Restos / Bars

Le P’tit Lyonnais : La part du Lyon

Par temps froid, on a envie de manger des plats mijotés, car le souvenir de ces mets dont les parfums se mélangent longuement, et dont les arômes envahissent les cuisines (et, souvent, imprègnent les vêtements), évoque l’enfance et le confort du foyer.

Les Américains ont un nom pour ce genre de cuisine: le comfort food, ou nourriture du bien-être! Toutes les cultures ont la leur: les Italiens avec leur bollito misto ou leur risotto; et les Français ont les bourrides et les bouillabaisses au Sud, les potées au Centre, les garbures à l’Ouest et les pot-au-feu à l’Est. Au Québec, le pot-au-feu s’est métamorphosé en «bouilli» après avoir traversé l’Atlantique, mais l’esprit et les ingrédients sont restés essentiellement les mêmes: une viande, des légumes, des grains, le tout mijoté dans une même marmite. Après des années de servitude à la grillade, les grands restaurants les inscrivent de plus en plus sur leur carte, et les simples bistros en font leur plat du jour.

On pourrait dire que c’est le cas du P’tit Lyonnais, établissement qui a ouvert ses portes tout récemment. Et, pour une fois, ce bistro français n’est pas de facture chic mais opte plutôt pour un style clinquant et chaleureux, où l’on mâchonne sa nourriture entre amis. La démarche est la même que dans ces petits bistrots de quartiers populaires qu’on appelle «bouchons» dans la région de Lyon. Ce sont des endroits à la portée de tous, où l’on mange une cuisine exquise mais simple, préparée comme chez soi, dans une ambiance conviviale qui donne envie de revenir chaque fois qu’on a les bleus. On trouve ces qualités dans ce Lyonnais du Plateau, effectivement petit, où la cuisine est faite sous vos yeux derrière un ancien comptoir de snack-bar.

Entre nous, comment ne pas offrir l’encouragement largement mérité à une crème de chou-fleur qui m’a presque réconcilié avec l’ingrat légume d’automne au goût ennuyeux, habituellement impossible à digérer. Il se présente ici en potage, «tout nu», préparé sans les bouillons en poudre auxquels font trop souvent appel la majorité des restaurateurs. Le résultat parle de lui-même: un velouté suave, encore un peu grumeleux, où l’on détecte un peu la pomme de terre qui magnifie le parfum du chou-fleur. On propose aussi une salade lyonnaise qui mêle les œufs durs, les lardons et les pommes de terre coupées en dés et frites, le tout mêlé à un mélange de laitues d’automne, avec l’escarole au premier plan. Les quenelles, classiques de la cuisine lyonnaise, sont composées de chair de turbot et d’œufs et sont gratinées à la béchamel. Le goût est aussi délicat qu’il est précis. Quant au pot-au-feu, s’il lui manque de la moelle ou du veau (il n’y a pas qu’une seule manière de le faire après tout), on y trouve une bonne tranche de viande de bœuf qui a mijoté longuement et qui fond comme du bonbon au contact de la langue. De quoi nous démontrer que la découverte du feu à tout de même ses mérites, n’en déplaise aux granolas! La carte n’a pas peur de faire son tour de France avec du coq au vin ou du bœuf bourguignon qui ont belle allure. Les desserts, quant à eux, nous remplissent de calories et de toutes ces bonnes choses qu’on a inventées pour garder les enfants sages: chocolat dense et crémeux dans un gâteau à la poire, ou miel sur des crêpes feuilletées et minces, confectionnées avec soin.

Ces plats bien enracinés dans le terroir (et non pas dans la tradition bourgeoise ) prouvent que la cuisine de campagne revient de loin. Bien entendu, on lui a fait subir une cure d’amaigrissement, mais le ton est là: simplicité et élégance, goûts francs et dépouillés sans provocation inutile. Le service est fait avec courtoisie par la patronne qui sourit gentiment malgré le travail. Un seul problème: l’aération imparfaite empêche les odeurs de disparaître, ou à tout le moins de ne pas s’attacher avec obstination à votre manteau. On nous promet pour bientôt le permis d’alcool tant convoité, et l’ouverture en soirée. Pour l’instant, vous accompagnerez votre lunch d’eau plate – triste sort! Ce petit resto est idéal pour les jours où vous aussi aurez envie de vous convaincre que la vie est un long fleuve tranquille. Comptez environ 48 $ pour deux repas copieux, taxe et service compris.

Le P’tit Lyonnais

1279, rue Marie-Anne Est

523-2424

Amuse-gueule

Le pot-au-feu est un plat universel et mythique, une recette presque magique qui est à la fois un médicament et un nutriment. Curieux hasard (et c’en est un) que j’aie lu le dernier ouvrage de la série Mutations (Autrement), placée sous la direction de l’historienne Julia Csergo, un livre intitulé justement Pot-au-feu, la même semaine où j’en ai mangé dans un restaurant. Collectif brillant, où chacun des auteurs rassemble des idées fascinantes sur ce plat de famille, cet ouvrage va au fond de l’histoire de la table française et met en parallèle société, mœurs et cuisine. Comme quoi on peut écrire un livre de cuisine captivant sans inclure de recettes (bon, d’accord, il y en a bien quelques-unes à la fin). Un livre qui se lit à petites doses, lentement, comme la cuisson au feu de bois.