Restos / Bars

Le café du Clocher penché : Une odeur de sainteté

À intervalles, une petite voix d’enfant tranche sur le bourdonnement des conversations, presque aussi cristalline que le tintement des ustensiles. Couples, trios, groupes, une clientèle loquace et diverse semble s’être donné rendez-vous ici à la même heure, pour souper ou pour goûter, pour avaler un bol de chocolat chaud ou siroter une bière. À moins que ce ne soit pour siffler un verre du nouveau cidre présenté en termes de «plaisir terrestre au goût céleste». Elle s’appelle Mystique, évidemment. Comment s’en étonner, en ce lieu où l’on peut prendre place sur des bancs d’église et se régaler d’une assiette du «bedeau»? Mon invitée s’est commandé un verre de vin rouge; je m’en tiens à l’eau _ non bénite, mais ce n’est pas grave. La salle est pleine, on l’aura deviné. Et ça continue d’affluer de l’extérieur. Un vent froid en profite pour se ruer à l’intérieur, visant précisément ceux qui tournent le dos à la porte d’entrée. Je suis de ceux-là, hé! Vivement une soupe chaude! La serveuse se démène comme quatre pour être partout à la fois, raflant au passage les assiettes que le chef fait apparaître pour elle, comme par magie, sur le dessus du comptoir massif. Sandwiches sur assiette, échevelés de verdure; salades généreuses et, sans doute, l’un ou l’autre des plats en vedette ce soir: cassoulet brésilien, sandwich de mamirolle et compote de tomates fraîches aux herbes, fettucine toscan. La carte elle-même n’a pas vraiment changé. On y retrouve encore divers goûters, amuse-gueule, entrées et repas copieux. Parmi ces derniers, le «bonheur des ogres» continue de mériter son nom: rôti de bouf, rôti de porc, poulet mariné et pommes de terre en salade, tandis que le «chili sin carne» me laisse aussi imperturbable qu’un carnivore égaré dans un champ de luzerne. L’un des tableaux accrochés aux murs propose des alcools et leurs accompagnements: céleri, olive, amandes, calabrese, gendarmes, nachos et salsa. Un autre y va de ses flan aux asperges et romano, quiche au saumon et fenouil, etc. On nous amène nos soupes, en l’occurrence deux bols de potage aux lentilles vertes. Des lentilles, il y en a! Ça vous met du bon lest quelque part! Potage brûlant, que je t’aime! Avec tes gros morceaux d’oignons qui gémissent sous la dent, tes aromates subtils… et tout le bien que tu fais là où tu passes! Chaque cuillerée me donne l’impression de savourer une petite vengeance. Je vais ainsi jusqu’au bout de la rancune. J’en éponge même les dernières traces à l’aide d’un morceau de pain que je ne prends pas le temps de beurrer, car il y a encore urgence. Heureusement, la suite ne tarde pas. Mes fettucine sont aux palourdes, avec une sauce tomate maison, crème et romano. Délicieux. Mais avec, par-dessus, du poivre grossièrement concassé. Mon invitée propose que nous échangions nos assiettes. J’hérite donc de son cassoulet brésilien. Il s’agit en fait d’une variante de la classique feijoada. On y retrouve deux ou trois variétés de haricots (dont les noirs, bien sûr) et, au lieu du lit de riz, une fine et moelleuse polenta. Là aussi, le concasseur de poivre a sévi, mais avec une louable modération. Les viandes, bien cuites, ont le goût que je leur souhaitais, c’est dire que nous nous entendons à merveille. Mon invitée ne regrette pas l’échange et me le prouve hors de tout doute, vin et croûtons à l’appui. Des clients partent, d’autres arrivent. De temps à autre, la rumeur ambiante connaît un petit creux ponctué du chuintement de la machine à espresso. On en profite pour saisir au vol quelques notes de musique errant à la recherche d’oreilles attentives. Je reconnais entre autres La Flor de la Canela chantée comme un air d’opéra. La serveuse vient nous proposer les desserts; c’est plutôt l’addition que je demande. Même pas de café. Aurions-nous trop mangé?

Café du Clocher penché
203, rue Saint-Joseph Est
Québec
(418) 640-0597
Menu spécial (type table d’hôte): 7,95 à 8,95 $
Souper pour deux (incluant les taxes et un verre de vin): 25,53 $