Avoir un puissant voisin n’est pas forcément un avantage. Surtout en cuisine – nous en savons quelque chose. Dans le cas du Portugal, c’est l’Espagne qui lui sert d’États-Unis. Et en ce qui a trait à la cuisine, on peut se demander si les Portugais ne font pas une variante gastronomique de l’espagnole – après tout, on retrouve bien la paella et le gaspacho. D’un autre point de vue, les Espagnols disent de la langue portugaise que c’est "de l’espagnol mal parlé". Vous avez une idée du rapport entre les deux.
Le Portugal a donc eu sa part d’histoire tumultueuse. En outre, avoir régné sur les mers pendant des siècles n’est pas sans incidences sur la cuisine. Ainsi, connaissent-ils intimement le poisson et le traitent-ils avec égards. Le bacalhau par exemple, la morue séchée, est l’un des plats préférés des Portugais qui savent le préparer de centaines de manières.
Sur le boulevard Saint-Laurent, le restaurant Casa Minhota, baptisé du nom d’une province du Nord du pays, s’occupe et se préoccupe depuis plus de vingt ans de servir des poissons frais et bien cuisinés à une clientèle largement portugaise. Mais là où ce restaurant se distingue – surtout dans ce quartier – c’est dans la modestie de la facture. Car le poisson, la plus importante ressource encore "sauvage" du monde animal, est devenu une denrée chère, de plus en plus rare et convoitée. S’il vous prenait une envie de poisson frais, grillé, entier ou en tranches, je n’hésiterais pas un instant à recommander ce resto qui, du reste, propose aussi des plats cuisinés et des viandes grillées.
La formule table d’hôte offre un choix intéressant entre plusieurs variétés de bêtes à nageoires, à carapace ou à tentacules: pieuvre, crevettes, bar, sardines (sans oublier le bacalhau), selon l’arrivage; et ce, accompagné du broa, un pain de maïs dense et exquis, précédé d’une entrée et suivi d’un dessert.
L’entrée liquide la plus typique de cette cuisine se nomme le caldo verde, une soupe faite de pommes de terre, d’ail et d’une sorte de chou frisé qu’on associe souvent à du chouriço, un saucisson (très) sec. La version de la maison est absolument savoureuse, bien que servie un peu trop tiède. On peut aussi choisir un plat de moules à la portugaise. Présentées dans une écuelle en terre cuite, les bêtes dodues sont préparées avec de la tomate, des oignons, et de la coriandre ou du persil. Servis avec des pommes de terre succulentes cuites directement sur la braise, le mérou, un poisson à chair blanche et maigre, est offert en tranches et simplement grillé. Afin de parfaitement goûter sa chair délicate, il faudrait ne pas céder à la tentation de tout noyer dans le jus de citron comme feraient les Grecs, mais d’en mettre plutôt quelques gouttes et de napper d’un peu d’huile d’olive fruitée qu’on dépose sur toutes les tables. C’est une révélation que le poisson frais traité de cette façon. On a aussi choisi un sébaste – appelé par erreur dorade – grillé entier avec tête et queue, d’une chair très fine et d’une fraîcheur à toute épreuve. En dessert, on propose le flan, une variation de la crème caramel en bien plus riche et caramélisée, et en bien meilleur quant à moi. La crème, c’est ici de la crème et pas du lait, comme dans la version française.
Malgré le soin apporté à la cuisine, vous ne découvrirez pas une grande tradition gastronomique, mais une cuisine simple, dépouillée d’artifices, une cuisine sans sauce qui a plutôt hissé au rang de grand savoir-faire la technique de la grillade: ici, tout y passe, les poissons, bien entendu, qui sont cuits à tout coup avec précision et délicatesse; les viandes, et même les légumes qu’on laisse carboniser juste un peu pour obtenir ce caramel si délicieux. Cela ne signifie pas que le Portugal se soit désintéressé du "liquide" si l’on en juge par ses huiles d’olive et surtout par ses vins. D’ailleurs, la carte des vins, bien travaillée, offre une bonne trentaine de crus du pays (la plupart des 18 AOC restent cependant méconnus chez nous), plusieurs portos, et quelques vinho verde. En salle, l’accueil et le service font preuve d’une extrême gentillesse, et l’on sent que l’équipe est fière de ses petits plats et s’arrange pour que vous vous en souveniez. Pas de doute, surtout devant une addition aussi raisonnable: une petite quarantaine de dollars pour deux, avec les taxes et le service avant le vin.
Casa Minhota
3959, boulevard Saint-Laurent
Tél.: 842-2661
Suggestions de restaurants romantiques pour
célébrer la fête de l’Amour:
– Les Caprices de Nicolas, 2072, rue Drummond, tél.: 282-9790
– Au Bistrot Gourmet, 2100, rue Saint-Matthieu, tél.: 846-1553
– La Gaudriole, 825, rue Laurier Est, tél.: 276-1580
– Delfino, 1231, avenue Lajoie, Outremont, tél.: 277-5888
– La Rapière, 1155, rue Metcalfe, tél.: 871-8920
– Le Persil Fou, 4669, rue Saint-Denis, tél.: 284-3130
– Altitude 737, 1, Place Ville-Marie, tél.: 397-0737