Il y a vingt-cinq ans, on découvrait, rue Duluth, une cuisine «gréco-italo rapide» de brochettes et de grillades servie dans des restos chaleureux, sympas et pas chers, où l’on apportait son vin. La cuisine était couci-couça, le service, olé olé, mais l’atmosphère cordiale – le pinard aidant, bien entendu – valait une visite. Puis, le secret s’est répandu dans la grande banlieue et le succès a ouvert la boîte de Pandore: les restos sont devenus populaires, ils ont transformé ce coin sympa en une triste version de la rue Mouffetard. Et la qualité a périclité. La question est de savoir s’il était nécessaire de sacrifier la qualité pour la quantité.
L’un de ces restos de la nouvelle vocation de la rue Duluth a pour nom L’Académie. Pour les uns, il représente ce que la rue a engendré de pire: mauvaise qualité intégrale, de la cuisine au service, mais on nous épargne une piètre carte des vins puisqu’on peut y apporter son cru; pour les autres, ce dernier point constitue sans doute la clé de son inexplicable succès. Mais mère Nature, faisant les choses à sa manière, a flambé la baraque l’an dernier; elle a été reconstruite pierre sur pierre et a donné naissance à une assez belle réussite côté décor. Trois étages aménagés avec retenue et modernité, des murs en brique, des fauteuils confortables, un éclairage séduisant. Ç’eût été une excellente occasion de se refaire une réputation. Mais la renaissance de l’habitat est d’autant plus spectaculaire que la cuisine est restée d’une effarante banalité. En fait, rien n’a changé aux fourneaux, ni sur la carte ni sur le plan de la qualité. Tout est uniformément fade, des pastas aux sauces, des vinaigrettes qui nappent les salades au pain et aux desserts qui ne présentent aucun intérêt. Quel dommage!
Comprenons-nous bien, une assiette d’antipasto qui, normalement, est une merveille d’ordre et de volupté, se présente ici dans un désordre complet: le saumon fumé est de facture commerciale, son parfum envahit le mozzarella, annulant le peu de goût que posède cette version triste d’un fromage normalement délicat; des tomates sans goût et pas assez mûres; des olives au parfum de frigo. Ça commence mal! La suite n’est guère plus réjouissante: une salade de feuillage mélangé, fraîche, qu’on nomme par erreur mesclun – un véritable mesclun n’est fait que de jeunes pousses – nappée d’une horrible vinaigrette commerciale. Des moules au goût douteux que même le curry thaï avec lequel on les parfume ne réussit pas à masquer. Je n’en mange qu’une bouchée, le reste coagulera rapidement en silence. Une assiette de fettucine dont la sauce tomatée (tomates en boîte, nul doute) est relevée d’un peu de piment, ce qui ne cache pas la surcuisson des pâtes. Quant aux douceurs, elles feraient fuir les plus courageux, inutile de s’attarder à les décrire. Cette cuisine qui sent le réchauffé, le produit industriel et le «micro-ondé» à outrance continue d’attirer les foules… L’un des grands mystères de l’humanité en ce qui me concerne. Comprends pas!
La totale nous aura coûté presque 40 $ pour deux repas, avec taxes et service compris – et, en prime, les commentaires du serveur sur sa nouvelle blonde. Déjà beaucoup trop cher si l’on considère qu’il faut ajouter une bouteille de pinard pour donner à ce repas le moindre intérêt!
L’Académie
4051, rue Saint-Denis
Tél.: (514) 849-2249