Qu’attend-on d’un restaurant nommé Pégase? Après tout, c’est le nom donné à la monture indomptable de la mythologie grecque, un cheval ailé qu’a réussi à chevaucher un demi-dieu nommé Bellérophon. Quoi qu’il en soit, ce resto de quartier n’a rien qui ne s’apprivoise _ bien au contraire _ et ne sert pas non plus de viande de cheval, à titre de mise en garde.Autrefois tenu par un couple de Français, dont la cuisine était plutôt sage et classique, il est devenu sous la houlette des deux nouveaux patrons, l’un d’ici l’autre de là-bas, l’une des meilleures propositions de quartier dans un coin de la ville qui n’en compte sûrement pas des masses. Sa cuisine d’un classicisme rénové avec talent vaut le détour. Une petite salle à manger, décorée sobrement, mais avec une pudeur à laquelle je ne peux qu’applaudir, qui évoque un intérieur élégant de campagne et ce, malgré les peintures très urbaines qui ornent les murs. Le mobilier est assez confortable et l’espace se prolonge sur un petit jardin qui promet de belles soirées, lorsque le beau temps sera revenu. Propice au calme et pourquoi pas à la romance, le Pégase se voit donc doté de plusieurs mots de passe gourmands. Par exemple, sur une carte où les poissons en sauce côtoient aisément les viandes les plus sauvages, on sent la préoccupation _ et pas l’obsession _ des produits de saison. D’abord, dans un potage de carotte, parfumé très légèrement au cari, servi avec des carottes râpées en garniture. Une soupe de saison, toute simple et jolie, mais qui manque un peu de sel, malheureusement. Dans l’entrée de salade fraîche _ un petit mesclun composé de frisée, de mignonnette et de mizuna, une laitue pas très goûteuse, mais tout de même fraîche et un peu astringente, à la mode de ce temps-ci _, on sent le désir d’amorcer un repas avec mesure. Une bonne vinaigrette savoureuse nappe le feuillage, mais, dépourvue de sel, elle manque de goût. Pas une erreur fatale, mais une chose curieuse pour un cuisinier européen, dont la main est habituellement moins délicate (et les palais de ses clients moins sensibles) en matière d’assaisonnement. Vaut tout de même mieux en rajouter que tenter d’en extraire. Néanmoins, tout ceci est joliment présenté dans une coquille de pâte de riz: une attention pour le détail assez rare dans un bistro.En plat, un filet de mahi mahi, ce poisson à la chair jaunâtre d’origine polynésienne et apparenté à la dorade, est absolument délicieux et s’avère d’une irréprochable fraîcheur. Il est servi avec une sauce aux moules parfumée au safran, impeccable aussi, crémée, mais avec adresse, la main légère. Ce poisson est accompagné de carottes et de courgettes: une garniture un peu quelconque que j’aurais laissée tomber pour ne garder que la tomate évidée et truffée d’une brunoise de légumes sautés. Un bémol cependant, la tomate est presque crue. Un filet de veau cuit à la perfection, rosé et juteux, est roulé dans un mélange d’épices moulues, où je n’ai détecté que la coriandre. Les épices donnent un peu de mystère à cette viande d’excellente qualité et à une sauce courte et fine, à base d’un fond brun dense. Au-delà du même accompagnement de carottes et de courgettes, le filet repose sur un moulage de pommes de terre dauphine, encore une fois une exquise présentation.Une gavroche aux marrons, sorte de mousse un peu vanillée, n’a pas beaucoup le goût des marrons, mais est tout de même assez subtile, encore une fois présentée avec soin dans une coquille au chocolat. Mais le gâteau aux amandes, servi sur une sauce au caramel, est un dessert qui a une veine endiablée et qui nous donne envie d’en prendre une seconde portion. Avec des douceurs faites sur place par le chef, la conclusion laisse croire que ce n’est pas toujours dans les artères importantes que l’on trouve les plus grandes surprises. Ce restaurant, d’une honnêteté qu’on ne devrait pas ignorer, reste une étape où l’on est à peu près certain de ne pas être déçu. N’oubliez pas non plus d’y apporter votre cru, l’endroit est «AVV». Je choisirais des vins un peu charpentés ayant de la matière pour tenir tête à cette cuisine moderne et pleine de saveurs franches. Évitez les bourgognes et les chiantis et jetez-vous sur les languedocs, les cahors, les cabernets californiens ou chiliens. En tout cas, le service autant que l’accueil sont tout ce qu’il y a d’aimable, et même les sourires sont compris dans l’addition d’une cinquantaine de dollars pour deux repas, avec les taxes et le service. Pégase1831, rue GilfordTél.: (514) 522-0487
Amuse-gueule De passage au restaurant Nuances du Casino de Montréal la semaine dernière, et ce, pendant seulement quelques jours, le chef parisien Guy Krenzer, deux fois couronné meilleur ouvrier de France, nous a éblouis avec une cuisine d’une étonnante précision, à la fois moderne et intelligente. Une cuisine qui fait corps avec son temps et qui porte au paroxysme des saveurs brillantes, parfois simples, avec tout ce qu’il y a d’émouvant dans la gastronomie française en ce moment. Vraiment, un grand repas.