Restos / Bars

La Crémaillère : Les noces tartares

Parfois, un dicton cent fois rabâché vous échappe sans crier gare. Prenons un exemple… Imaginez une journée qui s’est levée du pied gauche, elle, pas moi! Un soleil matinal qui ne tient pas ses promesses, des embouteillages à n’en plus finir, des gens grippés partout et, à la radio, des nouvelles déprimantes ou justement les chansons que vous trouvez ineptes. Pourtant, au moment où s’achève la soirée, vous déclarez que tout est bien qui finit bien. Malgré la fine pluie froide qui vous agace l’existence. La Crémaillère vous a refait le moral, quoi! Cela commence par un accueil empressé, une ambiance chaleureuse, un haut-parleur qui vous jazze O Sole mio en sourdine. Toute grisaille s’égare dans les vestiaires. Il ne nous reste qu’un appétit fringant, dont nous avons grand besoin, curieux de tout et ouvert à toutes les suggestions d’une immense carte ouverte devant nous. Bien inspirée par son carafon de rouge qu’elle vient d’attaquer, mon amie s’applique à tout lire, à tout comprendre. Elle médite sur la moindre formulation inhabituelle: «Ah, ce plat sort vraiment de l’ordinaire!» J’ai compris; elle veut me faire un peu de lecture. Je me laisse donc raconter les entrées chaudes, dont le feuilleté de moules et petits légumes à la douce saveur de champignons, la salade tiède de foies et rognons de lapin aux pignons de pin (relevée de gingembre et de vanille fraîche). Du côté des entrées froides, je n’ai retenu que le tartare de saumon et sa chiffonnade d’épinards au yogourt citronné. Des salades panachées, nous sautons aux pâtes (sauce spéciale «Crémaillère»). Bref arrêt aux médaillons de ris de veau au marsala, survol rapide des poissons et fruits de mer, puis un long «fixe» sur les viandes rouges d’Alberta («mignon de bouf et ses médaillons de bocconcini frits au vinaigre balsamique»). Mangerons-nous un jour? Mon amie vote pour les saveurs italiennes: trio di sapori con bruschetta, pennine, gamberoni al porro e pepe rosa (crevettes au poireau et poivre rose), sans parler des côtelettes de veau aux herbes et au vin blanc… C’est justement une gorgée de vin blanc qui m’aiguille, moi, vers la table d’hôte gastronomique et sa terrine de gibier (fondant de tomates au basilic et gelée de cèpes au porto), ses ravioli de fruits de mer aux champignons et courgettes, sa salade tiède de calmars aux deux olives… puis l’aile de raie grillée et parfumée de tomate concassée aux fines herbes, l’entrecôte au fondant de fromage de chèvre sauce bordelaise, les noisettes de porc, les ris de veau, les aiguillettes de caribou… Cela fait du bien de saliver, quand ce n’est pas en vain. D’autres clients sont arrivés entre-temps. Nos premières assiettes valent le coup d’oil, même si la faim ne nous en laisse pas vraiment l’occasion. Dans celle de mon amie, se pressent des morceaux de bocconcini mouillés de vinaigre balsamique, des endives, des poivrons marinés et une large tranche d’authentique prosciutto escorté d’une bruschetta. On ne ferait de cela qu’une bouchée; nous en avons fait deux ou trois. Et nous avons aussi partagé mes rillettes de sanglier, découpées en triangles et disposées autour d’un petit montage de chou confit au poivre vert et aux canneberges, plus des quartiers de poires au vin rouge. J’adore ces moments où manger vous donne l’impression d’accomplir une grande ouvre! Notre mission se poursuit un peu plus tard avec une grande assiette creuse, au pourtour coloré, où des pappardelle se la coulent onctueuse dans une sauce aux cèpes parfumée de truffes. Des saveurs qui s’aiment et nous aimons beaucoup qu’elles s’aiment. Dans mon plat à moi, les goûts sont autres. De la subtilité, les nuances infinies d’un beurre de crustacés qui se marie à une chair de saumon du plus beau rose. Je ne néglige pas non plus les accompagnements, le gratin dauphinois, les grandes feuilles d’épinards, le chou-fleur… Plus que satisfaits après avoir mangé, nous serions prêts à recommencer rien qu’à voir avec quelle mæstria on prépare un steak tartare à la table voisine. Avant de partir, nous choisissons de terminer en beauté: gâteau poire et caramel et gâteau mousse aux framboises, deux cafés brûlants et, en sourdine, l’air de Torna a Surriento qui vous bricole une vague nostalgie.y

Restaurant La Crémaillère
21, rue Saint-Stanislas
Québec (Québec)
Tél.: (418) 692-2216
Menu du jour: 9,25 $ à 14,75 $
Table d’hôte à saveur italienne: 21,50 $ à 35,75 $
Table d’hôte gastronomique: 27,95 $ à 34,50 $