Restos / Bars

Tandoori Shed : La route des Indes

Le West Island, ce métis! Autrefois refuge des aristocrates (et des Anglos), ce satellite urbain devient cosmopolite. Une communauté d’Indiens, toutes provinces, toutes religions et toutes ethnicités confondues, y a élu domicile depuis une vingtaine d’années. Cependant, ne vous attendez pas à y rencontrer des saddhus et des charmeurs de serpents. Ces Indiens-là sont issus de la classe moyenne, et comme tous les banlieusards, ils se promènent en auto le long d’interminables centres commerciaux autour de rues transversales couvertes de bungalows. Qui s’assemble se ressemble. Du reste, prenez vos précautions et munissez-vous d’une carte précise, cette banlieue-labyrinthe a de quoi embrouiller les globe-trotters. Et, surtout, ne vous demandez pas pourquoi on ne lui a jamais décerné un prix de design.

Le Tandoori Shed s’est installé justement au milieu d’un centre commercial. Avec sa façade effacée, on ne devinerait jamais qu’il s’agit d’un resto hors de l’ordinaire. Pourtant, ses propriétaires punjabis ont décoré l’endroit de manière originale. Les murs couverts de feuilles de métal, de clôtures frost, et de planches de bois, un bric-à-brac composé d’icônes hindoues et d’instruments de cuisine (ou de torture?), contrastent avec les habituels décors bourgeois de la banlieue. L’ambiance s’avère sympa et incontestablement bistro. De plus, la cuisine inspirée par l’Inde du Nord, sérieuse, et de facture assez classique, semble attirer une clientèle régulière (et jeune) depuis quelques années.

Le tandouri n’est pas juste une appellation ni même une recette, il s’agit bel et bien d’un instrument: en l’occurrence un four en terre ou en brique, chauffé au charbon, et dont les températures peuvent atteindre jusqu’à neuf mille degrés Fahrenheit. Ce qui a d’ailleurs posé problème aux autorités municipales qui ne voyaient pas d’un bon oil ces installations «folkloriques», et qui les ont interdites pendant un certain temps. Jusqu’à ce qu’on s’en plaigne et que l’on prouve qu’elles étaient sécuritaires. Aujourd’hui, on les trouve dans plusieurs restaurants, mais leur usage est limité à la cuisson des viandes marinées et des pains, lesquels sont déposés sur les rebords du four pour carboniser légèrement et pour ainsi parfumer la croûte. Cette technique a été popularisée par les Punjabis après leur expulsion du Pakistan en 1947. Et, depuis, elle se retrouve sur toutes les cartes des restos indiens du monde entier. Ce restaurant en fait donc sa spécialité et le résultat est assez convaincant. On n’a qu’à observer le chef enrubanné derrière son écran (de fumée) grillagé, qui s’active à plonger des cuisses de poulet embrochées, des morceaux d’agneau marinés, et des pains nans dans le four pendant quelques instants, et puis de les en retirer dorés et encore fumants. Teintée de rouge végétal comme le veut la tradition, la chair du poulet est tendre et moelleuse, et les parfums des épices mêlés avec adresse. On n’utilise pas les mélanges tandouris commerciaux ici, et cela se goûte.

Mais la carte du Shed ne propose pas que des grillades, bien que celles-ci soient exquises, les currys de légumes sont fabriqués à la minute et ont ce goût très fin, caractéristique d’un soin presque artisanal. Le dhaba dhal, une purée de lentilles vertes qui accompagne à peu près tout au Punjab, le bhurta d’aubergines, fumées et fondues dans le beurre clarifié avec des épices, et l’alu gobi, un curry de chou-fleur et de pommes de terre parfumé au curcuma et à la cardamome ne lésinent pas la qualité et montrent une habileté particulière dans les mélanges, chaque plat ayant des saveurs propres. On offre aussi la raita, censée éteindre le feu (un feu très moyen, au demeurant), une salade de yaourt et de concombres parfumée au cumin et à la coriandre fraîche. Quant aux pains, les nans, les rôtis, les parathas et les kulchas, ils sont succulents, et il n’est pas interdit de s’en faire un repas, l’idée étant de les tremper dans les currys liquides. Si vous avez encore faim, les desserts, très sucrés et très parfumés, sauront bien combler ce qu’il restera d’espace dans votre estomac, mais je ne le recommande pas.

Honnête et soignée, la cuisine de ce Tandoori Shed mérite une escapade en banlieue, ne serait-ce que pour y découvrir une autre réalité que celle du centre-ville. Cela dit, le service est assuré par les patrons qui font en sorte que votre repas et votre soirée soient dignes de leur ambassade. Pour les végétariens, on propose un menu complet à 20 $ pour deux personnes. Mais si vous êtes du genre carnivore, vous devriez vous en tirer pour 45 $, avec deux bières pression, les taxes et le service.

Tandoori Shed
4886A, boulevard des Sources, Dollard-des-Ormeaux
Tél.: (514) 683-8737

Amuse-gueule
S’il vous venait à l’idée de découvrir une vraie épicerie indienne, avec tous les ingrédients qui entrent dans la préparation de cette cuisine, et quelques plats à emporter, en plus de vidéos et de toute une pharmacopée, voici l’une des meilleures adresses: l’épicerie Apna Baazar, (421-0305). Elle se trouve à quelques portes du Shed, dans le même centre commercial.