Restos / Bars

Don Camillo : Le veau d'or

Hommage plutôt inattendu au célèbre personnage de Guareschi et à ce bon vieux Fernandel qui l’a si… délicieusement incarné au cinéma. Un petit bijou de resto. À l’extrême bout d’un rang perdu au coeur de la Beauce! Des amis m’en avaient parlé. «Il faut absolument voir ça!» qu’ils disaient. Mon scepticisme restait au beau fixe, car, où qu’on tourne les yeux, c’est la pléthore des mets italiens (ou prétendus tels). Et il fallut que je me décide un soir. Un soir de crachin, pour faire exprès. J’ai ronchonné à l’aller. Sur le chemin du retour, malgré la noirceur et la pluie, nous fredonnions, mon amie et moi, les mélodies qui nous avaient enchantés au cours de la soirée, entre les murs d’une minuscule chapelle convertie en authentique bistro italien. L’accueil avait été des plus chaleureux, avec cette pointe d’enjouement qui vous met tout de suite à l’aise. Avant d’entrer, nous avions eu le temps d’apercevoir la grande terrasse aménagée au bord d’un petit étang et le bar extérieur, tout en bardeaux de cèdre, qui lui fait face. À l’intérieur, il n’y a que neuf tables. Les murs latéraux sont de planches claires et de placages de pierre. Celui du fond imite la brique. Au-dessus du bar, le détail d’une fresque de Michel-Ange s’y découpe comme une fenêtre ouverte sur le mystère. L’apéro (campari et vin blanc) nous laisse tout le temps d’examiner les lieux, les convives, les plats de viande ou de pasta qui embaument. La carte nous entretient d’agréables confidences qui ont pour nom bruschetta toscana, viande des Grisons, lisières d’omelette en sauce tomate, assiette de prosciutto crudo et autres. Pâtes et viandes succèdent aux antipasti: spaghetti (au pesto, carbonara ou «Caramba»), tortellini (maison) et sauce à la viande, pennette au saumon, côtes, entrecôtes et filet mignon (boeuf de l’Alberta)… Promenant les yeux autour de nous, mon amie tente (et parvient!) à identifier plusieurs de ces mets servis, ici à un couple accompagné d’un bambin, là à un groupe de quatre personnes, là encore à un jeune couple enchanté, tout comme nous, par le décor, l’atmosphère, cette ambiance où l’on se parle spontanément, d’une table à l’autre, à la moindre occasion, ne serait-ce que pour commenter une sauce ou une pièce de viande. Elle a choisi l’une des deux tables d’hôte, Il Paradiso, et sollicité une faveur: l’assiette de charcuterie mixte au lieu des tortellini proposés en entrée. Exaucés, nous le sommes tous les deux, puisque nos appétits se conjuguent (à tous les temps) pour faire un joyeux sort à ses pancetta, prosciutto, viande des Grisons, etc. La même ardeur nous anime pour venir à bout de mes ravioli (maison) au beurre à la sauge – plat fin, s’il en est, délicieux et léger. Il arrive un moment où nous ne nous rappelons ni le jour, ni l’heure, ni le lieu où nous sommes, ni le nom du vin dont nous avons presque terminé la bouteille. Aurons-nous faim pour le principal? Va falloir. Généreux, chaud et parfumé, l’ossobuco est un moelleux poème qui vous met les paupières en berne et vous cajole les papilles. J’ai rarement vu mon amie aussi décontenancée devant une assiette et aussi langoureuse après une bouchée de nourriture. Je goûte, je comprends, je l’absous. En ce qui me concerne, la curiosité a fait place à un véritable enchantement. On m’avait présenté ainsi le filet de veau Don Camillo: «Vieille recette milanaise… La viande est cuite dans du lait avec des légumes…» On vous la présente littéralement tapissée des légumes en question, réduits en morceaux presque microscopiques. Le bonheur est dans ces goûts-là, avec un petit accent familial, simple et vieillot. On glousse un peu en mangeant, sans trop savoir pourquoi. Et on a l’impression d’être meilleur qu’avant. Un verre de vin de plus, et l’on va prétendre qu’il n’y aurait plus de guerre si tout le monde mangeait ça. Nos desserts ne nous ramènent pas davantage à la réalité: tiramisú et bananier, escortés d’un café aussi noir que la nuit où l’on s’enfonce en chantant Libiam ne’ lieti calici…

Bistro Don Camillo
452, rang Chausse-Gros
Saint-Simon-les-Mines, Beauce (Québec)
Tél.: (418) 774-3999
Tables d’hôte: 23,95 et 26,50 $