J’ai proposé la sortie, cela va de soi, et proposé trois noms de restos à mon invitée, à charge pour elle d’en retenir un. Vraiment pénibles, les minutes qui ont suivi! Le regard à la dérive, les sourcils froncés, elle nage dans une mer de souvenirs. Images, fumets ou noms de plats? J’ignore à quelle bouée elle se raccroche enfin, mais nous voilà déjà en route pour Da Cortina. Nous y avons déjà mangé une fois, dans l’ambiance fébrile d’un midi d’été. Toujours aussi aimable, l’accueil est, ce soir, un peu plus solennel. Face à l’entrée, je retrouve ce comptoir vitré où se gardent au frais quelques desserts ainsi que des bouteilles d’eau ou de vin. Nous traversons la salle à manger principale pour aller prendre place dans une aile largement vitrée, égayée de plantes vertes et de tableaux. De là, tout Québec s’offre à nous en mille et une lueurs piquées ici et là d’un petit feu rouge clignotant. «Une vue imprenable!» murmure mon invitée. Nous la prenons quand même. Et, avec ça, nos narines racolent sans faire exprès les odeurs nomades, fumets de sauces chaudes et d’herbes aromatiques. Derrière moi, une tablée de cinq personnes discute avec passion de vacances et de voyages. Nous apprendrons ainsi, sans faire exprès, que l’un des couples vient de Montréal et qu’une des clientes a mangé des calmars pour la première fois au Venezuela. Ceux qu’on vient de lui servir sont aussi bons. Quoique ventre affamé, j’ai encore des oreilles, Dieu merci! Et c’est justement le frito di calamari qui me fait de l’oeil sur la carte, parmi les entrées du menu «Aventure». Mon invitée s’intéresse également à cette partie de la carte, s’attardant peu aux autres pastas, escalopes, fruits de mer. Pour ce qui est de la table d’hôte, elle a des accents de sincérité qui m’attendrissent, certes, avec sa poêlée de ris de veau au céleri rave, son mignon grillé aux poivrons rôtis, son carré d’agneau façon grand-mère, mais… Comment sortir de notre indécision? Mon invitée se commande un demi-litre de rouge et moi un verre de blnc. Serveurs et serveuses passent – des plats aussi, que nous reluquons pour y piquer une ou deux suggestions. Les choses se précisent un peu quand on nous explique le menu «Aventure»: deux entrées et deux plats par personne, sans oublier le potage ou la salade… et la possibilité de goûter encore à l’un ou à l’autre si l’on en a encore envie. Le temps de quelques gorgées de vin, nos quatre premiers plats s’annoncent, chauds, très chauds: frito di calamari, certainement, plus les medaglioni di pasta con pesto e crema, les polpette casalinga pizzaiola (boulettes de viande pizzaiola) et la polenta con gorgonzola. Que préférons-nous? J’avoue hésiter longtemps, c’est-à-dire goûter beaucoup, avant d’accorder la première place aux calmars (savoureux, à la fois tendres et croustillants), vu que la polenta, mets qui ne m’emballe pas toujours, se compare ce soir aux meilleures que j’aie mangées. Les médaillons de pâte auraient, selon moi, la troisième place, opinion que ne partage pas du tout mon invitée, inconditionnelle des pâtes en tous genres. J’aurais aimé leur faire subir un autre test, mais nos assiettes sont aussi vides qu’un discours électoral. À la table voisine, la ripaille s’achève joyeusement à coups de tarte Tatin et de crème brûlée. Nous souhaitons que, pour nous, le prochain service traîne un peu, histoire de nous permettre de souffler un peu. Voeu à demi exaucé. Après une copieuse salade verte servie à mon invitée, l’un des serveurs arrive avec un énorme plateau et le dépose, là, tout près de nous, sur un banc pliant. Quatre autres plats! Chauds, parfumés, attrayants. Il y a là du spaghetti au cognac (fortement recommandé par la maison), des medaglioni di maiale agro-dolce e peperoni (rosettes de porc, sauce aigre-douce et poivons), des escalopes de veau zingara, et un girollo alla Bruno, roulé de viande aux oeufs durs et épinards qui rappelle sans conteste le fameux matambre argentin. Nous mangeons d’un bel appétit, d’autant plus libres d’esprit que nous avns déjà résolu de faire fi des desserts quels qu’ils soient. Le spaghetti au cognac me plaît assez, le girollo pas beaucoup, à moins de le surimbiber de sauce. Quant aux deux autres plats, ils se prennent bien. Mon invitée proteste, mais nous finissons par tomber d’accord (ou presque) sur un point: les entrées à elles seules auraient mérité le déplacement. Et, en sirotant nos cafés, nous nous posons une question à laquelle nous n’aurons peut-être jamais de réponse: pourquoi personne, à aucun moment, n’a pensé nous offrir un peu de parmesan pour nos pâtes?
Restaurant Da Cortina
615, 80e Rue Ouest
Charlesbourg (Québec)
Tél.: (418) 622-3833
Menu «Aventure»: 25,50 $
Tables d’hôte: 18,95 à 29,95 $
Menu du jour à partir de 12,95 $
Souper pour deux (incluant taxes et boisson): 86,56 $