On nous a habitués à payer cher le sushi! Le poisson frais, en Amérique du Nord, de plus en plus rare en mer, de plus en plus élevé en vivier, était pourtant autrefois une denrée si commune que les puritains, installés sur les côtes du Massachusetts au XVIe siècle, les pêchaient à mains nues. D’ailleurs, ils les rejetaient à la mer parce qu’ils leur faisaient penser à de gigantesques insectes. Il faut dire que les homards, en ce temps-là, pouvaient atteindre presque un mètre de long! Les temps ont bien changé.
Au centre-ville, cet été, on a vu apparaître plusieurs restaurants de sushis; ils ont en commun de ne pas vous faire avaler la pilule de travers lorsque arrive la facture. Comment font-ils? Ils ont opté pour un décor modeste, et réduit au minimum les dépenses et la mise en place – maintenant toutefois la qualité et, donc, la fraîcheur des poissons. Car le gros de la clientèle est asiatique, et surtout étudiante.
Un premier cas: le bistro O-Bento, qui reste modeste autant dans son décor brouillon que dans les prix demandés. Au fond d’une petite salle en longueur, un bar à sushis tout en bois, quelques tables, des rideaux avec des imprimés de poupées et de geishas, assez peu d’éléments décoratifs pour nous faire oublier le précédent occupant. Mais une fois que l’o-bento (l’élégant plateau de plastique compartimenté qui sert de boîte à lunch au Japon et qui donne son nom à l’endroit) atterrit sur votre table, vous oubliez instantanément qu’il y eut ici un resto mexicain et que les patrons proviennent de Hong-Kong plutôt que de Tokyo. Chaque cloison est remplie de riz japonais collant et d’un peu de salade finement ciselée, d’une pâte à tempura au sésame et au citron vert qui sert de condiment, d’oignons poêlés, d’un peu de jaune d’oeuf, d’une bouchée de wasabi préparé, et d’un plat principal tel le poulet torikatsu, légèrement pané et frit. Puisqu’il est impossible de nier les nouilles et les soupes, O-Bento en offre sept variétés. Certaines sont toutes simples, comme la ramen de blé au miso, une nouille d’origine chinoise ("ramen" veut dire nouille chinoise, justement) servie avec d’excellentes boulettes de poisson et des algues de mer. Et il y a d’autres soupes, comme la tempura soba, servie dans un grand bol rempli de bouillon et de légumes automnaux, de nouilles soba au sarrasin, et de deux crevettes frites dans une pâte aussi légère qu’un soupir. Tout cela est très iodé et rempli de parfums maritimes. Les patrons proposent aussi un beau menu sushis: une liste d’une bonne vingtaine, qu’on peut choisir à la carte ou en assiette, petites bêtes en tranches translucides, en sashimis, ou en tanés, fermes et d’une fraîcheur indiscutable. Les rouleaux au riz mariné makis sont remplis de poissons de toutes sortes, de concombre, d’avocat et d’une noisette de wasabi; les cornets enroulés autour d’une feuille de nori grillée, et remplis d’avocat et de crabe, de saumon, de thon ou d’anguille, font saliver dès qu’ils apparaissent sur leur plateau de bois. On fait même un peu de fantaisie dans les compositions des makis baptisés rock’n’roll, pop, jazz, rap ou classique. Tout a beaucoup de goût et, pour une fois, échappe au piège de la fadeur, un danger dans les restos moyens.
Si l’on était à Tokyo, ce serait un endroit très populaire, sauf que là-bas, les lieux seraient plus soignés et ordonnés et le choix, plus complet. Mais ce petit bistro où l’on n’est jamais trop avare a quand même des chances de devenir très populaire, surtout si l’on considère la qualité de la cuisine – les chefs ont travaillé au Soto, cela s’explique donc aisément -, la générosité des portions et les prix très raisonnables. Avant les boissons, mais avec les taxes et le service, comptez environ 40 $ pour deux repas.
O-Bento
1237, rue Guy
Tél.: 931-0388
Wasabi
Minuscule, sympa comme tout, ce petit troquet ressemble à un fast-food, mais sert des sushis très frais à des prix défiant toute compétition: un dollar par rouleau maki frit ou épicé, sashimi de saumon ou de thon, et crêpe nipponne. Le décor, tout simple, est mignon et conçu pour attirer les étudiants des collèges voisins, excellente solution pour compenser le manque de bons restos économiques et pour se nourrir sainement au coeur de la ville. C’est vrai qu’on est un peu moins généreux dans les portions, mais à ce prix, il faudrait être radin pour ne pas en profiter. On lunche pour moins de dix dollars par personne: c’est pas beau, ça?
Wasabi
1452, rue Saint-Mathieu
Tél.: 846-6688
Amuse-gueule
Dans la petite collection de livres Marabout Côté Cuisine, Sushis faciles est une plaquette que tout amateur de chair maritime (quasi) vivante devrait posséder. À l’intérieur, tout ce qu’il faut savoir sur les nigiri-sushis, les makis, les tanés, les sashimis, les omelettes roulées, les condiments, le riz et les soupes, en moins de 75 pages. Expliqué et illustré comme si vous partiez de rien et désiriez tout connaître. Un petit livre étonnant.