Le «capitaine» en question nous arrive de Mingan – si cela peut rassurer les inquiets -, et cette ancienne poissonnerie de Neuville est aujourd’hui, à Québec, un restaurant que découvrent chaque jour de nouveaux amateurs de fruits de mer. Une grande salle à manger, trois de dimensions moyennes, plus deux salons récemment aménagés au sous-sol: les groupes eux-mêmes ne s’y sentent pas à l’étroit. Comme il fallait s’y attendre, la mer y est omniprésente, par objets interposés: casquette blanche de capitaine accrochée près d’une porte, sculptures diverses d’ancres ou de bateaux, aquarium illuminé où dansent des algues parmi les coraux… En ce midi glacial, il fait bon se retrouver au chaud, noyé dans une sourde rumeur de conversations auxquelles on ne prête pas vraiment l’oreille. Des odeurs de marée fraîche s’échappent par vagues des cuisines. Cherche-t-on vraiment à distinguer celle des crevettes, du crabe, du homard, des moules? On se rince l’oil sur quelques plats qui passent, on surprend quelques mots prononcés par un serveur décrivant l’«assiette du capitaine»: queue de homard, langoustines, crevettes, langostinos, moules, crabe, huîtres et pétoncles. Mon invitée et moi commandons un demi-litre de vin blanc, histoire d’humidifier nos papilles asséchées d’impatience. Au moins, cette fois, notre serveur ne repart pas bredouille. Nous avons hâte de manger, mais quoi? Les pizzas ou les salades aux fruits de mer? Les soupes, les brochettes, les moules et frites? La darne de flétan, les pétoncles rôtis? C’est évidemment à la carte que je choisirai, une fois que j’aurai fait le ménage dans mes incertitudes. Pour le plaisir de la chose, je me fais décrire une nouvelle fois l’«assiette du matelot». Non, je ne la prendrai pas, à moins qu’on accepte de me remplacer la couronne de saumon par une flopée de crustacés… Je n’ose pas exprimer un tel fantasme à haute voix; je me rabats donc sur les langoustines, après avoir hésité entre les «langues de morue» et la sole meunière. J’en souris déjà. Raisonnable, mon invitée ne s’est pas longtemps égarée parmi les «terre et mer», linguine au crabe, escargots, chateaubriand de fruits de mer, plats spéciaux au homard, alouettes de bouf, filet de doré au vinaigre de framboise, escalope de veau au madère, etc. Bien que sollicitée par les saucisses de fruits de mer (crevettes, pétoncles et crabe), elle se limite au menu du jour proposant notamment salade du capitaine, rosbif au jus et langostinos à l’ail. Son repas commence donc par un potage Choisy, délicieuse crème de laitue, plus claire que crémeuse, servie bien chaude. Et mangée à glotte rabattue. Je le sais, j’y ai participé. L’estomac rassuré, nous pouvons attendre la suite avec une certaine sérénité, fouinant, mine de rien, dans les assiettes les plus proches. Deux couples installés à une même table, près du fond, ouvrent de grands yeux à la vue de ce qu’on leur sert: des assiettes géantes dont je ne distingue que les moules et des parties de crabes. Plus près de nous, trois clientes ont commandé du foie de morue – mets délicieux qu’on aurait tort d’associer à de mauvais souvenirs d’enfance. Nos propres assiettes arrivent, tout aussi généreuses. Celle de mon invitée déborde d’une salade fraîche de laitue, concombre, tomates, carottes râpées, luzerne, tout cela généreusement parsemé de crabe effiloché et bien saupoudré de paprika. Beau à voir, bon à manger. Notre vin maison s’en porte à merveille, parole! De mon côté, dix langoustines se tiennent en rang serré, on dirait au garde-à-vous. Il y a là un petit bol de beurre fondu, aromatisé sans excès. L’accompagnement me plaît moins: une salade, façon «César», dont je me serais passé. Il en est de même pour les quelques morceaux de légumes (carottes, brocoli et chou-fleur), un peu trop cuits; de même pour le lit de riz (trop al dente) où s’égarent des bribes de poivrons. Les langoustines? Coopératives à tous les points de vue; j’ai donc accompli sans remords leur savoureuse destinée. Et nous avons terminé par deux cafés très chauds, alors que mon invitée se faisait un plein de calories du côté des desserts.
Restaurant Capitaine Crabe
324, boulevard Hamel
Vanier (Québec)
Tél.: (418) 681-4141
Table d’hôte: 16,95 $ à 36,95 $
Menu du jour: 6,95 $ à 10,95 $
Dîner pour deux (incluant taxes et boisson): 41,24 $