Restos / Bars

La Cantina : Tout en douceurs

On dit de la vie à l’italienne qu’elle est gracieuse. Parfois même élégante. Et pour la qualifier, on lui attribue l’épithète «dolce». Ce n’est pourtant pas ce que je ressens lorsque je mets les pieds dans certains restos de pâtes du boulevard Saint-Laurent, où la fumée, le bruit et les parfums capiteux de la vie gracieuse se mettent à ressembler au métro à l’heure de pointe.

Heureusement, il y a encore en ville certains restaurants où le caractère «dolce» se bute aux pizzerias-à-D.J. Considérés comme restaurants italiens à l’ancienne, ils évoquent davantage le vieux pays que celui de leurs descendants cellularisés de Saint-Léonard. Cela dit, les patrons de La Cantina semblent être heureux ainsi. Planté tout près du boulevard Métropolitain, dans un quartier de manufactures, l’établissement ne fait pas grands frais de charme. Mais les patrons et les bourgeois de la Petite Italie ne se font pas tirer l’oreille pour avaler le temps et les kilomètres qui les séparent de cette incarnation fort réussie d’une Italie simple et sans tape-à-l’oeil. L’intérieur boisé a quelque chose du pavillon de chasse, à la fois rustique et cosy, avec ses faïences, ses bouteilles de vin, ses cuivres accrochés aux murs à côté des célébrités photographiées la main sur l’épaule du patron. Et si l’éclairage ne favorise pas les rencontres, il nous garde à l’abri des regards, ce qui est la marque de l’intimité.

Sur la carte, on trouve une cuisine qui, sans éviter un certain académisme, reste franche de goût, sincère et volontiers bourgeoise.

Une salade de roquette présente des feuilles d’une indiscutable fraîcheur – et aussi d’une étonnante amertume -, que viennent atténuer une excellente huile d’olive et l’acidité un peu sucrée du vinaigre balsamique. On lui aurait presque imposé des copeaux de parmigiano frais si elle n’était pas aussi fringante et saisissante. Parfaite en solo, finalement. Une soupe contadina – paysanne, donc – faite d’un bouillon assez léger mais concentré en saveurs, dans lequel nagent des haricots de fin d’été, des tomates et des épinards, n’embrouille ni la bouche ni l’estomac. En plat, des gnocchi aux porcini (les cèpes italiens), roulés à l’ancienne en bâtonnets qu’on coupe, sont simplement servis avec une sauce tomatée, désarmante de simplicité, et garnie de basilic frais. Voilà un plat de pasta comme il se doit: sans chichis, comprenant deux ingrédients, la sauce compatible avec la sorte de pâte (lisse si les pâtes le sont, et grumeleuse si les pâtes sont de forme irrégulière), de la texture et de l’élasticité – mais pas trop -, et une assiette creuse. Traditionnellement faite de boeuf, l’escalope de veau alla pizzaiola, est un plat emprunté aux paysans de Campanie, dans lequel la viande est braisée avec de l’ail frit, de la marjolaine ou de l’origan, et de la tomate. Elle nous est servie avec des épinards sautés à l’huile et assaisonnés d’une pointe d’ail, et une pomme de terre vapeur. Le veau fond en bouche, un avantage sur le boeuf. La conclusion s’amène sous forme d’un semi-freddo (à moitié froid, du gelati malaxé à de la crème anglaise) en deux couches, l’une au chocolat et à la noisette, et l’autre à la pistache, qui disparaît en deux bouchées. Le café est excellent (même décaféiné); la carte des vins aussi, et le service connaît les bonnes manières. Une bonne table classique, qui se paie, mais qui vaut son prix: 75 $ à deux, taxes et service inclus, avant le vin.

La Cantina
9090, boulevard Saint-Laurent
382-3618

Café Bistro Cannes
En dépit du nom, on ne sert pas de pissaladière ici, mais bien des sandwichs et des pastas. Pas obligé de tout révéler, même si les patrons, eux, ont une gueule – et un accent – qui sort tout droit d’Omertà. On y joue au billard ou l’on traîne au bar avec les copains, devant un Brio ou un verre de chianti. Mais pour déguster du bon café, comme seuls les Italiens savent le faire; ou mieux encore, pour trouver refuge au centre-ville dans autre chose qu’un café franchisé; pour un lunch rapide et délicieux sans pour autant se taper tout ce que la planète fast a inventé de gras et de salé, les pizzas, les pastas et les sandwichs de ce troquet, coincé entre les buildings et les boutiques de la rue Crescent, sont une affaire. Et puis, ne vous inquiétez pas, les patrons sont très sympathiques et n’ont aucun téléphone cellulaire. 10 $ tout compris, pour un lunch.

Café Bistro Cannes
2183, rue Crescent
288-1495