Restos / Bars

Figaro : Un mariage réussi

Au Bistro Figaro, le goût et l’appétit y trouvent leur compte: cela se mange comme toute bonne cuisine de bistro qui se respecte et se garde autant des extravagances que des fausses notes.

Nul besoin d’être fin observateur pour noter que le gros de la clientèle est composé d’habitués. D’ailleurs, un ami rencontré là me confirme qu’il y dîne chaque jour et y revient souvent, le soir, pour se taper un drink ou pour manger. Je remarque toutefois que le service n’en est pas pour autant trop familier; il reste cordial, correct et, à l’occasion, souriant. À notre arrivée, à peine deux ou trois tables sont occupées. L’instant d’après, sans crier gare, ça déferle de partout. La pièce où nous sommes est bientôt bondée et, à en juger par les bruits de voix qui nous parviennent, il en est de même dans l’autre salle à manger, celle qui fait face à l’entrée. Les serveurs semblent se soucier beaucoup de ce que mon invitée et moi allons commander, et notre peu de hâte les surprend un peu. La faim est pourtant là, aussi présente que les odeurs qui nous filent sous le nez dans le sillage des assiettes chaudes – que nous essayons immédiatement d’identifier en nous aidant de la carte. Nous voyons ainsi passer des penne au saumon fumé et brie, des moules à la provençale, des côtelettes de porc grillées (sauce bordelaise), un filet de saumon au cari et, assez loin de nous, ce qui pourrait bien être le gigot d’agneau au porto. Aucun steak frites à l’horizon, bien que cela figure au menu du jour. De temps à autre, des salades reflétées par les miroirs jettent dans le décor des notes de verdure. Ambiance agréable et presque joyeuse. On ne croit même pas Aznavour qui nous chante en sourdine que Venise est triste au temps des amours mortes. «Tu rêves, hein?» C’est vrai, je commençais à déserter le réel… Pour rattraper le temps pas vraiment perdu, je fais signe au serveur et commande presque sur un coup de tête. Mon invitée avait déjà fait son choix, heureusement. Nous trinquons, son verre de vin rouge contre mon verre d’eau fraîche. Près des portes-patio qui nous coupent de l’hiver, on peut lire en détail ce que propose la table d’hôte, de la terrine de gibier au feuilleté de ris de veau au gingembre et miel, en passant par l’escalope de volaille à l’indienne, le médaillon de porc glacé à l’abricot, le magret de canard au madère, le… Je ne vais pas plus loin: notre potage est là. Épaisse et fumante, cette crème de légumes, d’une couleur vaguement orangée. Elle me saute littéralement dessus (pour ne pas dire «dedans»), pressée d’aller mater une faim qui devenait atroce. Plusieurs bouchées de pain se désignent volontaires pour lui prêter mie forte. Après cela, on se sent bien. Mon invitée partage cet avis en repoussant son bol vide. Je ne songe même pas à lui signaler que j’ai trouvé mon potage un peu trop acide, vu que j’ai tout mangé presque sans souffler. À peine sommes-nous desservis qu’on nous sert à nouveau – l’essentiel, cette fois. Pour celle qui me fait face, cela consiste en une épaisse et large tranche de quiche aux quatre fromages (reggiano, parmesan, jarlsberg et mozzarella). C’est le genre de mets qu’il ne me vient jamais à l’esprit de choisir, mais qui, à bien y goûter, peut être assez réussi. J’en ai ici la preuve – tomates séchées, mesclun et petit confit à l’appui. Mon assiette, tout aussi grande, se présente différemment garnie. Une sauce au porto, plutôt claire, mouille mes médaillons de veau semés de persil séché; avec cela, des pommes de terre rissolées, des brins de poireau frit, quelques légumes, un peu de confit. Le goût et l’appétit y trouvent leur compte, c’est-à-dire que cela se mange comme toute bonne cuisine de bistro qui se respecte et se garde autant des extravagances que des fausses notes. Mon invitée ne se le fait pas dire deux fois: elle s’empresse de vérifier à la source, constate, revérifie encore une fois ou deux, admet et s’octroie une dernière gorgée de vin. Un peu plus tard, elle paraît insensible à l’énumération des desserts. Le monde se serait-il mis à tourner de travers?… Ouf! non. «Truffé au chocolat», lance-t-elle au serveur. Puis elle braque sur moi un regard qui me défie d’émettre le moindre commentaire. Je m’en abstiens bien. J’accepte même de goûter à son gâteau – et ne le regrette pas.y

Bistro Figaro
1019, avenue Cartier
Québec (Québec)
Tél.: (418) 525-3535
Table d’hôte: 15,95 à 24,95 $
Menu du jour: 7,95 à 11,75 $
Dîner pour deux (incluant taxes et boisson): 24,31 $