Bien qu’elles aient joué un rôle de premier plan dans la diversité culinaire des Antilles, du Brésil et de La Nouvelle-Orléans, les cuisines de l’Afrique ont subi très peu d’influences de l’Occident et restent donc plutôt originales. Assez peu variées quand on les prend une à une, collectivement, elles présentent une palette de goûts et de caractères pour le moins surprenants. En gros, chaque région de cet énorme continent – le Nord, l’Ouest, le Centre, le Sud et l’Est – peut être associée à un style culinaire spécifique. On connaît ici les cuisines de l’Éthiopie et du Maghreb, mais les ragoûts épais du Sénégal et de ses voisins souvent faits avec des arachides (en liaison et en garniture) sont assez méconnus. Quant à la cuisine du Sud, personne n’en a entendu parler. Dommage, car en France, et surtout à Paris, l’Afrique à table, c’est très "tendance".
Venir à ce Souvenirs d’Afrique constitue donc une occasion parfaite de s’initier agréablement à toutes les cuisines du continent noir. Grillades, ragoûts, tajines, petites choses frites, plats aux consonances tropicales: on trouve ici un répertoire singulièrement intéressant d’un menu consacré aux plats africains, allant de l’Éthiopie au Maroc en passant par le Togo et le Cameroun.En outre, dans ce resto décoré selon l’imaginaire folklorique vaguement "retour de colonie", avec ses lances, paillotes et musique afro-antillaise en sourdine, on est accueilli très gentiment par des serveuses bien bronzées au sourire grand comme ça. Couleur locale, on ne fait pas mieux.
Avant de commander, on nous sert un jus de gingembre dont la principale vertu serait, dit-on, de nous faire grimper au plafond. En tout cas, avec un petit goût de vanille en finale, un parfum étonnamment concentré, ce jus chaud et très piquant vous en met tout plein dans le crayon. Nous choisissons des pastels sénégalais à la viande épicée, des acras ghanéens sans morue et des crevettes sautées aux piments et servies en salade pour nous calmer. Ces entrées bien préparées et aux goûts fins doivent davantage à une version modernisée des plats traditionnels et révèlent la maîtrise du chef. Un chef qui a certainement passé beaucoup de temps à penser et surtout à peaufiner ces plats habituellement rustres. Par la suite, des brochettes d’agneau "dibi", supposément togolaises, sont nappées d’un jus légèrement acide, parfaitement adapté à cette viande riche et d’une cuisson exacte. Le poulet dans une sauce à l’arachide se rencontre dans tous les pays de l’Afrique noire. Cette version sophistiquée, où la volaille n’a pas cuit dans la sauce, est la meilleure que j’aie mangée: aucune lourdeur, des épices calibrées avec soin, une touche d’huile de palme, et un riz vapeur dressé en cône qui l’accompagne; en plus d’être succulent, c’est beau. On conclut sur une note métissée, avec une suave crème brûlée à la noix de coco et un petit show: un danseur congolais époustouflant qui se déhanche et se tortille, accoutré d’une étole de matante, d’une brassière noire, de quelques tissus bien rouges et de coquillages, et qui fait tournoyer sur sa tête et jusque entre ses fesses (sans blague) deux roues de bicyclette. Question recyclage en tout cas, le guerrier pieds nus m’a impressionné. Ce repaire joyeux ne vous arrachera pas une fortune, mais plutôt un grand sourire comme ça. Comptez 50 $ à deux, taxes et service compris, sans boissons.
Souvenirs d’Afrique
844, avenue du Mont-Royal Est
598-8181
Amuse-gueule
Une nouvelle tendance se dessine peu à peu sur l’horizon du goût. Le thé, appelé à de grandes choses, quitte le sachet à la recherche d’un meilleur outil de propagande. Les experts sont tous formels: le thé a des vertus de toutes sortes que n’ont ni le café ni la tisane. Les Japonais s’y connaissent plutôt bien, eux qui consacrent à cette boisson des traités sans fin en plus des cérémonies étonnantes où la réserve, le silence et la forme ont plus d’importance que la qualité du breuvage. Pour en avoir une petite idée, on peut aller chaque samedi de l’été (à 13 heures trente et à nouveau à 15 heures, prix d’entrée: 6 $) au Jardin botanique pour assister à une vraie cérémonie de thé (en format raccourci de 45 minutes, car une cérémonie authentique peut durer jusqu’à 4 heures), dans le pavillon japonais situé au milieu du très beau jardin qui a été aménagé à cet effet et qui a mûri depuis. Une belle occasion d’apprendre, de se reposer l’esprit et de boire une infusion surprenante de thé fouetté. Comme pour tout autre rituel japonais, arrivez à temps!