J’aime les cafés. Ce sont des endroits simples et sans prétention où l’on se penche sur le sort du monde. Lieux de passage et de conversation, on vient lire le journal du matin ou faire des mots croisés sans passer pour un célibataire ou pour un philanthrope. Montréal a toujours eu des cafés, leur sceau a marqué les modes et les époques, ou est-ce le contraire? Dans les années soixante, on y parlait de politique; en 1970, on y fumait du tabac licite et illicite; depuis les années quatre-vingt, ils sont devenus le refuge des branchés et le showcase des designers. Mais quand les cafés essaient d’être autre chose que ce à quoi ils sont destinés, ils passent à côté de leur vocation.
Carré Truffé est un endroit qui hésite justement entre une ambiance de café, une carte de resto, une cuisine moderniste et des prix qui s’excitent. Le décor est charmant, accueillant et chaleureux. Il y a du bois partout, une cuisine à aire ouverte, et les tables n’ont ni nappes ni serviettes. L’ambiance s’avère informelle et détendue. Mais cela ne suffit pas pour nous garder là bien longtemps. Ou nous donner envie de revenir. La cuisine a des ratés importants. A la carte, on propose des classiques: sandwichs, salades, cafés et quelques plats de viande ou de poisson. On nous informe que le choix de plats inscrits au menu peut constituer une table d’hôte, si l’on ajoute 5 $ pour l’entrée et le dessert. Cela fait monter l’addition autour des 20 $.
Le potage contenant des pommes, du céleri et de la pomme de terre est assez bon: l’équilibre entre les trois composantes est plutôt réussi, ni trop sucré ni trop épais. Mais la baguette qui l’accompagne est molle. Et ça se gâte sérieusement du côté des plats. Les médaillons de porc trop cuits, noyés sous une lourde sauce dijonnaise, sont bâclés et maladroits. Le saumon poêlé, accompagné d’un pétoncle grillé, nappé d’une sauce au homard, est sec et sans saveur. Il n’est pas péché de recourir au sel pour le réanimer. Ces plats sont garnis de feuilles d’épinard cru, nappées d’une vinaigrette très sucrée. Servi dans un petit pot séparé, à même l’assiette, façon brochetterie grecque, il y a un hachis de courgettes et de poivrons rouges sautés – mais sautés trop longtemps -, un riz pilaf moulé en pyramide, et des tranches de fruits de toutes sortes: melon, banane, pastèque (en hiver!), pomme, framboise. Les assiettes ressemblent à un arbre de Noël, rien de moins. Vous vous imaginez manger de la banane crue et du filet de porc en sauce, vous? De plus, comme si on voulait tester la force de gravité, on coiffe le tout de spaghettis crus et rôtis, plantés dans une tranche de melon et au bout desquels on a empalé un bleuet. Non, mais… En dessert, on nous a offert un morceau de gâteau au chocolat fait dans une pâtisserie commerciale, une douceur tout à fait banale et sans intérêt. Si au moins le service avait été efficace, mais le serveur était davantage absorbé par une discussion avec les cuisiniers qu’occupé à surveiller son monde. La vérité, c’est qu’on ne s’improvise pas chef et on ne s’improvise pas restaurateur. Compter 50 $ pour deux repas, deux bières, avec les taxes et le service.
Carré Truffé
4627, rue Saint-Denis
Tél.: (514) 350-1018
Amuse-gueule
Un café, ce n’est pas un resto. Ni un bar. On aime l’improvisé, la peinture qui s’écaille, la musique rétro ou moderne, mais en sourdine, la faïence épaisse qui garde chaud ce qu’elle est censée contenir, les serveurs qui ne font pas de frime et qui n’ont pas l’attitude (prononcez ça à l’anglaise, s’il vous plaît). Les cafés sont les rescapés d’une culture de la conversation, de l’échange. Et comme disait Edgar Morin, «le café, c’est l’oasis». Et c’est d’abord un endroit où l’on boit du bon, du vrai café. Pas de l’essence à briquet, ni de l’eau de vaisselle. Le café est à la restauration ce que l’harmonie est à la musique. La base. Et si les chaînes ont le mérite d’avoir remis à la mode ces endroits de discussion et de lecture, ou même de drague, et malgré de fort beaux décors, il leur manque parfois l’ingrédient essentiel: une âme. Voici des endroits que je vous recommande pour la qualité de leur café, de leur nourriture et de leur ambiance.
Café International, 6714, boulevard Saint-Laurent: Si vous ne connaissez pas encore les cafés italiens, précipitez-vous pour découvrir ces lieux pleins d’esprit, et de café, qui vous émoustille l’esprit comme un missile! Celui-ci est l’un des meilleurs. Mais découvrez-en d’autres.
Librairie Indigo, 1500, avenue McGill College: Au deuxième étage de cette méga-librairie du centre-ville, ce café de chaîne reste l’exception dans le genre. Le café est bon; l’ambiance, moderne, jeune, cosmopolite; et la lecture y est encouragée.
Café Électra, 24, avenue des Pins Est: Pour ses paninis succulents arrosés d’huile d’olive; pour ses cafés robustes et roboratifs; et puis, pour ses sourires. Ce qui n’est pas rien.