Tokidoki
essaie de s’éloigner des sentiers nippons ultra-battus. Ce petit resto du centre-ville, nouvellement ouvert, est tenu par une jeune équipe panasiatique. Il y a sur le plancher une brigade composée de Chinois, de Coréens, de Vietnamiens et même… d’une Japonaise. Et si l’espace est typiquement dépouillé et tout de blanc revêtu, ce n’est pas afin d’évoquer la nature hivernale. L’inspiration pourrait être de Philippe Starck. La salle et le bar à sushis, séparés par de grandes voilures blanches, le mobilier en plastique et la lumière qui fuse de partout donnent à l’ensemble une apparence de netteté aérienne. Au fond, il n’y a ici aucune contradiction entre les vertus japonaises de tranquillité et de simplicité.
Tokidoki propose les classiques d’une carte japonaise (sushi, sashimi, tempura, teriyaki et sukiyaki), en plus d’ajouter quelques spécialités marines exotiques, toutes cuisinées avec un maximum de respect pour la fraîcheur et, surtout, le goût. Les gens qui ne s’y connaissent pas en gastronomie nippone – ils sont de plus en plus rares – pourraient choisir les repas composés, servis surtout le midi. La plupart sont présentés sur de beaux plateaux en laque noire ou en faïence, de la soupe aux salades, servies dans des assiettes creuses en émail plutôt que dans des bols en plastique, jusqu’au thé vert, présenté dans une théière en fer. Puisque la céramique est un art vénéré au Japon, aussi important que la qualité des aliments, on peut juger du sérieux d’une maison en étudiant sa vaisselle. Cela dit, les nigiri sushis sont faits à l’instant où on les commande: un peu de riz collant, un peu de condiment et un morceau de poisson; ce soir-là du thon, de l’anguille, du saumon et des crevettes d’une vigueur absolument sans faille. Les makis, enrubannés dans une feuille d’algue, et les tempuras d’un croustillant délicat comme de la porcelaine sont simples et sans artifices. De plus, la maison s’éloigne du cru absolu en proposant des poissons grillés (dont un saumon mariné délicieux) et des soupes-repas. Le service est intelligent et courtois, sans affectation aucune. Et les prix, plutôt corrects. Comptez 50 $ à deux le soir, avec les taxes et le service.
Tokidoki
1809, rue Sainte-Catherine Ouest
935-1388
Café Bistro L’Enchanteur
Enchanteur, si l’on veut. Mais ce ne sont ni la cuisine ni le service qui en sont responsables. Ce serait plutôt le concept: un troquet pas cher, assez sympa, dans un quartier où les endroits de caractère font cruellement défaut. Celui-ci, installé dans un vieil appartement retapé et sombre, où la fumée de cigarette circule mal, et surtout peu, a malgré tout un cachet bohème avec ses banquettes, ses plafonds de cuivre repoussés et ses affiches démodées. C’est un bistro convivial dont la courte carte donne l’impression d’avoir pris un tour tunisien, si l’on en juge par certains plats proposés. Le couscous peut se prendre aux légumes, ou parachevé par un peu de bidoche sous forme de deux merguez, mais n’est pas à proprement parler "authentique". Il réconforte cependant grâce à un bouillon plutôt savoureux, mais auquel il manque un peu de caractère. L’ojja, un plat d’oeufs brouillés habituellement parfumé au cumin, me faisait déjà saliver, mais on l’a retiré du menu, les clients du coin n’aimant pas ce qui est trop exotique, aux dires du serveur. Dommage pour eux, et tant pis pour moi qui trouve les menus de café banals à pleurer. C’est comme si, au-delà du jambon beurre, on ne se permettait aucun caprice. C’est pourtant par la fantaisie qu’un menu se démarque. Ici, la soupe aux légumes, qui contient des pois chiches, a encore un peu des parfums du Maghreb sans la magie. Dans une salade d’endives restées amères en dépit d’une vinaigrette trop sucrée, on annonce un caramel balsamique et de la coriandre dont je ne détecte aucune trace. Autrement, les tagliatelle sont d’honnête facture, sautées avec des tomates, des poivrons, des oignons et des olives noires. Oubliez les desserts ennuyants et de nature commerciale. Les avantages de ce bistro: son cadre et son emplacement. Comptez une trentaine de dollars à deux, avec les taxes et le service, avant les boissons.
Café Bistro L’Enchanteur
7331, rue Henri-Julien
373-4766
Amuse-gueule
De la trilogie des meilleurs ouvrages québécois sur la cuisine parus cet automne (le Pinard II, et le recueil alphabétique de Guy Fournier), le livre de François Dompierre est celui qui m’a le plus captivé. Pas surprenant que le titre de l’ouvrage, Plaisirs d’un compositeur gourmand (Boréal), fasse référence à l’hédonisme le plus innocent. À l’instar des deux autres auteurs, Dompierre se raconte aisément dans ce livre sans réelle structure dans lequel il admet sa faiblesse pour les plaisirs de la chère (aussi bien que de la chair). Mais au contraire d’un Pinard didactique et d’un Fournier presque scientifique dans l’explication de leurs recettes, vous ne trouverez pas ici de recettes, pas plus que des conseils culinaires, sinon celui de jouir du goût des aliments. Et de l’instant présent. À lire juste avant de passer à table.