Tout nouveau, tout beau. Dans ce décor recherché, le rouge domine et le regard cède à toutes les sollicitations – pans de murs en brique terra cotta, fresques évoquant la gourmandise et les victuailles, sans oublier le grand vitrail qui tient lieu de plafonnier dans la salle à manger principale. Cette dernière se prolonge en une espèce de verrière prête à s’ouvrir sur la terrasse déjà meublée. Olives en bocal, bouteilles d’huile, tresses d’ail, bouquets de piments séchés… bref, tout ce qui parle de soleil au coeur et au corps. Le nom même du restaurant m’a d’abord fait croire qu’il était latino-américain ou, à la rigueur, espagnol. Que non! C’est plutôt la traduction d’un titre emprunté à Hugo – «Le Mot», tiré de Toute la lyre, poème dont on retrouve les vers épars où qu’on tourne les yeux. Installés dans la petite salle à manger, près des cuisines, mon invitée et moi avons déjà trinqué deux fois, son verre de rouge (Syrah) contre mon verre de Carmen blanc. Ce soir, je me sens un faible pour les grillades. Après avoir tant et plus parcouru la carte et la «Table du chef», hésité entre la côte de boeuf au jus, les pâtes au poulet et au cari, le poulet à la mangue et le saumon sauce framboise, je reviens à ma première idée: la brochette de crevettes et pétoncles grillés. Hélas! on m’a remis par mégarde la «Table du chef» de la veille. On m’apporte donc la bonne, accompagnée de mille excuses pour une erreur vraiment sans gravité. Je me stimule d’une bonne lampée de vin et reprends. Quant à mon invitée, elle a fait son choix depuis belle lurette. Affamée, mais patiente, elle attend que j’aie fini de me débattre parmi les pâtes à la mexicaine, la truite au beurre noisette, l’escalope de veau parmigiana, la côte de boeuf au jus (une «constante» de la maison!), etc. Elle ne se formalise pas davantage de mes fugues du côté des plats offerts à la carte, entrées diverses, pâtes à toutes les sauces, boeuf, poulet, poissons et fruits de mer… Et c’est justement dans ces eaux-là que je m’arrête pourde bon. En commandant mon entrée, je préviens le jeune serveur que j’adore les calmars et que, de ce fait, je suis particulièrement difficile en ce qui les concerne… Il en prend bonne note et m’assure que je ne regretterai pas mon choix. Les minutes d’attente qui suivent, nous les meublons de divers commentaires sur le décor, l’ambiance et les assiettes qui sortent des cuisines. Mon invitée commence par un «Fruité de crevettes», combinaison plutôt exotique mêlant aux crustacés des cubes de cantaloup, des morceaux de pamplemousse et de la laitue effilochée, tout cela lié d’une sauce rosée, un peu douce. On lui sert peu de temps après un délicieux potage, façon crème, aux navets et au miel. À moi, un tout petit panier plein de calmars en rondelles avec, pour accompagnement, un quartier de citron et un bol de sauce aux tomates (pas du tout relevée, contrairement à ce que j’ai cru en lisant sur la carte ce nouveau mot à la mode: «salsa»). Les calmars sont bons, bien assaisonnés, tendres, finement panés… et remplissants. Aurons-nous la force de poursuivre? Sans doute est-ce pour raviver notre faim que nos plats de résistance mettent un temps fou à se manifester. J’en connais qui se seraient déjà endormis sur la table, pour exiguë qu’elle soit! Mais ils finissent par se souvenir de nous et s’amènent: grandes assiettes blanches, odorantes et brûlantes – deux variations sur un même thème de basse-cour. Pour mon invitée, un suprême de poulet grillé à la marocaine (au curcuma et au curry, nous dit-on) servi sur un lit de semoule et garni, tout autour, de légumes (mange-tout, carottes, courgettes). De très bon goût… mais avec une trop forte dominante de sel. Mon poulet à moi, également grillé, est farci de prosciutto et d’emmenthal. De très bon goût, lui aussi… mais lui aussi affligé du même défaut, ce qui me fait croire qu’il s’agit peut-être du «prosciutto canadien», beaucoup plus salé que l’importé. Nul n’a pu nous renseigner sur le sujet. Nous avons quand même beaucoup mangé, mon invitée et moi, au point de nouspasser de dessert. Alors que nous sirotons nos cafés, notre conversation prend l’allure d’un bilan qu’on peut résumer en deux… mots: «à suivre». Ce tout jeune restaurant en est encore à sa période de rodage. Souhaitons qu’il en sorte bientôt et tienne toutes ses promesses.
Restaurant La Palabra
24, boulevard René-Lévesque Ouest
Québec (Québec)
Tél.: (418) 648-9966
Tables d’hôte: 10,95 à 19,50 $
Souper pour deux (taxes incluses): 44,05 $