Restos / Bars

Auberge des 3 Canards : Coin coin!

Malgré mes nombreuses virées dans Charlevoix, je n’avais encore jamais mis les pieds à l’Auberge des 3 Canards. Attirés par tout le bien qu’on dit de sa table – lauréate du Mérite gastronomique et du Prix québécois de la gastronomie -, nous souhaitions y faire bonne chère, mon amie et moi. Nous n’avons pas été déçus. Du moins pas de ce côté-là. Nous avions choisi la chambre la moins chère, mais elle l’était déjà un peu trop, c’est-à-dire meublée du plus strict nécessaire, comme dans un modeste chalet anonyme. Elle comportait, bien sûr, une fenêtre d’où la vue s’élance, s’évade et va caracoler sur un vaste terrain paysager (je sais, il y en a qui s’obstinent encore à écrire «paysagé»). Une pluie torrentielle berce ma longue sieste de l’après-midi. À mon réveil, un soleil déclinant fait le fanfaron derrière des masses de nuages. Un peu plus tard, nous voici dans la grande salle à manger qui jouxte le salon meublé de rotin. Avec trente minutes d’avance, car la faim a ses raisons que la raison ignore. Mais qu’à cela ne tienne! On nous reçoit avec la même cordialité, le même empressement, les mêmes sourires qui nous avaient accueillis en début d’après-midi. J’en dirai autant du service, prévenant, attentionné, malgré un nombre de convives qui ne cessera d’augmenter au cours de la soirée. Tout comme dans notre chambre, le bois clair domine, mais à la fois rustique et stylé, largement ponctué ici et là de tableaux hauts en couleur signés Larochelle, Lapointe, Dupont, Marquis… Des fenêtres, encore une fois, hautes et larges. Et le paysage qui se déploie lentement sous vos yeux, jusqu’au fleuve et jusqu’aux profilements de terre qui grisaillent à l’horizon. Les romantiques défaillent, j’en suis sûr. Je sombre, quant à moi, bercé d’odeurs suaves et de musique classique, dans l’une de mes lectures préférées. Il y est question d’entrées froides ou chaudes, d’une tresse d’agneau des Éboulements au fenouil, d’un soufflé de truite et de plie aux gourganes et d’une ronde de fruits de mer à l’aneth servi avec un «gâteau de homard». Mon amie avait déserté notre table. Je la vois revenir avec une large tranche de pain de ménage qu’elle a fait griller dans le foyer. Elle croit deviner que je me suis déjà décidé, peut-être pour l’assiette de lapin à la livèche du jardin, le médaillon de veau aux noisettes et muscat ou le pavé de daim au cassis et chou rouge. Eh bien, non! Le canard sauté et son sabayon à l’érable? Pas davantage. Nos choix faits, nous appelons à l’aide le sommelier pour lui poser une colle: nous prendrons du blanc tous les deux et nos plats ne se ressemblent guère. Un honnête Sancerre résoudra notre problème. Pour nous, c’est véritablement une fête qui commence avec l’arrivée des premiers plats. Il en est de même, semble-t-il, aux autres tables où atterrissent en douceur un soufflé de saumon, une escalope de flétan, une salade tiède d’épinards et pétoncles aux lardons et migneron, un gratin d’escargots au pamplemousse… Pour mon amie, il s’agit d’un palet d’anguille fumé à l’aigre-doux, présenté en trois larges rondelles et accompagné d’une excellente confiture de rhubarbe. À moi la timbale de ris de veau et sa crêpe de pleurotes avec, par-dessus, des pleurotes entiers, à demi voilés de deux feuilles de sauge! Ajoutez à cela quelques dés de tomates, petites notes de fraîcheur ponctuant une sauce brune et chaude, au goût soutenu. Tout au plaisir d’être là et de manger, nous n’avons pas vu tomber la nuit, dehors. Des éclairs immenses fulgurent dans le lointain, au-dessus du fleuve, salués par de longs «ah!» fusant autour de nous. Pour la nième fois, nous levons nos verres à leur santé avant de passer à autre chose, en l’occurrence un croustillant d’oie au foie gras et raifort et un «suprême de pintade laqué d’érable épicée et moutarde». Une soupe de moules «façon 3 Canards» les avait précédés, crémeuse sans lourdeur, suave et bienfaisante, nuancée d’une pointe d’acidité qui vous fouette un appétit déjà emballé. Imaginez une large coulée de sauce à la moutarde et le suprême en trois larges tranches garnies de carotte, de brocoli, de tomate cerise, de maïs nain et d’un minuscule pâtisson jaune. Il en résulte une incroyable harmonie de saveurs où l’arôme de la cannelle domine à peine l’acide et le sucré. À peu de chose près, la même garniture se retrouve dans mon assiette. Au milieu, une enveloppe de pâte filo abritant de gros morceaux d’oie et la farce de foie gras. Tout autour, une sauce claire et sapide. Intense. Poétique. Orgastronomique! Au point de ne pas pouvoir en venir à bout. Pour moi, le dessert ne sera qu’un plaisir des yeux, tandis que ma compagne se régale d’une demi-poire confite hérissée d’une lame de chocolat blanc.

Auberge des 3 Canards
49, côte Bellevue
Pointe-au-Pic (Québec)
Tél.: (418) 665-3761 et 1-800-461-3761
Table d’hôte: 39,95 $
Forfait pour deux (hébergement, souper et petit-déjeuner): à partir de 195 $