Restos / Bars

Mozzarella : Présenter ses fromages

Il y a exactement cent ans, naissait la pizza encore appelée aujourd’hui «Margherita». C’est en 1899 que, visitant Naples, le roi et la reine d’Italie, soucieux de se «rapprocher» du peuple, manifestèrent le désir de manger de la pizza, mets alors simplement garni d’un peu d’huile d’olive, de fines herbes et, à l’occasion, d’anchois. Le cuisinier désigné «décide d’y ajouter un petit quelque chose en l’honneur du couple royal. Il crée donc une pizza aux couleurs du drapeau italien: tranches blanches de mozzarella de bufflonne, tomates rouges et feuilles de basilic vert. Il lui donne le nom de la reine, Margherita…» Voilà entre autres ce que nous apprend Francesco Moncada di Paternò dans son introduction à une nouvelle publication des éditions Guy Saint-Jean: Mozzarella, Des recettes innovatrices à la mozzarella de bufflonne. Avant d’en arriver à l’essentiel du livre, nous découvrons ce qu’est la mozzarella, création des moines de San Lorenzo di Capua (IIIe s.). On la fabrique avec du lait de brebis (tout comme le roquefort), jusqu’à l’arrivée des buffles de l’Inde au XVIe siècle. Les fromagers de Naples ne tardent pas à se convertir au latte di bufala, soit le lait de bufflonne ou de bufflesse car l’un et l’autre se dit ou se disent, ajouteraient les grammairiens. Édifiante à plus d’un titre, l’introduction esquive néanmoins un détail terminologique important. On nous parle d’un liquide concentré servant à coaguler le lait (un «coagulant», bien sûr); on nous en donne le nom italien, caglio, «extrait à l’abattoir du liquide intestinal des moutons». N’est-ce pas tout simplement la présure liquide, c’est-à-dire le suc gastrique sécrété par la caillette ou bien le concentré obtenu par infusion de cette dernière? Puisque nous parlons terminologie, j’en profite pour relever deux ou trois petits… agacements. A propos d’un ouvrage précédemment publié par le même éditeur (Le fromage, une passion), j’avais signalé quelques redondances typiquement franglaises; on en retrouve une ou deux du genre dans le présent ouvrage (fromage ricotta), de même qu’un anglicisme pur (coordinatrice), etc. Autre chose: on sait au départ que l’ouvrage se consacre exclusivement à la mozzarella de bufflonne; bon, on a compris. Dès lors, le nom du fromage suffit et ce n’est vraiment pas la peine de nous répéter à tout bout de champ: «et mozzarella de bufflonne», «avec mozzarella de bufflonne», etc. Tout cela dit, il s’agit d’un livre qu’on prend plaisir à feuilleter, à consulter; les superbes illustrations de Sian Irvine flattent la gourmandise qui… veille en chacun de nous. Il résulte d’une collaboration entre 21 chefs «de réputation internationale», nous dit-on et je n’ai que moi-même à blâmer si les noms de Nino Sassu (Assaggi), Alberto Chiappa (Montpeliano), David Burke (Le Pont de la Tour), Matthew Harris (Bibendum), Simon Arkless (Oxo Tower) et autres ne me disent rien. Les chefs sont présentés en fin de volume, juste avant l’index et tout de suite après un glossaire comportant lui-même quelques recettes (brioche, mayonnaise, pesto, sauce tomate). Quant aux recettes principales, elles vont des insalate aux carne, plus précisément la «salade de légumes grillés et mozzarella avec ail rôti» au «prosciutto avec mozzarella, figues et pignons», en passant par un étourdissant choix de plats. On s’arrête volontiers au rotolo d’aubergine rôtie avec poivrons et brioche (p. 48), sinon aux «ravioli alla mozzarella» (p. 63); on reste songeur devant une illustration (p. 72), une «ballottine de légumes grillés avec mozzarella de bufflonne» découpée en trois larges rondelles. Un peu plus loin, bouche bée, on salive carrément en contemplant des «beignets d’aubergine et mozzarella de bufflonne avec salsifis» (p. 96). C’est à la section des fruits de mer que j’ai de bon cour applaudi: «capotinata d’aubergines, langoustines et mozzarella» (p. 127), «treccines de mozzarella avec anchois, oignon et citron» (p. 131), «bocconcinis et caviar» (p. 132), «crabe et mozzarella avec sauce au safran» (p. 134). Dans la dernière partie du livre, vous n’en pouvez plus, avec tous ces «burrata ai tartuffi», prosciutto, mozzarella et asperges tièdes, côtes de veau farcies de mozzarella, escalopes, bruschetta… Bref, c’est un livre qui se trouvera très bien chez vous. D’abord pour le plaisir des yeux et ensuite pour tous les autres qu’il vous réserve.

Mozzarella,
de Simon Arkless, Chris Benians et coll.,
Guy Saint-Jean éditeur
160 pages, 1999