Restos / Bars

Café des Artistes : Le soir aux malheurs

Menu bistro alléchant, beau décor, belle musique et… beaucoup de bonne volonté. Peut-être ce resto ne devrait-il ouvrir que le jour, qui sait!

Nous venons de trinquer à une soirée qui s’annonce bien, je dirais même sous le signe de la légèreté et de la bonne humeur, car Joe Dassin nous a chanté la Ballade des Dalton à notre arrivée et mon invitée m’offre tout ce que nous boirons. La salle à manger se videra bientôt assez vite des clients venus souper rapidement avant d’aller au spectacle. Je goûte au cocktail maison servi à mon invitée, en l’occurrence un délicieux mélange de samos et de dry gin. Mais nous voyons revenir (un peu vite) le jeune serveur parti aux cuisines avec nos commandes. Et, l’air désolé, il me dit à peu près ceci: "Malheureusement, monsieur… il n’y a plus de magret de canard!" Du coup, mon invitée s’étouffe en riant avec une gorgée d’apéro. J’explique alors au jeune serveur, désarçonné par la réaction de ma compagne, que ce soir, avant de sortir, j’ai appelé quatre ou cinq restos pour avoir une idée de leur table d’hôte et que c’est justement et exclusivement pour le magret que je suis ici. Le chef a eu des problèmes avec ses fournisseurs, il a même pensé fermer pour la soirée, etc. Il est vrai que, le midi, la clientèle est nombreuse et constante. Bref, j’écoute les explications patiemment avant de repartir à zéro avec la table d’hôte. Linguine au pesto des Artistes et pignons de pin grillés; aiguillettes de volaille à la saveur du sous-bois; sauté de crevettes tériyaki sur vermicelle de riz et petits légumes… Et si nous partions? En désespoir de cause, j’opte pour un filet mignon de boeuf parfumé au bleu et éclats de poivre. Je précise toutefois que je ne veux pas de poivre. Nos apéros éclusés, nous entamons une bouteille de vin maison. De nouveau, notre serveur s’amène, un peu embarrassé, et, cette fois, explique à mon invitée que le roulé de sole farci aux épinards et saumon fumé à la crème d’ail n’est pas disponible. Le chef va toutefois le remplacer par un "roulé de sole à la pétoncle" (sic). Je vide mon verre d’un coup sec; cela m’aide à rester calme, mais tout de même pas aussi serein que mon invitée. Quelques instants plus tard, il revient. Au fond, je le plains. Il n’est que le messager des mauvaises nouvelles, pas le responsable. Le nouveau problème? Eh bien, si je n’y vois pas d’inconvénient, mes rillettes aux deux saumons à l’aneth seront remplacées par un parfait de foie de volaille au porto et confits. Bon, j’accepte. Au point où j’en suis, je suis prêt à bâfrer des briques… pourvu qu’on les apprête bien. Finirons-nous par manger, ce soir? Eh bien, oui! "Ça te la coupe, hein!" que je me dis. Elle a bon goût, la coquille de moules qui fait les délices de mon invitée. Accommodée d’ail, d’oignons et de tomates (et d’une pointe d’acidité), elle s’accompagne d’une tranche de citron et d’un peu de luzerne. Mon parfait n’est pas trop mal non plus, mais… "Porto, es-tu là?" Au service suivant, on apporte à mon invitée une petite salade aux coeurs d’artichauts, vu que le potage ne la tentait pas. Et, un peu plus tard, quand s’amènent nos plats de résistance, elle accueille avec enthousiasme son roulé de sole joliment présenté. Un coup d’oeil à ce qu’on m’a servi, et je sursaute: "Où est le bleu?" Le jeune serveur répond "Oups!" (ou quelque chose du genre) et retourne dare-dare aux cuisines. En même temps que mon filet, maintenant couvert d’une épaisse couche de fromage bleu, il me rapporte l’explication du chef, à savoir que le bleu était dans la sauce (comme l’arbre est dans ses feuilles?) et qu’il y avait du poivre dans la sauce, etc. La viande est cuite conformément à mon désir; cela console. J’apprécie autant le flan au navet et fenouil qui l’escorte – onctueux, délicatement parfumé, judicieusement assaisonné. À côté, un effiloché de carottes et un gratin de pommes de terre qui ne se défendent pas trop mal. Je mange sans conviction, un peu las, tandis que Joe Dassin m’assure que "ça va pas changer le monde…" J’essaie encore de saisir l’allusion.

Café des Artistes
333, rue Saint-Amable
Québec (Québec)
Tél.: (418) 522-4011
Table d’hôte: 17,95 à 26,95 $
Menu du jour: 6,95 à 12,95 $
Midi express: 5,75 $
Souper pour deux (incluant taxes et service): 61 $