Restos / Bars

Sagamité : Gibiers de potence

Ce n’est pas trop tôt. Depuis le temps que je rêvais d’un restaurant amérindien à Québec (ou dans les environs immédiats)! Sagamité en est un, certes; mais il n’est pas que cela, si l’on tient compte des pâtes, pizzas, crème caramel, tarte aux poires à l’alsacienne et autres exotismes qui fraternisent sur la carte. Nous y étions passés une fois, sans vraiment faire de détour, puisque nous étions dans les parages. Accoudés au comptoir, nous avions pris le temps d’examiner les menus et les lieux, de poser des tas de questions auxquelles on a répondu avec une extrême courtoisie. Notre deuxième visite a lieu vers la fin d’une belle journée chaude. Nous descendons de voiture dans la cour arrière, en contrebas. De là, il suffit d’étirer le cou pour apercevoir un bout de l’escalier conduisant à la chute Kabir Kouba. Dans la direction opposée, on découvre l’immense terrasse de bois qui surplombe. Une foule dense et joyeuse s’y paie du bon temps à coups de verres de bière, de vin, et de sandwiches. L’escalier nous semble raide, pour des estomacs en chômage de plusieurs heures. Évidemment, nous aurions pu stationner plus haut et utiliser l’entrée principale, mais ventre affamé n’a point de logique, c’est connu. À l’intérieur, l’ambiance est à peu près la même: rires et bruits de voix, bruits de vaisselle, sans parler du ballet effréné du personnel soucieux de servir tout le monde dans les meilleurs délais. Nous sommes à peine assis qu’un bruit de tambour retentit. Une serveuse transportant un gros tambour amérindien tape dessus à l’aide d’un maillet rappelant une maraca. Deux autres l’accompagnent, chantant et transportant une tranche de gâteau illuminée de chandelles. Le premier moment de surprise passé, toute la salle applaudit à cette façon originale de souhaiter un joyeux anniversaire… Cela sied d’ailleurs fort bien à ce décor de bois clair qui ne ressemble à aucun autre: lustres en cercles de métal traversés d’une flèche, poteaux sculptés en creux ou en relief de masques, de silhouettes ou de scènes de chasse. La carte? Astucieuse, si l’on peut dire. Aux timorés et aux prudents, elle propose quelques sandwiches, du poulet, des salades, des hamburgers (au caribou), des ris de veau, de la terrine de gibier, du saumon fumé. On y retrouve aussi des pizzas, dont la «Malécite» au confit de canard, tomates, fromage et champignons. Pour les habitués, les curieux ou les aventuriers, des plats qui sortent de l’ordinaire. Ma «Sagamité» s’en vient, justement. Potage roboratif, s’il en est, à base de bison, de cerf, de maïs, de fèves et de courges variées. Trop bon pour qu’on en laisse en songeant au prochain service, ça vous esquinte la faim en moins de deux. Arrive ensuite la «Potence» (pour deux personnes). Faut vous dire: il y en a trois différentes, soit celle des «explorateurs», celle des «conquis» et enfin la nôtre, la «Potence du sacrifice» au bison et au cerf. L’instrument rappelle un peu le jeu du pendu; ce qui y pend est un cylindre métallique hérissé de pointes. Ce «hérisson», comme on l’appelle, vous est amené tout chaud, brûlant, fumant, garni de morceaux de viandes et de fruits (ananas et nectarines). La serveuse fait couler dessus un alcool (cognac ou brandy?) et vous le flambe sous le nez. Nous n’attendons pas son signal pour attaquer, encouragés par quatre sauces assez réussies (surtout la béarnaise), bien qu’un peu acidulées. Peu après (nous mangeons vite), une deuxième potence vient prendre la relève. Jamais sacrifice n’aura été aussi plaisant. Nous aurions ménagé un accueil tout aussi enthousiaste à une troisième, mais il n’y en a pas. Nous nous regardons, mon invitée et moi, un peu tristes, indécis… Alors, pour nous venger, nous nous rabattons sur la tarte aux poires à l’alsacienne…

Restaurant Sagamité
10, boulevard Maurice-Bastien
Wendake (Québec)
Tél.: (418) 847-6999
Table d’hôte: 16,45 à 22,95 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons): 60,24 $