Restos / Bars

La Gamelle : Sources d'inspiration

Après s’être fourvoyée quelque temps dans l’espéranto culinaire, La Gamelle déménage, fait peau neuve et revient à ses sources libanaises.

Rien de triste dans ce nouveau décor. À en juger par les sourires qui foisonnent, même le personnel y semble plus heureux. La pièce est vaste, aérée. De grandes fenêtres habillées de blanc l’éclairent et donnent vue sur le chemin Sainte-Foy. Le mur du fond s’enjolive d’un somptueux tapis illustrant une scène de fête et, ici ou là, l’oeil accroche une aquarelle, un tableau laminé, une photo encadrée, une plante courante, des assiettes de cuivre. Lors de ma dernière visite (à l’ancienne adresse, bien sûr), j’avais été décontenancé par la carte, où les spécialités libanaises s’étaient un peu "tassées" pour faire de la place à des mets plus ou moins passe-partout. Le spécial du chef n’était pas autre chose qu’un boeuf bourguignon! Rien de tel aujourd’hui. La table d’hôte s’ouvre sur le feuilleté d’épinards, le taboulé et la soupe du jour. Arrivent ensuite les brochettes (crevettes ou poulet), l’entrecôte grillée, l’assiette libanaise et le couscous royal (fierté de l’établissement). Toutes les raisons étant bonnes pour trinquer, mon invitée et moi sacrifions spontanément à notre rituel une fois nos verres de vin servis – trinquer, soupirer d’aise, échanger quelques mots sur les assiettes que l’on voit passer, puis se demander à tour de rôle: "Qu’est-ce que tu prends?" Le menu du jour accorde la vedette à un filet de sole farci d’épinards et de jambon et propose, en plus de la brochette de poulet et du filet de truite grillé, plusieurs couscous (aux légumes, à l’agneau, au poulet ou aux merguez). Il y a là, également, une "variété libanaise" dont on devine bien qu’elle se compose de feuilles de vigne farcies, taboulé, etc. Rien que pour se fouetter l’appétit, un coup d’oeil appuyé à la carte: mezzé aux 14 mets, assiette "Byblos" (grillades variées) ou Beyroutine (agneau, merguez, crevettes et poulet, tout cela longuement mariné, puis grillé). Un fantasme de marinage et d’épices emplit ma bouche – que j’ouvre pour commander une brochette de poulet. Mon invitée s’en étonne: "N’as-tu pas dit que tu étais tanné du poulet?" Lui expliquerais-je que les grillades de La Gamelle ne ressemblent à aucune autre? Et si la cuisine avait changé depuis mon dernier passage? Donc, je ne réponds rien, me croise les doigts et la laisse faire son propre choix. D’abord une bière libanaise (Almaza), pour relayer son verre de vin déjà éclusé. Elle prend en entrée une petite salade de laitue, tomates, fromage et carottes râpées relevée d’une vinaigrette qui me paraît un peu acide à la première bouchée, un peu moins à la seconde. Pour lui donner la réplique, j’ai choisi une soupe aux légumes, simple et bonne, chaude et consistante, du genre qu’on souhaite, avec nos meilleurs voeux, à tous ceux-là qu’on aime. Au service suivant, mon invitée demande qu’on lui apporte à part de la sauce piquante. Semoule, merguez, carottes, ratatouille, pois chiches, haricots rouges lui composent une assiette joliment présentée, mais sans chichis. L’instant d’après, son couscous aux merguez se colore à l’envi de harissa. J’y goûte, j’en reprends et j’apprécie à haute voix – d’une bouche chaque fois plus enflammée, au propre comme au figuré. Et je reviens précipitamment à ma brochette de poulet, et pas seulement parce qu’elle est moins volcanique. Un bol d’excellent ailloli accompagne mon assiette garnie de pommes de terre rissolées, de ratatouille, de carottes, de taboulé. Nappés de sauce rosée, les morceaux de poulet trônent sur un lit de riz cuit à point. Ils ont bien profité de la marinade et me le prouvent. "C’est bon partout dans la bouche", pour citer un mot d’enfant. La chair du volatile est tendre, pour ne pas dire moelleuse, et presque saturée de saveurs – un tout petit peu plus, c’eût été trop. Mon invitée et moi ne nous disons plus rien; nous mangeons et rien d’autre n’existe. Notre repas s’achève sur un baklava – celui de mon invitée, naturellement, dont je prélève ma quote-part. J’ai le corps en fête. Parce qu’un bon repas me fait toujours cet effet-là et aussi, sans nul doute, parce que je retrouve La Gamelle comme je l’ai connue à ses débuts, il y a de cela presque une éternité.y

Restaurant La Gamelle
3188, chemin Sainte-Foy
Sainte-Foy (Québec)
Tél.: (418) 659-1336
Menu du jour: 8,95 $ à 12,95 $
Table d’hôte: 22,95 à 26,95 $
Dîner pour deux (incluant taxes et boissons) : 38,13 $