Il y a des restaurants où l’on mange bien, mais où l’on s’ennuie; il y en a d’autres où c’est le contraire. Et puis, il y a de ces lieux où l’on a plaisir à retourner, et où, chaque fois, le charme opère tant en salle qu’en bouche. Le succès du restaurant Il Sole ne s’explique pas autrement.
La cuisine italienne ne tolère pas le dispersement, qui se révèle tant dans le goût d’un plat que dans son look. Trop souvent, l’enthousiasme d’un chef qui verse dans le baroque peut masquer son talent réel; cela embrouille le sens qu’il veut donner à sa cuisine. Vouloir faire une cuisine de signature, c’est comme essayer de se faire les griffes sur un tableau noir.
C’est précisément cette démarche qui aura fait mûrir Graziella Battista, Montréalaise d’ascendance calabraise, aux commandes de ce beau restaurant qui, à l’instar d’une belle cave à vin, se bonifie avec les années.
Aujourd’hui, Il Sole ronronne doucement dans une ambiance à la fois élégante et cosy. Le frais décor amande grillée et cuivre s’est enrichi d’une grande armoire à vin qu’on dirait sortie du palais d’un nabab. L’éclairage est diffus, romantique, et la cuisine est désormais dissimulée derrière un paravent fait de bouteilles de vin (vides, bien sûr). Ainsi, de la cave – pilotée par le maître d’hôtel Pierre Julien, qui communique aisément sa passion pour les vins italiens – à la carte, de l’accueil au service (assez chaleureux, il faut le dire), il n’en faut pas plus pour que toute la ville accoure dans ce lieu séduisant qui s’est épanoui en admettant d’abord ses limites, et qui se dépasse sans cesse depuis. En cuisine et côté service, on a compris qu’il fallait resserrer les mailles du filet; c’est chose faite, et le résultat est impressionnant.
Ce soir-là, le risotto qu’on nous a proposé – aux champignons sauvages – était d’une rare perfection. Chaque grain cuit (mais pas trop) dans un riche bouillon parfumé et vineux, pas trop sec, pas trop liquide, avec des champignons délectables et un soupçon de parmigiano. Quo demander de plus? Nous n’en avons fait qu’une bouchée et, n’eût été d’un appétit malingre, nous en aurions volontiers redemandé. L’escalope de veau était poêlée à point, et nappée d’une délicieuse sauce à la crème et aux pleurotes, un triomphe de délicatesse pour ce repas printanier. La viande s’accompagnait de pommes de terre rissolées; de poivrons rouges blanchis puis grillés, débarrassés de leur peau et assaisonnés d’une pointe d’acidité (il leur manquait toutefois un peu de sel); et de rapinis sautés à l’ail. D’ailleurs, ces rapinis, les meilleurs qu’il m’ait été donné de manger depuis longtemps, ne gardaient pas un iota d’amertume, seulement une vaporeuse impression de charbon et à peine une touche d’ail. Les antipasti, les pastas et les salades sont tous d’excellente qualité. Même les douceurs valent le détour. Certaines, confectionnées par la mère – qui a dû contribuer à l’éducation gourmande de sa fille -, mêlent l’ancien au moderne, le bourgeois au rustique, comme ce gâteau fait de ricotta et d’une croûte moelleuse et parfumée. Il fallait juste répudier les fraises californienne sans goût qui le garnissaient. Des noix de pin ou des amandes grillées auraient fait un mariage plus heureux. Et note finale, le café (excellent) est servi dans les tasses Illy, dans leur dernière incarnation de F. F. Coppola.
Les fins de semaine, c’est la cohue, et la semaine reste tranquille sauf ces soirées d’été où la température est exquise. Cela demande une gestion particulière pour les restaurants du quartier le plus branché de la ville. Pourtant, Il Sole s’en tire mieux que tous ses voisins. On prête autant d’attention aux inconnus qu’aux célébrités, et chaque fois qu’on y vient, on a l’impression d’être convié à une fête. Les prix, dans la moyenne du quartier, paraîtront cependant moins sages à certains. Il faut pourtant savoir que d’excellents produits – comme l’étonnante huile d’olive de la région du Chianti Classico que l’on trouve à chaque table, dans une fiole -, ça se paie. Comptez 70 $ à deux, avec les taxeset le service, mais avant le vin.
Il Sole
3627, boulevard Saint-Laurent
282-4996
Amuse-gueule
On me laisse souvent des messages pour me demander une suggestion d’endroit pour amoureux, une adresse où l’on peut dîner entre gens d’affaires dans tel quartier, ou encore pour connaître l’adresse du resto japonais dont j’ai parlé… il y a six mois. Or, je ne peux pas répondre à tous ces messages; je n’aurais simplement plus le temps de voyager d’un resto à l’autre pour cette chronique!
Heureusement, le Guide Restos Voir vient d’être inauguré sur Internet avec sa propre adresse www.guiderestos.com, et comprend tous les restos (autant à Montréal qu’à Québec et dans les régions) que nous découvrons et redécouvrons semaine après semaine, mois après mois, les bons comme les mauvais. Pour ce qui est de trouver le repaire idéal, l’engin de recherche vous viendra sûrement en aide. C’est aussi une bonne manière de nous communiquer vos déceptions, vos surprises, vos commentaires… et vos critiques!