«C’est la première fois que vous venez…» C’est une question, évidemment, mais nuancée d’une pointe d’affirmation. L’étonnement doit se lire sur notre visage et, avant de nous choisir une table, nous hésitons certainement davantage que les habitués. Avec ses miroirs, ses cadres, ses affichettes, ses murs saumon, son comptoir sinueux et sa cuisinette abritée derrière une cloison, l’endroit évoque une fantaisie de maison jouet. Un peu partout, des touches de vert, des appliques de trèfles, des annonces de bières. Quelques clients sont accoudés au bar et parlent; d’autres mangent, attablés près de la fenêtre donnant sur la rue Saint-Jean. Nous découvrons, tout au fond, sur la droite, un petit coin surélevé, sorte de micro-mezzanine où l’on a tout de même réussi à loger quatre petites tables, des chaises et deux banquettes. Trois marches de bois et nous y sommes… Là, deux jeunes filles semblent se demander par où attaquer les énormes assiettes posées devant elles. Mon invitée se renseigne illico de l’oeil et du verbe. Si bien qu’en prenant place, nous savons déjà ce que sont les kokas et la salade McMahon. La carte, aussi rouge que le plafond, annonce «cuisine internationale», mais je pousse un soupir de soulagement en constatant qu’elle ne mentionne ni pasta ni pizza. En revanche, elle propose des briks, principale spécialité de la maison, à peine inspirés de la recette tunisienne: à l’italienne ou à la mexicaine, aux merguez ou aux trois fromages, au tofu, au saumon fumé, au féta et taboulé, etc. Il y en a même un nouveau, le brik d’agneau aux pommes et champignons, créé pour les «Fêtes d’automne». Tant de détails évoquent ici l’Irlande – livres, affiches, légendes et pain brun irlandais fait maison – que je cède à la proposition d’une Smithwick’s, rousse, légère et rafraîchissante; mon invitée opte pour une Griffon. Nous trinquons presque machinalement, pressés de revenir à la carte aux noms pittoresques ou amusants tels que «Mort par chocolat», «Ciel des glaces», «L’Enfer des tartes», «Réincarnation»… Mais ce sont là des rubriques sous lesquelles se rangent les desserts, dans le giron des «chocos» maison et des cafés spéciaux, non loin des cocktails – dont l’«Aurore dorée de Normandie», l’irlandais Lily of the West et le grog Hot Buttered Rum à base de rhum ambré, jus de citron, miel, beurre, girofle, cannelle et muscade. Remontant en direction du salé, je croise au passage les omelettes à l’emmenthal, les petits déjeuners servis jusqu’à 15 heures (dont le copieux irlandais), les salades… Nous avons fini par commander. Outre le poulet mariné, mon brik comporte du riz et des légumes sautés; il s’accompagne d’un peu de salade et d’une pomme de terre garnie de crème sure. L’enveloppe est faite de vraie pâte à brick, plus légère et de meilleur goût que la filo. J’aime qu’on me surprenne, et c’est ce qui se passe depuis le début. J’aime. Quant à mon invitée, elle a évidemment choisi la salade des kokas… que nous avons vu manger si vite près de nous. Imaginez une petite montagne dans l’assiette: autour et par-dessus l’abondante salade (laitue, tomates, olives, câpres, etc.), des chaussons triangulaires farcis de chili con carne n’attendent que votre bon vouloir. Cela se sert habituellement avec du guacamole, mais il n’en reste plus; on nous l’a remplacé par une salsa que mon invitée aurait souhaitée plus piquante. Nous mangeons trop et vite, cela va sans dire. Nos assiettes repartent vides… pratiquement vides, vu que j’y ai tout de même oublié un peu de salade en prévision d’un gâteau irlandais aux pommes qui attend sur le comptoir, en contrebas. Le chef lui-même s’amène à notre table un peu plus tard. Et il rit de nous entendre insister: «… une petite tranche de gâteau… un petit café au lait… un petit masca-pomme…» En repartant, je me demande bien ce qui m’a pris, car, à dire vrai, j’en aurais mangé trois.
Dazibo Café
526, rue Saint-Jean
Québec (Québec)
Tél.: (418) 525-2405
Tables d’hôte: 14,95 et 17,50 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons): 39,52 $
Médaillés d’or à Québec
Dans la catégorie internationale, la médaille d’or de la Coupe des nations a été attribuée cette année à l’Équipe Canada composée des chefs Isabelle Gignac (Manoir Montmorency), Jean-Pierre Cloutier (Café-restaurant du Musée), Susan Sylvester (La Fougasse) et Pascal Gagnon (Manoir de Tilly). Nos félicitations aux heureux lauréats qui, on l’aura remarqué, sont tous de Québec ou des environs immédiats.