Restos / Bars

Le Quartier Perse : Délices persans

On ne la connaît pas beaucoup, la cuisine perse. Dès que l’on prononce «Iran», on s’imagine encore un pays de cavaliers enturbannés et de mollahs à peine sortis du Moyen-Âge. Dommage, car rien n’est plus trompeur.

Quoi que l’on puisse penser, la cuisine iranienne a toujours fait preuve d’un goût du luxe et témoigné d’un sens raffiné de la table. Et, contrairement à toutes les gastronomies de l’Orient, l’iranienne ne fait pas appel à de grandes quantités d’épices, mais à une connaissance savante des combinaisons entre les épices, les herbes fraîches, les fruits secs et les laitages. Le résultat donne un répertoire de mets délicatement dosé entre le salé et le sucré; jamais de coups de fouet à l’indienne, aucun piment, et très peu d’huile. Bien que l’on consomme surtout de l’agneau et de la volaille et jamais, oh! jamais, de cochon ni d’alcool, cette cuisine est beaucoup plus proche de la nôtre par les parfums et par l’utilisation des légumineuses, des herbes et surtout des viandes grillées.
De tous les restos perses qui ont vu le jour depuis quelques années, pas un seul ne m’a déçu. La cuisine est toujours prise au sérieux, même si le décor ou l’ambiance ne semblent pas la préoccupation principale des patrons; et que l’alcool, pour nous, petits diablotins, y était proscrit. Pourtant, Allah sait que le vin est un excellent accompagnement pour la viande grillée.

Ouvert récemment, le Quartier Perse est installé dans un petit local qui date des années 30 et qu’on a simplement décoré, mais avec un réel souci de confort. Ce resto s’avère le seul du genre où l’on peut boire du vin ou de la bière avec ses kebabs. La carte est modeste et présente un choix limité de grillades typiques: filet de bouf attendri dans le jus d’oignon sans la moindre trace de gras; poulet mariné dans du jus de citron et du safran; viande hachée en brochettes; kubideh, délicatement épicé à l’origan et à la cannelle, que les Iraniens baptisent parfois «hamburger perse», et qui n’a strictement rien à voir _ tant par la qualité de la viande que par l’assaisonnement _ avec ce que l’on vous sert dans les fast-foods. D’ailleurs, je n’aurais aucune difficulté à en faire une consommation régulière tellement c’est succulent. On vous sert ces plats avec le chelo, une montagne d’un riz blanc long et parfumé, légèrement teinté au safran, et d’un goût absolument unique à cause de la technique de cuisson toute particulière qu’ont perfectionnée les Perses. On doit faire y faire fondre un doigt de beurre et le saupoudrer d’une poudre de baies de sumac, qui ajoutera une pointe d’aigreur et de piquant. À part les grillades, Mahin, la cuisinière de ce Quartier Perse, fait aussi un excellent braisé de jarret d’agneau, dont la viande moelleuse et fondante s’accompagne bien d’un riz aux herbes et aux fèves de Lima, une autre spécialité. Chaque midi de la semaine, elle propose également un ragoût savoureux qu’on appelle koresht (ou «sauce», en farsi ), un plat qui fait le trait d’union entre les fruits ou les haricots secs et la viande longuement braisée. Pour commencer ce repas, on offre une sélection d’entrées qui ne sont pas sans rappeler certains mets de la Méditerranée levantine: une salade d’aubergines froides, d’ail et d`oufs, ou de yaourt et de concombre, et même un hummus de pois chiches: des plats qui peuvent être servis dans une assiette combinée pour 6,50 $, et qui suffiront largement pour deux personnes.

Les portions étant plutôt copieuses, nous avons abandonné l’idée de terminer ce repas sur les friandises très sucrées de type baklava, pour se contenter d’un thé fort et citronné. Si la carte des vins reste modeste, les prix le sont également. Un tel repas, servi avec courtoisie et efficacité, dans un véritable esprit de famille, reste l’occasion parfaite de découvrir une nouvelle cuisine nationale. Comptez 40 $ à deux, avec les taxes et le service, avant les boissons, pour deux repas plantureux.

Le Quartier Perse
4241, boulevard Décarie (métro Villa-Maria)
Tél.: (514) 488-6367

Amuse-gueule
Il ne sera pas question de l’Iran moderne mais qui sait, peut-être de la Perse ancienne, ou de ghazals mélancoliques aux Arts Gourmands de Sainte-Adèle, version 1999. Christyne Brouillet est présidente d’honneur de l’événement: c’est l’une de nos très bonnes écrivaines, mais aussi l’une de nos plus gourmandes _ et ce n’est pas un défaut. Cette année, on accueillera plusieurs écrivains français connus, dont Marie Rouannet, Jean-Luc Hennig, Jean-Claude Izzo, et Claude Duneton, réunis pour discuter du lien entre la bouche qui parle et la bouche qui avale, ou celle qui raconte et celle qui déglutit! Excellente occasion, en tout cas, de passer quelques jours à la campagne. Comme par le passé, les organisateurs installeront de grandes tentes où l’on pourra trouver tant les nourritures spirituelles que terrestres. Du 27 au 30 mai prochain. Je vous mettrai au courant des détails.