Restos / Bars

Le Canard huppé : Régaler la galerie

Il a pour nom L’Isle ensorceleuse. C’est l’apéro maison, madérisé, à base de cassis. Il titre 15 % d’alcool et vous le prouve largement quand vous avez l’estomac dans les talons et peut-être même un peu plus loin. Alors, on le prend assis de préférence, et non en faisant le tour des sérigraphies d’André Lemieux exposées ici en permanence. Lors d’une prochaine visite, nous prendrons le temps d’admirer les oeuvres de Benoît Côté, Iacurto, Stanley Cosgrove et autres. Dans la première salle à manger, où nous sommes, nous pouvons voir de près un tableau signé André Lessard et Denyse Lavigueur, ainsi que Trois petits dessins de Clémence Desrochers. De plus près encore, la carte nous propose ses merveilles et notre serveur se fait un plaisir de les décrire une à une, un plaisir de plus en plus manifeste. Il a commencé par une allusion à la profiterole de truite fumée, voile de lime et aneth, puis enchaîné avec le fondant de foie de volaille au chutney de pommes à l’ancienne. Mon amie s’est passé la main dans les cheveux pour se donner une contenance. À partir de là, ce fut la vitesse de croisière. Il a déjà franchi la verdurette de canard fumé, les ris de veau caramélisés, le salmis de cailles flambé au Grand-Esprit, les crevettes de Matane au poivre rose et leur émulsion cressonnière. Le voici dans les grandes eaux avec le pavé de saumon et la nage océane à la saveur des débarquements. Nous débarquons, en effet, sur la terre ferme, qui nous offre le mijoté d’agneau au romarin, l’éventail de canard, les aiguillettes de volaille aux douceurs de noix de coco sur cari du jardin… Il continue comme cela encore un peu. Je note, je note avec une telle assiduité qu’il m’offre de me photocopier la carte, mais ce n’est plus la peine. Il nous laisse à nos longues méditations ponctuées de bonnes gorgées de vin, comme nous nous laissons aller, un peu plus tard, aux délices d’un repas mémorable. Pas un accroc, pas une fausse note. Après le fondant de foie de volaille, j’ai droit à la nage océane (crevettes, palourdes et pétoncles poêlés, sauce au safran). Aux anges, je suis. Mais rempli aussi. De sa profiterole de truite fumée jusqu’à sa "marmite inspirée du moment" (crème de navet à l’érable et au curry), mon amie ne cesse de dire qu’elle croit avoir la berlue, que ça ne peut pas être aussi bon. Nous finissons par nous rappeler que nous avions été aussi enchantés la dernière fois, ce qui la rassure et lui refile un regain d’ardeur pour attaquer son pavé de saumon sur mesclun de riz, servi avec coulis de poivrons doux et d’avocat. Elle en pleurerait. Je ne me sens pas moins vulnérable. Mon mignon de boeuf se dresse au milieu d’une tombée des sous-bois (pleurotes et morilles) à la coulée de foie gras et de madère. La cuisson en est parfaite, le goût aussi soutenu qu’on peut le souhaiter avec, parfois, des arômes furtifs qu’on se dépêche de retrouver d’une bouchée à l’autre. Ainsi va-t-on au-delà de sa faim, prétextant la simple curiosité si l’on craint d’avouer son plaisir. Moi, j’avoue. J’avoue aussi qu’au risque de devoir me taper une marche digestive en pleine nuit, je ne résiste pas à la tentation qu’on dépose à la fin du souper entre mon invitée et moi: coupe de fruits de l’île nappés de crème anglaise, sorbet de cassis, tranche de kiwi, fraises fraîches à profusion, bleuets, flan renversé à l’érable et deux indescriptibles péchés au chocolat. "Goûte… goûte encore ça…" Je ne fais que ça; mon invitée aussi. Un verre de plus, on se serait mis à applaudir à tout rompre.

Auberge-restaurant Le Canard huppé
2198, chemin Royal
Saint-Laurent, île d’Orléans (Québec)
Tél.: (418) 828-2292
Menu du jour: 10 à 15 $
Dîner pour deux (incluant boissons et taxes): 115,03 $

Cuisine québécoise au Japon
Le chef Jean Soulard, du Château Frontenac, participera au prochain Festival culinaire québécois qui se déroulera aux hôtels Okura de Kobe (du 20 au 25 mars) et de Hamamatsu (du 27 au 30 mars). La nouvelle a été annoncée par le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, M. Rémy Trudel, lors du passage au Québec de M. Norio Negishi, chef de la chaîne Okura. On sait qu’en matière d’exportation de produits bioalimentaires, le Japon demeure le deuxième partenaire du Québec. De tels échanges devraient raffermir les liens économiques entre les deux pays et, sans nul doute, exercer une certaine influence sur la gastronomie de l’un et de l’autre.