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Le Mitoyen : Admirable!

Certains restaurants vivent de leur réputation; d’autres l’entretiennent avec le plus grand sérieux. Le Mitoyen, de Sainte-Dorothée, est de ceux-là. C’est l’une des meilleures tables du Québec, et pas seulement le meilleur restaurant de  Laval.

Certains restaurants vivent de leur réputation; d’autres l’entretiennent avec le plus grand sérieux. Le Mitoyen, de Sainte-Dorothée, est de ceux-là. C’est l’une des meilleures tables du Québec, et pas seulement le meilleur restaurant de Laval. Oh! bien sûr, il faut prendre la route et cela donne l’impression de partir à l’aventure. Mais pour découvrir une maison qui a de vraies ambitions de cuisine, ces quelques kilomètres d’autoroute devraient vous faire trépigner d’impatience. Installé sur une place qui évoque le Québec d’avant les banlieues, près d’une église, Le Mitoyen garde l’ambiance d’hier sans la dénaturer.

Le chef et propriétaire Richard Bastien aime les beaux produits et les interprète à sa façon au fil d’un répertoire original, parfois audacieux, affecté de petites touches «Sud» et délicatement orientales. Il aime aussi les textures fines, les mousselines aériennes; il recalibre les purées, et marque les saveurs avec une étonnante exactitude, tel un orfèvre. Là où d’autres prétextent la conjoncture, jouent la prudence ou se cantonnent dans ce qu’ils ont acquis et cuisinent sans chercher à faire bouger, Bastien, lui, se lance dans une fantaisie sage mais éblouissante de précision.

Le Mitoyen, c’est aussi une halte raffinée. Une réussite aussi bien dans sa cuisine que dans son décor de maison de campagne métamorphosée en demeure bourgeoise vaguement dix-neuvième où les poutres, la pierre nue, les beaux tissus, l’éclairage tamisé et romantique sont associés à des meubles de bon goût. Tout cela est fait sans préciosité, de la vaisselle blanche à la verrerie de qualité. Académique, ce décor? Pas vraiment, car bien que cossu, on ne sent pas de lourdeur. Certaines des pièces intimes, idéales pour un tête-à-tête de charme ou un repas de confidences, sont aménagées pour ne recevoir que quelques tables, alors qu’une grande salle dominée par la cheminée est destinée à plusieurs convives et fait germer des envies de mondanité.

Le repas s’ouvre sur une salade panachée au filet de eau et aux noix de pin grillées. Les laitues printanières, qu’on dirait cueillies au jardin l’instant d’avant, et les fragments d’un rôti de veau au parfum aillé sont mêlés à une émulsion où l’on reconnaît la morsure délicieuse du citron. Voilà comment se fait une salade, me dis-je. Des produits complètement frais, de la précision dans les saveurs. Un peu trop copieuse pour une entrée cependant, cette salade pourrait constituer un repas à elle seule tellement elle est exquise. D’extraordinaires raviolis en forme de demi-lunes, farcis de chevreuil, sont nappés d’une sauce aromatisée au vinaigre balsamique, une association parfaite qu’accompagne une purée de tomates épaisse et parfumée, relevée de cumin, de persil et de livèche, cette herbe au puissant goût de céleri. Entre l’entrée et le plat, on vous sert une soupe de poisson safranée ou un velouté aux asperges délicatement parfumé au basilic. Sans s’éloigner complètement des sentiers familiers, le chef nous trousse une cuisine de soleil et apprête le carré d’agneau, rôti à la moutarde et servi sur une sauce courte aux saveurs bien appuyées. C’est dans l’accompagnement qu’il se démarque ici: une purée de carottes aux notes épicées, presque marocaines; une tombée de tomates presque confites, dense et sucrée; et des épinards sautés dans une excellente huile d’olive. Le saumon est également rôti (mais manque un tout petit peu de sel), et déposé sur une sorte d’embeurée de poireaux fondants et de tomates séchées, et sur des asperges simplement pochées et saupoudrées de gros sel. En conclusion, un dessert hors norme mais on ne peut plus saisonnier: un pavé aux dattes de texture aérienne sur une glace à la noix de coco dans laquelle on découvre des raisins secs. Dans la simplicité et la finesse, cette cuisine fulgurante où triomphe le goût est d’une limpidité et d’une rigueur mémorables.

Parlons aussi du service policé, élégant, qui apparaît et disparaît comme s’il valsait silencieusement d’une pièce à l’autre; et d’une carte des vins, construite avec intelligene, qui offre des propositions sortant de l’ordinaire et facturées décemment. Certes, nous direz-vous, tout cela se paie; mais là encore, cette maison nous réserve quelques surprises: grâce à une table d’hôte de quatre services à moins de 40 $, et un menu dégustation à moins de 60, l’addition reste calme. À vrai dire, le vrai luxe, ce n’est pas si cher, si tant est qu’on ait les moyens de se l’offrir. Vous y laisserez donc autour de 80 $ pour deux, incluant les taxes et le service, avant le vin, pour un petit moment de magie qui rend la vie et ce métier absolument délectables.

Le Mitoyen
652, place Publique, Sainte-Dorothée, Laval
(450) 689-2977