Livres/cadeaux
Que m’offrirais-je? À partir de cette question d’allure égoïste, on dresse parfois les plus belles listes de cadeaux. Commençons par inscrire: "machines à espresso ou à cappuccino". Sous prétexte que la mode est passée ou que "tout le monde en a", certains vous diront qu’elles sont maintenant out. Faites la sourde oreille et passez à la ligne: "machines à pasta". Depuis un an ou deux, on en trouve à Québec des modèles domestiques simples et beaucoup moins chers qu’auparavant, notamment la Titania, qui ne fait que laminer et couper la pâte. La firme Titania propose également une "plaque à ravioli" que je recommande même aux moins paresseux. Pour en finir avec les farineux, on trouve chez Fenton (place Laurier) un récipient spécialement conçu pour la cuisson des pasta, avec minuterie intégrée à la poignée et, dans le couvercle, un indicateur des temps de cuisson (pour les spaghetti, fettuccine, etc.). C’est à ce magasin que je dois aussi un gros et double coup de cour. Il vaut le déplacement. Allez y faire un tour, ne serait-ce que pour pouvoir dire: "J’ai vu!" Il s’agit de deux belles, originales, superbes bouilloires: une locomotive et un carrousel. Elles ne se décrivent pas, mais, s’il n’y avait pas Noël, on se marierait rien que pour les inclure dans sa liste de suggestions! Après cela, on n’a pas vraiment envie de s’attarder aux poêles et ustensiles à fondue ou à raclette, aux robots culinaires, trancheuses (électriques ou manuelles), mélangeurs, mandolines et gadgets divers. On se rabat sur les librairies en se disant qu’on aurait dû commencer par là – et se réjouir qu’on puisse offrir en cadeau quelques auteurs culinaires de la région: Jean Soulard (Comme au château), Daniel Vézina (Daniel Vézina en direct du Laurie Raphaël à Québec), Mario Martel (Ma cuisine, un monde à partager). Pour les vrais amateurs de fruits de mer, on se tournera vers Jean-Paul Grappe, de Montréal, dont les Poissons, mollusques et crustacés ont été publiés par les Éditions de l’Homme. Le fait que ces ouvrages datent tous d’au moins un an n’enlève rien à ce qui fait leur charme: leur illustration magnifique et la simplicité confondante des recettes qu’on réussit à tout coup. Sans les bouder, je mets pour une fois de côté les "classiques", d’Escoffier et Curnonsky à Paul Bocuse et Roger Verger, pour me rappeler quelques perles rares (mais encore disponibles en librairie ou sur commande): Petit précis de cuisine elfique, par Laurence et Yannig Germain (Morlaix, éd. Avis de tempête, 1999); Un délice nommé foie gras, par Michel Delauney (Paris, Les Presses du management, 1999) et, sans nul doute, La gourmandise, par Philippe Jost (Paris, Le Pré aux Clercs, 1998), copieuse somme de réflexions et de recettes dont le sous-titre rassure tous ceux qui seraient portés à croire qu’il s’agit là d’une thèse médicale sur la boulimie: Les chefs-d’ouvre de la littérature gastronomique de l’Antiquité à nos jours. Je m’en voudrais infiniment d’omettre les Plaisirs gourmands d’Espagne publiés à Cologne chez Könemann, en 1999, sous la direction de Marion Trutter, et les Saveurs de Toscane que signent cette année Stephanie Alexander et Maggie Beer chez le même éditeur. Plus près de nous, Québec-Livres s’est taillé en peu de temps une part non négligeable du marché grâce à une série d’ouvrages, parfois traduits de l’anglais, soignés, joliment illustrés et publiés à Laval par le Trécarré. Recettes simples et appétissantes, conseils pratiques: tout leur secret est là. Quelques-uns retiennent particulièrement l’attention: Faites vos jus, par Jane Pettigrew; Portugal, par Frédéric Girard; Recevoir au goût du cour, par Bonnie Stern; Légumineuses, par Alexandre Libedinsky et, sous le titre Soupes, un éventail de saveurs et de couleurs, un étonnant recueil qui nous mène par maints détours du Maroc à la Russie.
Spécialités
N’étant pas grand amateur de bière, quelques produits "dérivés", si je puis dire, ont éveillé mon intérêt pour la brasserie McAuslan, dont l’association avec d’autres artisans du secteur alimentaire nous vaut quelques spécialités disponibles dans certaines épiceries fines de la région: clos Saint-Ambroise et raclette Griffon (fromages à pâte demi-ferme et croûte lavée), gelées et confitures (pêches, fraises, abricots, etc.), moutardes de type Meaux ou Dijon, charcuteries douces ou piquantes, toutes à base de Saint-Ambroise ou de Griffon. Quant au pain Saint-Ambroise, on peut se le procurer dans la boulangerie même qui l’a conçu: La Porteuse de pain (Québec, 523-7066). Mon intérêt tout nouveau pour cette brasserie m’a amené à faire davantage attention à sa propre production, de plus en plus diversifiée, et à décrocher mon humble palme d’or à sa moelleuse Cream Ale – une bière de fête par excellence! La note de présentation de celle-ci s’achève sur ces mots "vendue à la pression seulement", mais, chaque fois, sans faire exprès, je lis: "vendue à la passion seulement". C’est également à la passion qu’on succombe quand on traverse la ville de part en part pour aller musarder parmi la multitude des fromages que propose Le Palais des arômes (Charlesbourg, 624-2151). Il y en a près de 200!… Quelquefois, la passion prend l’allure d’une douce habitude, celle qui, bon an mal an, me ramène au moins quatre fois par semaine aux Halles de Sainte-Foy. Ce ne fut pas différent quand je m’exilai pendant quelques années sur la Rive-Sud. Je fus l’un des premiers clients de sa poissonnerie qui, dès le début, donna le ton aux autres en refusant tout compromis sur le plan de la qualité. Jamais déçu de la Boucherie des Halles, jamais déçu de Pâtes-à-tout. Ce fut pour tous une catastrophe quand le Marché en vrac ferma ses portes sans crier gare, il y a deux ou trois mois. Sous le nom de Couleur café (651-4155), il rouvrait quelques jours plus tard, à la suite d’une "mobilisation générale" dont j’ignore les détails. Ponctuel comme une horloge, je m’arrête là régulièrement – simplement pour dire "bonjour" et "quoi de neuf?" ou faire provision de condiments en vrac, de poudre d’amande, de bonbons italiens épicés, de chocolats fins, de moutardes, de confitures… C’est toujours avec le sourire qu’on vous fait découvrir un nouveau produit, par exemple la moutarde royale et le chutney à l’ancienne des Productions d’Abalon (île d’Orléans). Et encore un sourire en vous présentant, pour cette période des Fêtes, les nombreuses variantes du Pannetone. Elles sont de diverses formes et diversement garnies. On vous recommandera avec le même enthousiasme un petit gâteau aux fruits confits qui n’a de modeste que l’apparence. Il vient de GourmEstrie www.gourmestrie.com et se démarque nettement de ses semblables. Et que dire de Forum? À un moment où je commence à en avoir ras-le-bol du vinaigre balsamique (qu’on vous sert à toutes les sauces et dans tous les azimuts), on prend plaisir à renouer avec un simple et très bon vinaigre de vin (Cabernet Sauvignon)… Outre les usages qu’on lui réserve d’habitude, il donne le meilleur de lui-même dans cette recette que j’ai pêchée je ne sais plus dans quel livre :
Fruits au vinaigre
Pour 500 grammes de sucre, prendre deux litres de bon vinaigre de vin. Faire bouillir. Verser
froid sur les petits fruits. Si l’on doit traiter de gros fruits, les piquer, les jeter dans le mélange chaud et les y laisser cinq minutes près du feu. Pour accompagner gibier, porc, volaille et même bouf froid.
Recettes
Un léger manquement à la tradition, non? Vous pourriez réserver vos recettes de dindes pour une autre occasion et vous surprendre vous-mêmes tout en surprenant vos invités. Je vous propose, pour ce faire, trois recettes de difficulté moyenne qui, à tout coup, produisent leur petit effet.
Lapin de monsieur Henny (pour quatre personnes)
Ingrédients: 1 lapin de 1,5 kg environ, découpé en 7 à 8 morceaux, foie réservé (vous pouvez utiliser du foie de volaille)/sel et poivre noir du moulin/3 c. à soupe d’huile extra-vierge/2 oignons moyens grossièrement hachés/140 g de porc salé, taillé en petits dés/2 tasses de vin blanc sec (aligoté, riesling ou côtes-du-rhône blanc)/250 g de champignons de couche finement émincés/4 feuilles de laurier ficelées avec un brin de thym frais/3 c. à soupe de moutarde de Dijon/8 g (1/3 de tasse) de thym frais/70 g (1/2 tasse) de chapelure fraîche
Salez et poivrez largement les morceaux de lapin. Faites chauffer l’huile dans une grande sauteuse sur feu moyen. Lorsqu’elle est bien chaude, mais sans qu’elle fume, ajoutez les morceaux de lapin et retournez-les dans l’huile jusqu’à ce qu’ils soient bien dorés. Retirez les morceaux de la sauteuse. Mettez à la place les oignons et le porc salé. Laissez rissoler pendant trois à quatre minutes. Versez le vin très doucement, puis remettez les morceaux de lapin. Ajoutez les champignons et les feuilles de laurier. Couvrez, baissez le feu et faites cuire doucement pendant 20 minutes environ. Égouttez les morceaux de lapin et tenez-les au chaud à couvert sur un plat de service. Mélangez le foie de lapin, la moutarde, le thym et la chapelure dans le bol d’un mixeur. Réduisez le tout en purée. Versez cette purée dans le jus de cuisson de la sauteuse. Mélangez intimement. Versez cette sauce sur le lapin. Servez avec des pâtes fraîches ou du riz.
Tiré de Patricia Wells,
Les 200 meilleures recettes de bistrot,
Paris, Jean-Claude Lattès/Le Livre de poche, 1990.
Jarret de veau au pineau des Charentes (pour quatre personnes)
Ingrédients: 1 jarret de veau coupé en rondelles/150 g de beurre charentais/300 ml de pineau des Charentes/2 gros oignons blancs/2 échalotes grises hachées/2 gousses d’ail écrasées/2 carottes/500 g de tomates pelées/30 g de farine de froment/50 g de persil simple haché/poivre concassé, sel fin/100 ml de cognac des Borderies/100 ml de vinaigre de vin/ 3 zestes de citron jaune/1 bouquet garni.
Dans une cocotte, faire fondre 100 g de beurre charentais avec une cuillère à soupe d’huile de maïs. Dorer les morceaux de jarret sur toutes les faces. Saler, poivrer, fariner en cuisant à roux.
Flamber au cognac dans la cocotte, déglacer au vinaigre. Réserver la viande dans un plat chaud.
Dans la cocotte déglacée, ajouter le reste du beurre et faire revenir les oignons, les échalotes et les carottes coupées en rondelles. Poser la viande sur la préparation, arroser avec le pineau des Charentes et porter à ébullition. Ajouter l’ail écrasé, le bouquet garni, les zestes de citron et les tomates, pelées et épépinées, coupées en quatre. Réduire le feu après ébullition pour laisser mijoter à couvert pendant 1 h 30 environ. Goûter, rectifier l’assaisonnement et présenter sur un plat de service chaud en saupoudrant de persil haché.
Déguster avec un blanc sec frais (non glacé) du pays charentais.
Recette qui vient d’Angoulême.
D’après Le Tour de France par un gourmand,
Jean-François Decraene, Lyon, éditions Horvath, 1995, page 16.
Faisans à l’impériale (pour six personnes)
Ingrédients: 2 faisans/30 ml (2 c. à soupe) d’huile végétale/125 ml (1/2 tasse) de carottes tranchées finement/125 ml (1/2 tasse) d’oignons tranchés finement/125 ml (1/2 tasse) de céleri tranché finement/sel et poivre/3 clous de girofle/250 ml (1 tasse) de vin blanc sec (suggestion: côtes-du-rhône blanc)/45 ml (3 c. à soupe) de vinaigre de vin/2 citrons en tranches/1 ml (1/4 c. à thé) de thym /1 ml (1/4 c. à thé) de persil/1 ml (1/4 c. à thé) de sarriette/ 500 ml (2 tasses) de bouillon de poulet chaud/60 ml (1/4 tasse) d’huile de maïs/45 ml (3 c. à soupe) de farine/15 ml (1 c. à soupe) d’eau
Préchauffer le four à 300 degrés F (ou 150 degrés C). Nettoyer les faisans. Réserver. Faire chauffer un peu d’huile à feu vif, dans un poêlon. Ajouter les carottes, les oignons et le céleri. Saler et poivrer. Réduire le feu et laisser suer 10 minutes. Ajouter les clous de girofle, le vin, le vinaigre, les tranches de citron, le thym, le persil, la sarriette et le bouillon de poulet. Laisser cuire 12 minutes à feu doux. Pendant ce temps, faire chauffer le reste de l’huile dans une cocotte. Y faire revenir les faisans jusqu’à ce qu’ils soient dorés de toutes parts. Ajouter les légumes cuits et leur bouillon. Avec la farine et l’eau, préparer une pâte épaisse. Une fois le couvercle de la cocotte en place, la sceller hermétiquement avec la pâte. Cuire au four pendant 1 h 30.
D’après La Soupe est servie,
volume 1, Montréal, Scriptum Communications, 1995, page 68.
Traiteurs et artisans
Il n’y a pas que le réveillon. C’est ce que je me dis en pensant au souper du 24, au dîner et au souper du lendemain, ainsi qu’aux visites imprévues du genre "on passait dans le coin, alors…" Je me sens fébrile à mesure que s’allonge ma liste. Je fais provision de vrai prosciutto et de diverses charcuteries Aux Petits Délices (Sainte-Foy, 683-8099), où l’on propose également un choix intéressant de fromages, des feuilletés au crabe, des cuisses de faisan confites, du foie gras truffé et autres gâteries. Dès que possible, je fais un petit crochet du côté de La Dacquoise (Sainte-Foy, 656-0506), histoire de demander si les fonctionnaires ont fini par laisser monsieur Mailloux tranquille. En d’autres termes: puis-je me procurer un Saint-Basile ou un Lechevalier-Mailloux? Et, naturellement, je me laisse solliciter par la tourte de faisan et pintade aux canneberges, le lapin au riesling. Tout en zyeutant du côté des pâtisseries (Bagdad-café, saint-honoré, charlotte poire-vanille, bûche moka, etc.), je me fais emballer un peu de terrine "à la Serge Bruyère", un divin fondant de foie blond dont je mangerai la plus grande partie à la cuiller, c’est-à-dire sans pain ni biscotte. J’emporte tout de même une baguette et, à l’occasion, quelques croissants. Je frétille littéralement en débarquant de voiture sur le stationnement d’une boulangerie artisanale découverte récemment: Comme un coq en pâte (Sainte-Foy, 653-2741). Pizzas, fougasses, pissaladières n’y ont jamais le même goût qu’ailleurs. Ces gens-là ont réussi un tour de force: me faire manger avec plaisir du pain de blé entier. Parmi leurs pâtisseries, mes préférences vont à la tarte aux pruneaux et au kirsch. Et aussi à la tarte poires et chocolat. Et aussi à la tarte pêches et amande. Et aussi… à toutes les autres, quoi! Et me voici dans Limoilou – c’est vrai, je n’établis jamais d’itinéraire logique: ça me déprime. Imaginez un peu: plus de 300 variétés de conserves, gelées, marinades diverses, achards, marmelades! Pommes, oranges, pêches, carottes, fraises, kiwis, tomates vertes ou rouges, courgettes, poires, betteraves, citrouilles… De véritables passionnés que ces gens de la Conserverie du quartier (Québec, 647-1367). De là, on se dit
que l’île d’Orléans n’est pas si loin. Tout en conduisant, je visualise déjà des spécimens de gibier, des pigeonneaux que je ferai griller "à la Saint-Germain" (avec une béarnaise bien serrée), les faisans de ma recette "à l’impériale" et cette petite gourmandise dont je n’ai jamais osé espérer l’existence: le foie gras de cailles! Je dois cette découverte, et quelques autres, à la Ferme Orléans (Saint-Laurent, I.-O., 828-2686). La faim m’oblige à rentrer d’urgence à la maison, remettant à un autre jour mon escapade du côté de Saint-Apollinaire, plus précisément au Canard goulu (881-2729). Avec un bloc de foie gras, j’emporterai quelques recettes (par exemple celle du foie gras frais poêlé aux raisins verts). Et, pour faire d’une pierre plusieurs coups, je prendrai aussi un peu de foie gras cuisiné (aux pruneaux ou à l’armagnac, par exemple), plus quelques pots de gésiers confits, des rillettes, du magret fumé et des cuisses fraîches. En disant "à la prochaine", ce ne sera pas une simple formule de politesse.