La Provence, c’est la patrie de l’ail et de l’huile d’olive. C’est aussi (merci Peter Mayle) la province la plus connu et la plus visitée de France de ce temps-là. Au point où les anciens villages de pierre qui se vidaient de leurs habitants se remplissent désormais de touristes anglais et allemands. Sa cuisine? Un condensé de son histoire, vraiment, une gastronomie inventive qui a absorbé les influences de la Grèce et de l’Italie. Curieusement, de toutes les cuisines régionales de France, elle est restée à peu près absente du répertoire des restos français en ville, du moins dans sa version familiale. Même en Provence, dit-on, les recettes traditionnelles se perdent au profit d’une certaine cuisine parisienne, bourgeoise et souvent saucière.
Depuis quelques mois, deux Français – dont un Provençal – ont décidé d’y remédier en proposant au menu de leur petit troquet du Centre-Sud, baptisé Les Pieds dans le plat, des plats ménagers simples et nourrissants qui font couler le soleil et tournoyer les parfums du Sud. Car les Provençaux aiment ce qui goûte. On y offre donc des choses qui donnent faim rien qu’à les lire (daube de boeuf, aïgo bouido) et qui contiennent toutes, sans exception, de l’ail et de l’huile d’olive.
Dans une ambiance conviviale, colorée comme les nappes qui couvrent toutes les tables, et assez provençale – grâce à la chaleur surtout – malgré l’air décati des maisons environnantes, les patrons ont su s’adapter aux saisons sans perdre le terroir en ligne de mire. Ça donne des petites salades panachées, des soupes légères et des plats de viande adaptés au goût du jour. Tâtez donc du caviar d’aubergine, crémeux et parfumé comme un champ de fleurs d’ail, qu’on tartine sur des croûtons. Ou commencez le repas avec une soupe de tomates parfumée au basilic bien légère, qui rafraîchit autant qu’une salade. En plat, le veau en aillade est presque devenu un fossile tellement il est servi rarement. Le veau cuit en morceaux avec de l’ail blanchi et du concentré de tomate est un ragoût savoureux et odorant qui évoque les fourneaux de campagne. Le rôti de porc est cuit longuement avec du pastis et de la tomate, et parfaitement compatible avec le goût d’anis. Ces plats sont accompagnés de pommes de terre vapeur, une note distinctement nordique, cependant.
Nous lui pardonnons une tatin un peu «manquée», moins sucrée que d’ordinaire. Mais ça donne une tarte aux pommes renversée vachement bonne quand même et qui a le mérite d’être faite sur place. Si toutes les tartes des restaurants de Montréal étaient aussi délicieuses que cette tatin «ratée», je cesserais immédiatement toute récrimination. Tout ce qu’on peut ajouter sur ce repas alléchant, c’est que le chef, lui, n’a pas les pieds dans les plats. Pour cette cure gourmande, comptez 60 $ avec les taxes et le service, et une bouteille de vin de Rasteau, tirée d’une courte liste qui ne met que des produits de la région à l’honneur, surtout des côtes-du-rhône. Et puis les patrons sont si sympas!
Les Pieds dans le plat
1256, rue Ontario Est
(514) 527-7639
Autres restaurants de cuisines régionales françaises en ville:
* Bretagne: Tonnerre de Brest, Aux Deux Gauloises
* Sud-Ouest: La Rapière, Le Club des pins
* Gascogne: Le Béarn
* Bordelais: Chez Julien
* Provence: Le Mas des Oliviers
Amuse-gueule
L’envie vous prend de vous essayer à la cuisine provençale? Si vous cherchiez un bon bouquin, les Éditions du Chêne publient une petite plaquette de cent et quelque pages d’une série baptisée Idées gourmandes, format miniature d’un beau livre – avec de magnifiques photos -, mais à une fraction du prix. D’Élisabeth Bourgeois, qui a ouvert Le Mas du Tourteron, l’une des meilleures tables du Midi, ce Cuisine provençale propose des recettes assez faciles, inventives et plutôt raffinées qui auront de l’impact en cette fin d’été: une charlotte d’agneau aux aubergines, des petits chèvres rôtis au romarin et une tourte tiède aux abricots et aux cerises ont d’ailleurs ravi mes invités la semaine dernière. Ils ne se sont doutés de rien!