Les exhortations alarmistes des diététiciens n’auraient-elles pas porté fruit? Entre un Montignac qui recommande de boire du vin rouge et de manger de la viande (à volonté), et d’autres pontifes de la cuisine qui font leur réputation avec la cuisine au beurre et à la crème, la crainte de voir augmenter le taux de cholestérol est… à la baisse!
Résultat: partout en Amérique du Nord les steak-houses sont réapparus et contribuent à tapisser allègrement nos estomacs de protéines animales. Certains, comme ce resto texan, allant jusqu’à proposer à leurs clients de leur offrir le repas gratuit s’ils finissent en une heure 72 onces de viande grillée et bien rouge déposée au creux d’une assiette; chassez la nature et elle revient au galop, quoi! Morale: il faut bien admettre une fois pour toutes que nous sommes carnivores!
Et nous ne sommes pas les seuls en Amérique à admettre notre fort penchant pour la chair fraîche. Prenez les Argentins, ces gauchos de la pampa qui affirment posséder la meilleure viande au monde. Ils en mangent deux fois par jour. Et leurs voisins, les Brésiliens du Sud, sont tout aussi passionnés de bidoche. Ils ont d’ailleurs inventé le churrasco, le BBQ du dimanche, au retour de la plage – l’autre passion brésilienne. Avec la particularité que la viande vous est servie sur une sorte de glaive appelé espeto et que le serveur découpe, à même votre assiette (et à volonté), de grandes tranches de viandes de toutes sortes – poulet, dinde, porc, boeuf – et de toutes coupes: la côte, l’entrecôte, le rôti, poitrine, ailes, etc.
Milsa, tenu par des Brésiliens, est donc une churrascaria, un endroit où la seule proposition est la grillade. Pourtant, établi dans l’une des rues les plus passantes du centre-ville, on est loin de l’ambiance balnéaire. Cela n’empêche pas le décor d’être plutôt élégant dans ses tons de rouge, avec ses murs de pierres grises, ses beaux luminaires contemporains qu’on dirait tout droit sortis d’un musée du verre, et de grandes étoffes aux couleurs du drapeau brésilien suspendues au plafond, à la manière d’une tente berbère, seul compromis folklorique. La carte se compose de trois choix dont deux ne présentent malheureusement aucun intérêt. Un poulet qu’on dit de Cornouailles, débité plus que découpé en morceaux, et dont la chair desséchée par la cuisson le rend à peu près impossible à avaler. Et une truite grillée, assez quelconque. On sert ces plats avec une salade ordinaire faite de laitue iceberg (il paraît d’ailleurs qu’elle revient à la mode celle-là) et de tomates pas assez mûries qu’on peut napper de vinaigrette un peu piquante ou crémeuse, toutes deux insignifiantes.
Mais il faut donner tout le crédit de cette maison au churrasco, que le serveur s’empresse de nous découper à même son épée. Il nous présente successivement de la poitrine de dinde, et ensuite des cuisses d’un poulet croustillant, cette fois succulent, de la saucisse juteuse, un peu cramée comme je les aime, de l’épaule de porc fondante, de l’entrecôte découpée depuis la grosse côte, des morceaux de la macreuse, un autre baptisé simplement «rôti», toutes de goûts différents, ce qui nous permet d’apprécier la troublante variété de saveurs que peut avoir une viande grillée, tirée d’une seule et même bête. On vous offre ce repas accompagné d’une pomme de terre bouillie – ce qui ne se fait jamais au Brésil -, de riz et de feijao (le ragoût de haricots noirs). Mais ce que nous avons dû solliciter, car sans cela ce repas manquerait d’exotisme, reste la farofa, la farine de manioc grillée avec de l’eau, du beurre et des oignons qui accompagne toujours les grillades. Elle aide miraculeusement à déglutir ces nourritures, au demeurant un peu sèches.
À ce point, le dessert ne peut être évité et ne déçoit pas: une mousse aux fruits de la passion, comme à Rio, ou au chocolat, comme à Hull, c’est en quelque sorte la cerise sur le sundae de cette ripaille que j’ai mis longtemps à digérer mais qui m’a procuré un coupable plaisir. L’addition totale, 100 $ pour trois repas très copieux, incluant les taxes et le service, reste une expérience honnête, bien que ledit service soit rude.
Milsa
2045, rue Crescent
Tél.: (514) 985-0777
Amuse-gueule
Depuis la crise de la vache folle qui a jeté un froid sur la passion anglaise (contradiction?) de la viande de boeuf, les scientifiques se posent de plus en plus de question sur les méthodes d’élevage des animaux destinés à la consommation humaine. Ainsi, les très sérieux magazines Le Point et Le Nouvel Observateur révélaient récemment que 96 % du boeuf consommé aux USA est traité aux anabolisants – interdits en Europe depuis 1980 -, des hormones naturelles et artificielles qui contribuent à nourrir les bêtes et sont connues comme activatrices de croissance afin de diminuer la masse graisseuse et d’augmenter la masse musculaire. Et, bien que la santé publique ne soit pas en danger, selon les experts, «sa consommation ne présente pas de toxicité prise par un individu isolément», on n’exclut pas qu’elles puissent avoir un effet à long terme sur une population qui les ingérerait régulièrement. Ainsi, on apprend que la puberté précoce (aux États-Unis) serait due à ce facteur. Pour l’instant, les connaissances ne permettent pas d’évaluer «avec certitude» les dangers encourus. Ouais! En tout cas, quand vous amènerez vos enfants au McDo, pensez-y un instant.