Restos / Bars

Tsirco : Jeux du cirque

Tsirco : le mot inquiète! On ne sait pas si c’est le nom d’un vieux hit de Nana Mouskouri ou un canular autour du célèbre resto new-yorkais. En tout cas, c’est le nom qu’ont choisi les patrons de La Queue de Cheval situé juste en face, pour baptiser leur dernière entreprise.

Tsirco

: le mot inquiète! On ne sait pas si c’est le nom d’un vieux hit de Nana Mouskouri ou un canular autour du célèbre resto new-yorkais. En tout cas, c’est le nom qu’ont choisi les patrons de La Queue de Cheval situé juste en face, pour baptiser leur dernière entreprise. Or, Tsirco n’est pas qu’un restaurant, c’est un mammouth. Mais tout cela est logique: ces gens-là aiment l’esbroufe. Et l’endroit, dont le nom grec signifie "cirque", désignerait plutôt le Colisée de Rome installé au milieu du circuit d’Indianapolis. Ici, tout respire la démesure: le décor, la cuisine, le service, l’ambiance et… la facture. Vous venez voir les jeux du cirque? Vous allez payer pour!

Prenez le décor, sur deux étages: un hall en marbre sombre, des colonnes, des banquettes en tissu blanc aussi grandes que celles d’une Renault 5, des voilures blanches qui encadrent d’immenses fenêtres le long desquelles on a installé des verrières originales de l’artiste français Pierre Pivet (qu’on ne voit que le soir, une fois la nuit tombée), des postes de télé installés au-dessus de plusieurs tables afin de permettre aux dîneurs de ne rien manquer du show qui se déroule à l’étage – ce soir-là, l’excellente chanteuse de blues Michèle Sweeney avec un orchestre complet -, des statues en bronze et en plâtre, des table en verre, en marbre, en bois, un cellier à vin dont la cime s’élève jusqu’à la hauteur d’une maison de deux étages… Et quoi d’autre encore? Un éclairage saisissant, des oeuvres d’art contemporain, et tout ça principalement pour une clientèle d’affaires qu’on encourage à rentabiliser au plus vite ce temple de la démesure postmoderne. Les messieurs qui sont derrière un tel projet ont de l’ambition et un excellent gérant de banque.

Devant tant d’opulence (qu’on pourrait s’attendre à voir dans un Réno-Dépot sis à Beverly Hills, et au Musée d’art moderne de San Francisco), je reste perplexe. J’hésite entre l’aversion et la fascination.

Ce dîner était pourtant un carnaval de bonnes idées, toutes exécutées avec un enthousiasme incontestable et beaucoup de technique. En entrée, deux sashimis, faits de thon très frais, de dés de tomates, d’un peu d’avocat en purée, d’une touche de wasabi, et de quelques grains d’un caviar un peu fade, enroulés d’une algue nori qui, une fois trempée dans une petite sauce limpide à base de soja, donne encore plus de charpente à ces bouchées franches. Le millefeuille de saumon se présente comme un assemblage de feuilles de filo dorées au beurre entre lesquelles on a mis un peu de saumon poêlé et de bok choy braisé parfaitement assaisonnés d’une touche orientale, le tout accompagné d’une salade de daikon parfumé à la sauce hoisin légèrement vinaigrée. En plat principal, le thon ahi mi-cru, roulé dans du poivre chinois (du poivre noir en fait, chinois ou non) et servi en tranches sur une sauce légèrement astringente, n’est pas d’une folle originalité mais respecte les règles de la cuisson rapide de ce poisson charnu, et se présente avec une salade de lentilles tièdes et des champignons sauvages sautés. On ne peut pas dire qu’un gigot d’agneau cuit à la broche dans un four expressément importé pour le restaurant soit insignifiant. On le sert avec sa croûte, bien grasse et parfumée, dégoulinante d’un suc irrésistible absolument sans faille avec son fumet d’origan frais et d’ail rôti, des saveurs bien présentes dans une sauce un peu mielleuse. Accompagné d’une purée de pommes de terre en tout point exquise, ce gigot n’est rien de moins que formidable.

Côté douceurs, la tarte feuilletée aux figues pourrait nourrir une famille entière pour deux jours, alors que le gâteau mi-cuit au chocolat, dense et juste assez amer pour être pris au sérieux, est fait pour une personne normalement constituée. Je veux bien croire que les affaires (ou le hockey), ça creuse l’appétit, mais les portions de ce Tsirco sont presque toujours aussi démesurées que le décor.

Trop parlé du décor? Je pense qu’on se doit de venir voir ce navire disproportionné, d’une arriviste exubérance. Ne serait-ce que pour s’en amuser. La carte des vins propose une sélection savante, mais à des prix affolants. Quant au personnel qui tutoie allègrement, qui se mêle aux conversations et qui s’obstine même à ne répondre qu’en anglais, je crois qu’il s’est trompé de métier et ferait mieux de se recycler en placier au Centre Molson. Comptez 100 $ avec les taxes et le service, sans vin, et ajoutez 10 $ le verre pour un pinard correct qui se vend presque à ce prix la bouteille!

Tsirco
1075, rue Drummond
Tél.: 939-1922

Amuse-gueule
La rentrée, ça veut souvent dire une montagne de livres à consulter ou pour vous assister sur le comptoir de cuisine (en guide et en ami). Parmi ceux que j’ai parcourus cette semaine, j’ai retenu l’ouvrage Ma cuisine au quotidien (Minerva) du chef Christian Constant, autrefois aux commandes du célèbre Crillon de Paris. Dans ce bouquin, il ne propose pas les recettes sophistiquées de son ex-palace, mais celles d’une cuisine familiale aux accents du Sud-Ouest: foie gras, confit, daube de sa mamie, cassoulet et navarin. Excellente occasion de parfaire sa technique à travers d’authentiques plats de l’un des meilleurs terroirs de France, grâce aux bons conseils de l’un de ses grands ambassadeurs.