! Justement celui qu’elle a adopté, depuis quelque temps, au point d’en acheter elle-même à pleins bras. Pour ma part, je commande une Gargouille rousse qui, à la première gorgée, me paraît bien acide et ne me sera clémente qu’en mangeant, un peu plus tard. La faim nous turlupine comme une obsession, sans pour cela orienter notre choix. Nous ne cessons de regarder le tableau et de commenter à haute voix les mérites éventuels des mets annoncés. Je ne pense pas non plus demander s’il est possible de manger autre chose que ce qui est affiché. C’est seulement au moment de partir (après avoir soupé) que je découvrirai une carte, une vraie, présentant diverses soupes, salades, pâtes et grillades. Un «si j’avais su…» ne servirait à rien. Bref, nous avons fini par nous décider. Entre-temps, des clients sont arrivés, d’autres sont partis, et un blues angoissé a rendu l’âme et laissé la place à une salsa. Mon entrée de gravlax s’accompagne de tranches de pain grillé avec, tout à côté, endives, tranche de tomate et olive nappées de sauce blanche. Les fines tranches de saumon enroulées sur elles-mêmes jutent encore de leur marinade et, contrairement à ce que je craignais, ne pèchent pas par excès d’acidité. Parce qu’elle a bon goût, la crème de légumes que mange mon invitée se fait un peu pardonner de n’avoir pas été servie plus chaude. Ce qui prend la relève n’est pas beaucoup plus chaud, mais, encore une fois, le goût plaide en faveur du plat. Il s’agit d’un copieux poulet au citron (avec quelques olives), assez proche de la recette originale (c’est-à-dire marocaine) et sans trop d’amertume. A charge de revanche, j’y picore des bouchées, autorisant mon invitée à faire de même dans mon assiette – car nous n’avions évidemment pas choisi la même chose. L’entrecôte forestière m’avait tenté. Belle assiette, celle-là aussi! Avec une surabondance de frites malheureusement molles; avec aussi une excellente salade de chou, plus des olives ainsi que des tranches de tomates et de concombres. La viande elle-même se défend assez bien (tendre dans l’ensemble et assez juteuse), mais je l’aurais préférée grillée – je veux dire vraiment passée au gril. Elle ne manque pas de saveur. J’ai même failli ne pas remarquer le petit bol de sauce brune, presque caché par les frites, avec lequel je me trouve bientôt à tu et à toi. Il repart d’ailleurs plus vide que mon assiette où les frites n’ont pas fini de languir. Nous terminons nos verres, mon invitée et moi; j’ai l’estomac un peu triste. Un bruit soudain attire notre attention au fond de la salle. Un tableau s’est décroché. Je ne l’avais pas remarqué avant. Il propose tout plein de desserts, crème caramel, gâteaux au chocolat ou au fromage… Peut-être est-ce une erreur, mais nous ne nous laissons pas tenter.

Café Le Hobbit
700, rue Saint-Jean
Québec (Québec)
Tél.: (418) 647-2677
Table d’hôte: 12,95 $ à 14,95 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons): 37,98 $