Autour des collèges et des universités, la coutume de trouver des troquets pas chers n’a rien d’étonnant. Les étudiants sont souvent – O.K., toujours – fauchés. Ils sont aussi pressés, stressés et généralement assez peu prédisposés à flâner devant leur assiette.
Et ce n’est pas parce qu’on le sert dans du styromousse, que ça ressemble parfois à de la popote de réfectoire, que les décors font peur (et parfois les serveurs), que les odeurs de friture adhèrent à vos manteaux d’hiver pour le reste de la saison, que c’est vil ou mauvais pour la santé. C’est souvent le contraire. À tout le moins, comparé à ce que les cafétérias d’universités proposent aux étudiants, on dirait même de la haute cuisine.
Monsieur Javed, un inénarrable Pakistanais dont la carrière de banquier dans les Émirats arabes a pris fin lorsqu’il a décidé de rejoindre ses fils au Canada, a pris un tournant qu’on dirait gustatif. Caravane, son troquet-épicerie de trois tables, sérieusement sans chic, propose une variété de plats maison de son pays natal, des recettes qu’on ne trouve jamais dans les restaurants, des spécialités qui feront rebrousser chemin aux habitués des brasseries de luxe. Ce resto n’est pas pour eux. Ici, on ne se fait pas de bile sur l’accord rideaux-nappes. Il vaudrait mieux se concentrer sur le contenu de son assiette – l’expérience est, dirions-nous, ethnographique.
Certains plats, par exemple, sont d’origine médiévale et ne se goûtent nulle part ailleurs. Il n’y a pas qu’en Europe où les anciennes recettes traversent le temps. Au Pakistan, on trouve parfois des plats d’origine très ancienne dont le haleem, une sorte de ragoût d’agneau, de blé entier concassé, d’épices et de yaourt, servi avec du pain. Le byriani au poulet est un plat de riz succulent et parfumé libéralement à la cardamome. Le bong nihari, un ragoût de jarret de boeuf, mijoté pendant des heures et fini au curry et au beurre clarifié, fait déjà plusieurs adeptes, puisque ce plat se trouve toujours au menu et Monsieur le prépare quotidiennement. Ce qui ne l’empêche pas d’en manquer, précisément alors que je m’apprêtais à le commander.
Comme les Pakistanais et les Indiens aiment brouter des petites choses à longueur de journée, en attendant le vrai repas, souvent pris une fois par jour, on propose aussi toutes sortes de petits en-cas, les samosas, le bel puri et le pani puri, des pains en friture, ou des assemblages de croustilles, de yaourt, d’épices et d’eau de tamarin, qui montrent le côté savant du goût indien.
Si la cuisine est présentée simplement, cela se résume à quelques feuilles de coriandre jetées en tas sur l’assiette, à des copeaux de gingembre ou à des tranches de piment fort, elle est cependant tout sauf simple. Les plats de monsieur Javed sont longuement mijotés, les ragoûts parfumés et sirupeux rappellent ceux de notre enfance. Moins les épices. On commande au comptoir, Monsieur met presque tout au micro-ondes, il facture, vous prenez place devant les fenêtres et tout coûte sous la barre des 10 $ par personne, tout compris. "Of course", pas d’alcool; uniquement des jus de fruits commerciaux dont certains sont même très bons. Uniquement pour les audacieux, les curieux et les cassés.
Caravane
1850, rue Sainte Catherine Ouest
Tél.: 935-6656
En Ville
Le Festival Montréal en lumière, dans sa seconde édition, montre déjà une meilleure prise sur les événements et les invités. Des trois volets du Festival, le volet gastronomique est de loin le plus complet et le plus achevé. Le programme présente davantage de conférences, de dîners, de démonstrations culinaires et donc d’expériences gastronomiques de toutes sortes. Et tout ça à des prix vraiment raisonnables – parfois carrément extraordinaires.
En bref, il y aura 53 événements entièrement gratuits, dont 32 activités sur le thème des saveurs au Complexe Desjardins; un service de thé à la menthe de style marocain, tous les après-midi à l’hôtel Renaissance avec une équipe en provenance directe de Marrakech – ils avaient fait tout un tabac l’an dernier avec leur quinzaine marocaine, leurs artisans, leurs danseurs et musiciens. Ils sont de retour encore une fois, et ça devrait être l’une des activités les plus courues, avec raison. En plus des 11 chefs invités de France, certains sont venus expressément d’Italie, du Portugal, des États-Unis, du Maroc, d’Argentine, de Chine et même d’Égypte, pour faire connaître leurs spécialités.
Côté conférence, Bugialli, maestro de la pasta, sera de nouveau l’invité de l’ITHQ, Charlie Trotter, qualifié par le Wine Spectator de meilleur cuisinier au monde – vous direz qu’il s’agit d’ une revue américaine – donnera une conférence à l’UQAM aux côtés de Normand Laprise du Toqué. D’excellentes présentations sur des sujets passionnants seront présentées à l’hôtel Ritz Carlton, des dégustations sur les vins figureront au menu bien entendu (et un prestigieux dîner dégustation sur les Iquem au restaurant La Chronique, avec François Chartier, facturé à 395 $). La pièce de théâtre Bouffe/Food de Byron Ayanouglou sera présentée au Lion d’or, pièce dans laquelle un chef doit préparer un plat exceptionnel devant des millions de téléspectateurs et en profite pour régler le sort de l’humanité gourmande. Ce spectacle hilarant sera suivi par un repas préparé par quelques-unes des meilleures tables de la ville dont le Passe-Partout, le Club des Pins, Le Café Ferreira.
Il faudra presque se composer un agenda spécifique pour choisir parmi tant de choses alléchantes. Autrement, il y aura 23 activités à moins de 25 $, une cinquantaine à moins de 50 $ et seulement 20 événements prestigieux à 100 $.