Restos / Bars

La Bécane Rouge : L'épaule à la roue

La Bécane rouge se trouve dans l’Est de la ville, un quartier où la Molson et le hot-dog font des affaires d’or, canicule ou non. Ce n’est pas un endroit idéal pour ouvrir un bistro français. On les compte d’ailleurs sur les doigts de la main.

Ça n’a pas empêché les jeunes patrons de rénover une vieille maison face au Théâtre Denise-Pelletier, et de s’y installer. Mais, surtout, d’y proposer un menu comme on n’en avait jamais vu dans le coin: des pizzas nouvelle vague, des poissons grillés (et pas seulement du saumon), des pastas à autre chose qu’au pesto, et des plats bien franchouillards qu’on propose sur un grand tableau noir. Bref, ce restaurant est un révolutionnaire. Tant mieux, cela nous fera certainement redécouvrir Maisonneuve, l’un des plus beaux quartiers de la ville agrémenté d’élégants bâtiments du début du siècle, et qui a été l’un des premiers à avoir imposé un réel planning urbain.

La Bécane rouge s’avère donc l’ultime bistro de quartier, avec ses planchers de bois verni et bien patiné, ses affiches vieillottes, ses feuilles de musique collées au mur à côté d’un ancien piano. Un bistro d’atmosphère. On souhaiterait s’y faire reconnaître, y revoir les même bonnes bouilles souriantes; on a envie de s’y sentir bien. Et puis la cuisine devrait y être tout aussi rassurante, un mélange de confort et de découvertes. Car un menu bistro n’a pas besoin d’être toujours le même, autrement, on s’ennuierait.

Ce soir-là, une épatante assiette de raviolis farcis de ricotta frais et d’un mélange d’herbes évoquait l’été et l’Italie, bien que la sauce composée d’huile d’olive et de concassé de tomates fasse plus provençal. Rien à redire de cette entrée préparée spontanément et avec finesse. Mais les sardines fraîchement grillées, taillées en deux et qu’on nappe de jus de citron et d’un filet d’huile d’olive (qu’il a fallu demander, ne vous gênez pas) font rêver à des contrées maritimes lointaines, le goût unique de ce poisson à la fois délicat et vigoureux se présentant assez rarement sur les menus de nos restaurants. En plat, le confit de canard est fait maison, juste assez gras et fondant, juste assez salé, parfait quoi. On le présente sur un panaché de laitues estivales, avec quelques tranches de tomate et de concombre frais, saupoudrées de persil. L’émulsion au goût de camomille et de miel est originale mais un peu trop douceâtre. La pizza aux tomates fraîches, aux olives noires, aux anchois et au parmesan a une croûte juste assez croustillante pour ne pas être sèche et fond en bouche: on ne laisse rien. C’est toujours un bon signe. La garniture est soignée et délicieuse.

Quant aux douceurs, toutes faites sur place, on trouve une crème brûlée parfumée au café, craquante comme toujours, tant psychologiquement qu’en ce qui a trait à la croûte de sucre passée au chalumeau; et une tourte chocolatée absolument succulente. On propose quelques gentils petits crus au verre, dont un beau rosado espagnol qui m’a fait voir la vie tout en rose l’espace d’un repas servi avec naturel et gentillesse. À découvrir pour 60 $, deux repas, deux verres de vin, les taxes et le service.

La Bécane Rouge
4316, rue Sainte-Catherine Est
Tél.: (514) 252-5420

Amuse-gueule
Le quartier Hochelaga-Maisonneuve est en fait constitué de deux quartiers distincts. Le premier peut facilement s’oublier dans la grisaille et la déprime postindustrielle. Mais le second, qui a déjà été une ville indépendante prospère jusqu’en 1918, est à découvrir absolument. À pied ou en vélo. On y trouve de très beaux parcs et le troisième marché en importance en ville, à part les constructions monumentales et un peu pompeuses du début du siècle.