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La Mairie : Avis régal

Allez-y à pied, à cheval ou sur le pouce, mais allez-y! Ce restaurant loge dans une vaste demeure qui hébergea l’hôtel de ville à la fin des années 1950.

De là sans doute son petit air vaguement solennel qui se dément une fois qu’on en passe le seuil. L’odeur des cuisines qui embaume l’air, dehors, se révèle à l’intérieur moins intense, mais tout aussi appétissante. Elle vous prend gentiment par le nez, vous mène jusqu’à la table qu’on vous a réservée et vous murmure dans son langage que vous allez vivre une soirée faste. L’accueil et le service s’effectuent correctement et sans arrogance, avec un calme presque souverain, des sourires rares et discrets, mais sincères. Tout cela fait que nous nous sentons en confiance, mon invitée et moi. Et à un point tel que nous serions capables d’ouvrir la carte sans la regarder et de pointer n’importe quoi du doigt. Mais nous l’examinons plutôt de près, cette carte sobre. Nous lorgnons aussi en direction des autres clients, tentant de deviner si tel ou tel couple, près de la fenêtre ou à proximité du foyer, déguste un poulet sauce dijonnaise ou une poitrine de canard aux airelles. Un peu plus loin, il s’agit peut-être de la roulade de porc au chèvre et du filet de saumon à la crème persillée. Les minutes passent, et nous nous répétons les mêmes mots comme une litanie: crevettes et scampis à la crème d’ail, filet de sole à la crème de poireau, carbonade de bouf, trio de saumons fumés à chaud, à froid et mariné, linguine carbonara… Tout nous inspire, y compris le feuilleté végétarien à l’orange et au gingembre, le gâteau de crabe Louisiane et la salade d’épinards aux mangues. Nous trinquons au vin blanc et, deux ou trois gorgées plus tard, nos entrées s’amènent, si sympas que nous passons immédiatement aux intimités. Le feuilleté de champignons sauvages abrite une savoureuse combinaison – cèpes, morilles et chanterelles émincés, imprégnés d’une sauce dense et foncée où se retrouve un peu de ce goût… «sauvage» qui me met en tête des idées de sous-bois et de venaison. À vrai dire, ma fourchette s’est trompée d’assiette; cette entrée est celle de mon invitée. Devant moi, il y a tout autre chose: trois beignets brûlants garnis de persil frit, bouchées de fromage (brie, oka et bleu) finement panées, frites, dorées, servies sur un coulis de fruits des champs où ne perce pas une pointe d’acidité. Les saveurs y font un mariage d’amour et c’est moi qui roucoule. Puis, j’angoisse. S’il fallait que la suite me ramène brusquement sur terre, je ne m’en remettrais pas… Mon invitée partage mon inquiétude comme nous avons partagé nos entrées. Des cheveux d’ange lui sont peu après servis dans une assiette creuse saupoudrée de persil haché. Accommodés à l’esturgeon fumé, au pesto et aux tomates séchées, ils dissipent instantanément nos appréhensions. J’apprécie leur fraîcheur et la délicatesse de l’apprêt. En ce qui concerne mon propre plat de résistance, je n’ai absolument pas l’intention de lui résister. D’une belle simplicité de présentation, il plaît à l’oil après avoir conquis l’odorat: une crevette posée sur un petit lit de riz avec, tour autour, des pétoncles et d’autres crevettes. La sauce, très légèrement rosée, est à base de crème et de pernod. Quelques légumes mélangés complètent l’assiette, entre autres des lanières de poivrons et des tranches de betteraves qui donnent leur couleur à l’ensemble. J’atermoie un peu, j’hésite, je goûte… et je souris comme si je venais d’apprendre une bonne nouvelle. Des pétoncles moelleux comme des mottes de beurre, des crevettes soigneusement dénervées que vous n’avez pas vraiment l’impression de mordre, une sauce qui vous caresse le dedans… Bref, je m’attendais à un bon petit resto; je tombe sur une excellente table qui, pouvant se permettre bien des prétentions, reste malgré tout un modèle de simplicité.

Restaurant La Mairie
40, rue Morissette
Loretteville (Québec)
Téléphone: (418) 842-7259
Table d’hôte: 18,75 à 27,50 $
Menu du jour à partir de 8,75 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons): 77,58 $