Restos / Bars

Aqua Terra : L'heure maritime

Aqua Terra , dont le nom évoque une quelconque symbiose entre les plats de la terre et ceux des océans, est un resto de quartier. Mais pas de cette sorte, immuable, où l’on trouve les nappes à carreaux, non. C’est un resto singulier pour un quartier qui goûte à la prospérité.

Dire que les nouveaux occupants du Plateau constituent une espèce homogène serait insolent. Disons que la vie a été bonne pour eux et qu’ils peuvent aisément s’offrir une sortie au resto en plein milieu de la semaine; dépenser 50 dollars pour souper ne représente pas un grand sacrifice. À leur bénéfice, il semble bien qu’une véritable éruption culinaire se déclenche des deux côtés de l’avenue du Mont-Royal.

Aqua Terra, dont le nom évoque une quelconque symbiose entre les plats de la terre et ceux des océans, est un resto de quartier. Mais pas de cette sorte, immuable, où l’on trouve les nappes à carreaux, non. C’est un resto singulier pour un quartier qui goûte à la prospérité. Un bistro rénové et jeune, un tantinet branché, avec une ambiance chaleureuse et une équipe qui a du tonus. Dans ce cadre cosy décoré de bois poli et de briques, et doté d’un éclairage halogène efficace, on file au travers de sentiers esthétiques charmants, mais déjà bien battus.

Pour ce qui est de la cuisine, les idées sont bonnes, la technique, bien maîtrisée mais indécise dans les assaisonnements et un poil en deçà d’une vraie cuisine de caractère. Patrice Guérin est jeune et l’Aqua Terra est son premier poste comme chef de cuisine. Il a fait ses classes aux côtés de Normand Laprise, entre autres, et propose un menu éclectique, à la mode, où les alliances aussi inédites que pittoresques révèlent un passage dans les grandes cuisines. Son style est frais, pimpant, à peine sudiste. Plats mijotés, grillades, ascendant japonais ou méditerranéen ici et là dans les parfums et les condiments et une carte de sushis: voilà l’essentiel des propositions. En entrée, de la pieuvre marinée et grillée est présentée sur un lit de couscous et de poivrons rôtis nappés d’un peu de sauce aigrelette à base de yaourt et de ciboulette. La chair est restée une seconde de trop sur la braise, le charbon l’a roussie et durcie. Le gâteau de crabe est savoureux, frit et croustillant, évoquant un peu la cuisine du Deep South américain et présenté sur une purée d’avocats, servi avec une sauce au raifort et à la lime. Un magret de canard entier et découpé en aiguillettes est accompagné de confit émincé, et déposé sur une purée de patates douces et d’une sauce courte et parfumée dont la base est le bleuet. Encore cette mode américaine d’unir la viande à des ingrédients sucrés, tant dans l’accompagnement de légumes que dans la sauce: ici du porc avec des canneberges, du veau et du marsala, de l’onglet de boeuf et du porto. Manifestement, on aime le sucre ici. Je préfère un jarret d’agneau braisé au merlot, qu’on sert en cocotte sur un peu de pâte orzo et quelques petits légumes. Mais le sel fait défaut dans toutes les composantes de ce plat. La viande est fade; les pâtes, sans vie; les légumes, anémiques.

Les desserts jouent la même musique un peu atonale: des gâteaux riches, crémeux, confectionnés ailleurs et donc un peu tristes, et qui, une fois assimilés, s’installeront confortablement autour de nos flancs. Danger! Pour ceux qui s’intéressent à la cuisine moderne, italianisée et japonisée, servie avec vivacité dans un cadre net et sympa, cette ambassade d’un chic juste assez ordinaire pour être convivial fait des promesses qu’elle a pour l’instant de la peine à tenir. Donnons-lui le temps de régler certaines dispositions comme celles de perfectionner l’assaisonnement dans les plats, et de ne plus tolérer les serveuses qui fument derrière le bar, au vu et au su des clients, entre le dessert et le café. Comptez 70 $ pour deux, avec les taxes et le service et deux verres de rouge tirés d’une carte assez bien construite, mais à laquelle il manque plusieurs crus.

Aqua Terra
285, avenue du Mont-Royal Est
Tél.: 288-3005

Prato
L’histoire est simple: un Marseillais a épousé une Napolitaine, ils se sont installés à Montréal et, ensemble, ils ont ouvert cette maison presque pour se faire plaisir. Ça se sent. Objectif: offrir du bon à prix raisonnables. Et s’ils se sont pris au jeu, ils nous ont également séduits, car Prato est une vraie découverte parmi nos petites adresses. Un lieu sympa où la cuisine est simple et maîtrisée, avec des plats méridionaux, surtout des pizzas (excellentes) servies sur des plaques à biscuits et quelques plats de pastas, des sauces à la tomate qui ont le goût du jardin, des herbes fraîches, de la bonne huile d’olive, des fromages de qualité et une pâte dont le patron pense qu’elle est meilleure chez lui qu’à Naples. Nous respectons ses illusions. Qu’à cela ne tienne, la salle assez cosy et vaste est séparée en quatre sections: au fond, le four à pizza où s’agite le chef; devant lui une section pour les fumeurs, et une autre pour leurs ennemis; et une salle dissimulée derrière une simple paroi qui cache une pièce vouée à des oeuvres d’artistes locaux. En un mot, une bonne adresse dans le coin. Comptez environ une vingtaine de dollars pour deux pizzas et deux bières, les taxes et le service compris.

Prato
3891, boulevard Saint-Laurent
Tél.: 285-1616