Restos / Bars

Le Nouveau Paradis : Khmer et monde

Le Nouveau Paradis n’offre aucune surprise – bonne ou mauvaise – sur une carte partagée entre le Cambodge et la Thaïlande. Pas le septième ciel, ni l’enfer non plus.

Pointe-aux-Trembles est à la limite du Montréal habité. Au-delà, il y a la campagne et le fleuve. D’ailleurs, j’ai eu beau y chercher des trembles – ces jolis arbres dont les branches et les feuilles grelottent à chaque coup de vent -, je n’ai trouvé que des cheminées d’usines, des centres commerciaux et des concessionnaires automobiles. Pourtant, juste derrière la triste façade que présente la rue Sherbrooke, se trouve un quartier méconnu qui s’étend paresseusement au bord du Saint-Laurent et qui ressemble à un village, avec quelques places et malheureusement à peu près aucune vie sociale en dehors des bingos de sous-sols d’églises. Un beau quartier certes, dont les maisons font penser à celles du Plateau; mais un beau quartier endormi.

Raison de ce voyage? Découvrir Le Nouveau Paradis, qui s’annonce comme cambodgien ET thaïlandais. Cela n’est pas étonnant, puisque la cuisine de l’un a façonné celle de l’autre, et pas dans le sens que l’on croit. Le Cambodge, autrefois grand empire, était au centre de la plaine la plus fertile d’Asie du Sud-Est, installé au bord d’un lac poissonneux, près d’une mer riche, et le long d’un des grands fleuves du monde. La mer favorisait le commerce avec l’Inde et la Chine, et le reste donnait du travail et de la nourriture à tout le monde.

Les patrons de ce petit resto situé au milieu d’un centre commercial proposent quelques spécialités khmères (mais trop peu) et surtout des plats sino-thaïlandais, histoire de ne pas choquer les délicats palais des banlieusards. Car après tout, on ne trouve à manger, à peu de chose près, que du fast-food dans ce quartier. Pour changer les moeurs, il faut un sacré courage. Mais de courage, les patrons cambodgiens n’en manquent pas après ce que l’histoire leur a imposé de tragédies. Passons.

Le décor du Nouveau Paradis n’est pas conçu pour choquer. À part quelques peintures d’Angkor Wat et un petit sanctuaire miniature sur lequel on dépose des fragments de nourriture, on n’a pas l’impression de voyager bien loin u bar-salon typique. Du chrome, de la mélamine, de la cuirette, une machine à gomme baloune: tous les clichés de la banlieue se croisent. Côté cuisine, pas vraiment de surprises – bonnes ou mauvaises. Habituellement plus délicatement parfumée que la thaïlandaise, la cuisine maritime khmère amalgame avec doigté tout un garde-manger d’épices, de racines et d’herbes, Et, par un usage plus ingénieux du piment fort, ne fait pas voir rouge. Les soupes culminent sur les cartes, comme partout en Asie. Pour en avoir un bon exemple, il faut fouiller et éliminer de son choix les soupes won-ton insipides ou les épais consommés sichuanais assaisonnés de lourde main. Il ne reste que la soupe aigre et piquante au poulet et à la citronnelle, composée d’un succulent bouillon parfumé au tamarin et aux tomates. Ça pique en effet, mais juste assez. Ça pique aussi dans un curry de boeuf à la cambodgienne, un peu trop liquide, riche en noix de coco et un peu faible en curry. La salade de papaye verte classique, dont le goût rappelle celui du concombre, est d’un effet assez saisissant, mêlée à des crevettes séchées et beaucoup de jus de lime. Un sauté de poulet au basilic et aux poivrons verts déçoit et donne l’impression qu’on nous épargne les papilles en anesthésiant les saveurs. Dommage. Des petites brochettes de boeuf délicieusement marinées dans un savant mélange d’épices, qu’on nappe ensuite d’une sauce à l’arachide, seraient splendides si la viande n’était pas si dure à mastiquer.
Plus sympa que bon, ce n’est pas dans ce Nouveau Paradis de banlieue que vous découvrirez une gastronomie cambodgienne méconnue – sauf quelques plats corrects, sans plus – surtout quand on sait à quels raffinements peut atteindre la vraie cuisine de ces régions. Comptez 35 $ pour deux repas assez copieux tout de même, avec les taxes et le service, sans boissons.

Le Nouveau Paradis
13035, rue Sherbrooke Est
642-0433

Lotus Puissant
Il n’y a rien de puissant à ce Lotus, ni la cuisine ni le décor On s’étonne de retrouver, dans cet endroit s’annonçant comme restaurant cambodgien et thaïlandais, que des plats qui rappellent le Viêt Nam. Ce n’est pas une faute en soi, surtout que les rouleaux impériaux et de printemps (appropriés, du reste) sont goûteux, et que les soupes et sautés de viande sont faits à la minute avec des ingrédients d’assez bonne qualité. On décèle des parfums qui restent délicieusement sur le bout de la langue: une note de tamarin, l’odeur de la coriandre fraîche, une pointe de gingembre. Mais cette cuisine manque d’authenticité. Sans être tout à fait inintéressante, elle révèle sa parenté avec certains plats sino-vietnamiens, avec des sauces épaisses et sans épices, aucune trace de citronnelle ni d’ail, peu ou pas de sauce de poisson. Si vous êtes sensible aux décors reconstitués autour d’un poste de karaoké – diffusant des ballades locales – et au ricanement charmant de la cuisinière qui s’efforce de baragouiner quelques phrases en français, vous serez au pays du sourire. Pour une vingtaine de dollars à deux, tout compris, c’est presque donné. Cependant, vous n’aurez pas, là non plus, découvert la vraie cuisine khmère.

Lotus Puissant
5145, avenue du Parc
948-9897