Rares sont les fois où le feu rouge ne m’immobilise pas devant ce café. Ce dimanche frileux ne fait pas exception à la règle. Mon amie, à qui je signale la chose, suggère tout naturellement: "On pourrait peut-être manger là…" Pourquoi pas? Surtout qu’il est plus de 13h et que la plupart des brunches tirent à leur fin. Le temps de stationner en fulminant contre l’inventeur des parcomètres, ses héritiers et ses complices, nous y sommes. Les menus affichés à l’entrée ont achevé de nous convaincre. La salle à manger principale s’avère plus grande que je ne m’y attendais. Cela reste pour moi un petit café, question d’atmosphère s’entend. Du bois partout – brun, chaud, authentique. Des bouteilles, des meubles en miniature, un vieux traîneau d’enfant, un antique fanal et toutes sortes d’objets anciens se suivent de près sur une tablette qui fait presque le tour de la pièce, près du plafond bleu tourmenté de frises et de reliefs. Des clients déjeunent légèrement, d’autres s’attaquent à du "robuste"; d’autres encore ont sombré dans la lecture des journaux. Le jour déferle à plein par les fenêtres vitrées; les odeurs nous parviennent par grandes bouffées sporadiques et, dans les haut-parleurs, Nat King Cole nous chante Smile. La carte aussi nous invite à sourire, surtout ses clins d’oeil à l’enfance: "Quand je vais être grand je vais être…" Boulanger? C’est la rubrique des pains, des bagels, des clubs, etc. Pompier? Voici les nachos "Bambino", "Pedro", "Sanchez", "Diego". Les autres sections se révèlent tout aussi pittoresques ou simplement amusantes avec les burgers du monde (dont le "Woodstock") et les pizzas-déjeuners. Les plats "sérieux" ne manquent pas non plus – filet de saumon Tel Aviv, poitrine de poulet à la sichuanaise, escalope de veau all’Amaretto… Mais c’est un "hamburger parisien" que j’ai choisi, bien garni de boeuf, pâté de foie, tranche de tomate et moutarde de Dijon. Sa seule vue me survolte l’appétit, mais il en assume les conséquences jusqu’aux dernières miettes et ne proteste qu’en me barbouillant copieusement les lèvres de pâté de foie. Mon amie, elle, avait préféré les nachos "Gonzalez" – sans Gingras, vaut mieux le préciser, on ne sait jamais. L’assiette rivalise d’abondance avec la mienne. La sauce est bien assaisonnée, les rondelles de piments forts bien visibles. Si j’ajoute "la bouche enflammée et le front en sueur", je parle bien entendu pour moi, car mon amie s’étonne: "Tu trouves cela piquant, toi?" Tout en mangeant, je m’intéresse à quelques vieux bouquins rangés sur une étagère proche – un Petit Robert, des "petits classiques", les Nouvelles Méditations de Lamartine. En replaçant Snobissimo de Daninos, mon bras heurte une petite carafe que je croyais seulement décorative. Imaginez la traînée d’huile qui se répand sur la tablette, le bas des livres lubrifié à jamais… J’avertis notre serveur, puis me réfugie de mon mieux derrière ma tasse de café. Pour me donner une contenance, frites et mayo écopent aussi par la même occasion. Mal à l’aise, moi? Mais non. Je fais un geste brusque pour ponctuer ma dénégation, et voilà mon couteau qui en profite pour glisser. Cela me semble résonner comme un gong sur le sol. Mon amie noie un fou rire naissant dans son soda à l’italienne (eau minérale, liqueur de framboise et tranche d’orange). Mais elle ne peut plus se retenir car, juste à ce moment, elle voit passer dehors un homme dont le sac à dos s’orne d’une belle laitue romaine. Jamais vécu un dimanche plus surréaliste!
Café Au bonnet d’âne
298, rue Saint-Jean
Québec (Québec)
Tél.: (418) 647-3031
Menu du jour: 6,95 à 9,95 $
Table d’hôte: 12,95 à 17,95 $
Repas pour deux (incluant boissons et taxes): 19,34 $
Souper gastronomique
Michel Chartrand présidera cette soirée organisée par la corporation Les Premiers de cordée, fondatrice du centre communautaire Carrefour Jeunacte et de l’"entreprise d’insertion" que constitue le restaurant Le Piolet. Ce souper-bénéfice, qui aura lieu le 28 octobre, se veut digne des plus fins palais. Le chef Reynald Breton a orchestré pour la circonstance un menu de huit services où l’on retrouve entre autres le ceviche de pétoncles en symphonie de poivrons doux aux algues (émulsion d’herbes fraîches), le velouté de citrouille parfumé aux agrumes, la dariole de lapereau aux champignons des bois, le sorbet à la fine champagne, les aiguillettes de canard de Barbarie (hydromel au nectar de pomme et gingembre confit au bourbon), etc. Cela s’achève sur quelques mignardises précédées d’un délice satiné au chocolat blanc. Coût: 80 $ le couvert.
Restaurant Le Piolet
103, rue Racine
Loretteville (Québec)
Tél.: (418) 842-7462