La Petite Italie date du début du siècle, mais son âme remonte à bien plus loin. Dans chacun des restaurants et des caffé de ce bout du quartier Villeray, on a l’impression de surprendre un fragment de la vie sociale des anciens villages. Les patrons connaissent les clients; ces derniers se connaissent entre eux; et il n’est pas rare que les étrangers se mettent à sympathiser spontanément. Les nouveaux restos du quartier – où l’argent se manifeste dorénavant par les belles voitures stationnées à l’avant, le «valet parking» et les décors parfois somptueux et toujours élégants – sont des endroits sans grande prétention, consacrés plus souvent qu’autrement au plaisir d’un repas, si on peut se l’offrir. Même si un repas signifie une pizza ou une salade, ou encore un plat de pâtes accompagné d’un verre de vin.
Joya incarne un peu cette nouvelle disposition: informel et chic, sympa et élégant, juste assez tape-à-l’oeil pour séduire. D’un côté, on a gardé un vieux parquet de terrazzo; de l’autre, on a installé de grands rideaux, des candélabres et un mobilier flambant neuf. Et si la cuisine, qui s’ouvre sur la salle à manger, élimine le mystère des préparations, le bar, pour sa part, n’invite pas à l’habituelle conversation, le barman étant assis en salle avec de jolies demoiselles. Tout cela semble contradictoire, mais ça ne l’est nullement en fait: ce resto est le bébé d’Italiens de la deuxième génération, ceux qui ont grandi ici et qui n’ont de l’Italie qu’une vague notion, souvent limitée au calcio et à la Ferrari. Peu importe, car les patrons ont fait beau et bien avec assez peu de moyens (comparativement aux sommes dépensées pour enjoliver les établissements du boulevard Saint-Laurent) et tentent l’aventure de la restauration avec circonspection.
Un grand tableau noir propose des plats bourgeois d’une certaine culture gastronomique italienne qui se rapproche parfois de la cuisine française saucière. À preuve, une crème de carottes impeccable, savoureuse et crémée avec abandon. Ce qui n’est pas plus mal, la carotte et la crème étant des associées naturelles. Une petite salade simple, qu’on dirait banale si elle n’était nappée d’une délicieuse émulsion, est une proposition de la table d’hôte. La carte suggère pour sa part des choix plus audacieux et raffinés. Les pastas défendent bien leurs couleurs méridionales dans un plat d’orechiette (petites oreilles) aux tomates et au rapini sautés à l’huile d’olive, auxquels il manque cependant un peu de sel. Les spaghettis, parfaitement al dente (et je le répète, ils le sont rarement), sont nappés d’une sauce aux poivrons rouges douce, onctueuse et succulente.
En dessert, des gâteaux crémeux et riches, mais nullement italiens, nous font la moue; nous résistons pour ne pas sombrer dans le vice. Quant au café, hum! il est loin des habituels standards de qualité auxquels nous ont habitués l’établissement.
La cave fait une triste mine, surtout au verre, puisqu’on ne vous offre qu’un seul cru, celui de la maison, assez ordinaire du reste. Mais le personnel de bonne volonté a du charisme et des gueules d’enfer. Un endroit sympa où l’on mange convenablement et où il y a un peu de travail à faire mais qui, à ses débuts, s’en tire assez bien. Comptez une cinquantaine de dollars à deux, avec les taxes, le service et deux verres du vino della casa!
Joya
6918, boulevard Saint-Laurent
271-3840
Paparazzi
Dans le même ordre d’idées, des fils d’Italiens qui aiment la Ferrari, les cellulaires et les belles chaussures ont ouvert ce mignon café-lounge à deux pas des meilleurs troquets de la Petite Italie. Ici, le décor est aussi léché et rococo que le café est fort et aromatique. On y propose, le jour, des paninis et quelques salades bien fraîches, mais on peut aussi flâner en écoutant la télé ou en discutant avec l’excentrique barman, un authentique Montréalais trilingue qu’on dirait catapulté directement de Bologne. Un bel endroit pour se rencontrer en groupe si on gravite dans le coin.
Papparazzi
6846, boulevard Saint-Laurent
948-5552
Amuse-gueule
Le lucratif marché de l’huile d’olive a plus que triplé en dix ans, au Canada. Et qui dit «fric» dit parfois «escroquerie». Voilà pourquoi le gouvernement du Canada impose dorénavant des critères de qualification sévères. Uniquement dans la dernière année, sept compagnies d’importation ont été reconnues coupables de vendre sous l’appellation «huile d’olive extra-vierge» un produit qui contenait presque en totalité de l’huile de tournesol – beaucoup moins chère à produire. Des milliers de litres d’huile de marque comme Terra Mia, San Palo, Ricetta Antica, Olivio et Kalamata (une compagnie montréalaise) ont été saisis. L’ironie est que toutes ces compagnies ont plaidé coupables, en prétextant qu’elles ont été bernées tout autant que les consommateurs par les importateurs à la source, et en suggérant que le gouvernement canadien est coupable, lui, de ne pas avoir inspecté les produits à leur arrivée au pays.
Comment éviter de se faire avoir quand on cherche une bonne huile d’olive? Difficile à dire; mais si vous cherchez à payer le moins cher possible pour une huile d’olive extra-vierge, soyez assuré que vous risquez d’acheter de l’huile trafiquée. On peut désormais abaisser artificiellement l’acidité d’une huile de qualité inférieure (et donc mériter l’appellation extra-vierge); et l’on utilise souvent les feuilles ou les branches d’olivier, et même les noyaux d’olives, pour donner de la couleur et du goût à une huile d’arachide ou de tournesol. Un litre d’huile d’olive à quatre dollars, c’est pratiquement impossible à produire, et absolument personne ne le ferait à ce prix.