Restos / Bars

La Belle Italienne : Air de famille

On croit souvent que les Italiens de Montréal habitent tous la Petite Italie. Or, c’est plutôt à Santo Leonardo, le long du boulevard Giovanni Talone, qu’ils ont établi leurs quartiers. Ça se voit dès l’instant où l’on s’attarde dans l’Est de l’île. Les cafés, les épiceries et les pâtisseries ont tous une certaine touche baroque de la déco, et puis les conversations dans les salons de coiffure ne tournent pas autour du bébé de Céline.

On croit souvent que les Italiens de Montréal habitent tous la Petite Italie. Or, c’est plutôt à Santo Leonardo, le long du boulevard Giovanni Talone, qu’ils ont établi leurs quartiers. Ça se voit dès l’instant où l’on s’attarde dans l’Est de l’île. Les cafés, les épiceries et les pâtisseries ont tous une certaine touche baroque de la déco, et puis les conversations dans les salons de coiffure ne tournent pas autour du bébé de Céline.

Ici, tout ressemble à l’Italie des banlieues. Pas l’Italie des villes de la Renaissance, mais celle de la classe moyenne. Idem pour la cuisine, qui ne se prend pas pour celle d’un palace. Dans l’un de ces centres commerciaux un peu mornes qui longent la rue, La Belle Italienne a installé ses pénates dans deux salles communicantes. La première, un peu froide (et surtout un peu vide), est décorée de posters du Colisée et accueille les clients de la trattoria. Dans le bar, enjolivé de marbre rose du plancher aux tables, on s’installe pour un espresso, un panino bien grillé, ou pour s’attaquer aux machines à boules. Ce qui n’empêche nullement les clients de passer d’une salle à l’autre, ce qu’ils font avec éloquence – vous connaissez les Italiens! Les propositions du menu, inscrit au tableau noir ou sur une carte, sont variées et placées, le jour, sous la direction d’une vraie dame italienne et, le soir, de son fils. Tant mieux! Car les histoires de famille ont une influence positive sur la qualité générale de la table. Surtout italienne.

Pour faire patienter, on offre quelques tranches de foccaccia comme amuse-gueule – qu’on ne facture pas -, l’une à la tomate fraîche et l’autre saupoudrée d’ail, de romarin et d’un soupçon de parmesan. La soupe aux lentilles du menu est généreuse, familiale. Elle contient de gros morceaux de carottes qui flottent dans un bouillon de viande dense et parfumé; on en reprendrait volontiers. Sur le menu inscrit au tableau noir, on peut choisir parmi quelques pastas classiques, chacune ayant sa sauce appropriée; et non pas "au choix" comme ceux qui vous permettent d’associer une pâte et une sauce, une hérésie, je le répète, qu’aucune mamma italienne qui se respecte ne tolérerait. Les gnocchis sont fondants, presque un peu mous, comme on les aime au nord du pays; ils sont mêlés à une sauce à l’ail, à l’huile d’olive et à la tomate fraîche, une simple marinara classique, faite dans les règles de l’art: cuite rapidement, afin que le goût n’en soit pas altéré. L’osso buco se présente en deux morceaux généreux, cuits dans une sauce qui ne contient presque pas de tomate, la viande parfaitement confite dans sa sauce, la moelle bien grasse et copieusement enfouie dans l’os. Le tout est accompagné de légumes passés à la grille: aubergines, courgettes, et oignons.

Au dessert, on propose les glaces commerciales d’Italgelato, pas le meilleur ambassadeur des douceurs italiennes, mais bien moins pires, à tout prendre, que ces gâteaux lourds et gras qui pèsent un… kilo! Le café, on s’en doute, est à mourir, corsé, dense, presque chocolaté. On facture entre 10 $ et 17 $ pour une formule comprenant l’entrée, le plat, le dessert et même le café. Pour de la véritable cuisine familiale, c’est pas beau ça? Quand on pense à ce qu’on vous réclame pour de l’approximatif, il y a matière à réfléchir. Faites donc un petit tour dans ce quartier méconnu, loin des stations de métro, mais authentiquement italien, pour apprendre ce qu’est le vrai. Comptez 40 $ à deux, taxes, service et deux verres de vin compris.

La Belle Italienne
5884, rue Jean-Talon Est
254-4811

Amuse-gueule
J’ai appris, par une amie qui le connaît bien, que Guy Fournier, le populaire auteur de séries télévisées, était un excellent cuisinier. Voire un cuisinier d’exception. Aucune surprise donc en découvrant sur les étals des libraires un recueil de ses recettes, Un homme au fourneau (Éditions de l’Homme). Ce qui est étonnant, toutefois, c’est la qualité manifeste du texte, de l’information et des opinions; et la présentation, un peu triste, du contenant. Mais pour une fois que l’image ne prend pas le dessus sur le contenu… Livre de recettes, soit, mais organisé comme une mini-encyclopédie et documenté avec rigueur, chacun des thèmes étant présenté d’une façon très personnelle et écrit dans une langue précise. Ça aussi, c’est une rareté chez les auteurs québécois de livres de cuisine, qui se contentent trop souvent de faire de l’à-peu-près. Les recettes de monsieur Fournier sont fondées sur une solide connaissance du sujet et mettent aisément l’eau à la bouche. Plusieurs d’entre elles sont basées sur des classiques de la cuisine québécoise, revus et corrigés (merci) par l’auteur qui en propose des versions plus légères et, surtout, digestes. Pour ceux qui aimeraient réapprendre à faire du pudding chômeur, du sucre à la crème, un rôti de porc à l’ancienne aussi bien que des îles flottantes ou des recettes de caviar. Une excellente publication dans l’esprit des Pinardises, mais en plus austère.

ERRATA
Il y a deux semaines, j’ai parlé d’un sympathique resto de quartier nommé Les Deux Chefs. Malheureusement, je dois avoir retiré mes lunettes quand j’ai lu le nom du chef: non pas Frank Uller, comme je l’avais écrit, mais bien Bernard Uffer. Désolé pour la petite erreur; on vieillit.