Restos / Bars

Le Relais des Sultans : Beaucoup de piquant

La cuisine de la rive sud de la Méditerranée pourrait bien être la prochaine tendance culinaire. Les vigoureuses combinaisons d’épices plairont aux palais blasés, à la recherche de nouveaux frissons. Et puis, c’est juste assez exotique, jamais trop épicé, vaguement familier et mollement végétarien, pour contenter un peu tout le monde.

La cuisine de la rive sud de la Méditerranée pourrait bien être la prochaine tendance culinaire. Les vigoureuses combinaisons d’épices plairont aux palais blasés, à la recherche de nouveaux frissons. Et puis, c’est juste assez exotique, jamais trop épicé, vaguement familier et mollement végétarien, pour contenter un peu tout le monde.

La cuisine du Maghreb est aussi la cuisine-fusion par excellence. Songez: avec les conquérants arabes, les caravanes de marchands venus du fin fond de l’Afrique, les convois d’épices arrivés d’Orient, la cuisine s’est enrichie de recettes inédites et de techniques de préparation qui ont rafraîchi les antiques recettes de l’empire romain. Les pains se sont aplatis, les sauces sont devenues plus fortes en parfums et plus "orientales", bien qu’en réalité, on soit en Occident. Puis sont venus les Européens avec leurs pastas, leurs croissants et leurs cafés bien serrés: les Italiens, les Espagnols et les Français. Eux sont repartis, mais les pâtes, les cafés et les croissants sont restés.

Omar, lui, est yéménite, pas maghrébin. Mais dans son restaurant, Le Relais des Sultans, dont je trouve le nom plutôt mal assorti au cadre modeste, il n’en prépare pas moins une cuisine résolument nord-africaine, avec quelques plats de pâtes qu’on dirait égarés sur une carte consacrée à l’Afrique, mais qui glissent discrètement vers l’Orient – qui n’a jamais entendu parler de pennine all’arrabiata… aux merguez? Il se défend bien d’être un imitateur, cependant. Encore moins un authentique cuisinier de casbah. Ce qu’il prépare à la carte, ce sont des plats maghrébins, interprétés par un habitant d’un pays plus éloigné du Maroc que de l’Europe. Il a pourtant bien appris les recettes de ses "frères", les a rafraîchies, leur a insufflé un peu de flamme.

Car la cuisine de son restaurant se distingue des bistros à couscous tunisiens et des caravansérails urbains. Ici, malgré le soin qu’il apporte à chacun des plats, vous ne reconnaîtrez pas forcément le goût traditionnel de la pastilla ou celui du couscous algérien. Sa forte personnalité traverse chacune des préparations en leur donnant une nouvelle identité. Omar ne bafouille pas en cuisine: il rugit.

Le taboulé en est un bon exemple. D’apparence classique, il a tout de la version libanaise. Mais le chef y ajoute des olives vertes et un mélange d’épices qui surprend. Et qui marche; comme quoi l’on peut "fusionner" avec intelligence. La soupe harira aux pois chiches, à la coriandre fraîche, aux légumes et à l’agneau, que les bons musulmans mangent chaque soir durant le jeûne du ramadan, est une version revue avec une quantité saisissante de jus de citron. Le brick à l’oeuf – mon entrée préférée des restos tunisiens -, cette pâte mince et croustillante farcie de thon en boîte et souvent d’épinards, a un parfum insaisissable, singulier, que je n’ai jamais pu analyser. Mais il est tout à fait succulent: l’oeuf encore coulant comme c’est l’usage, le thon malaxé parfaitement à des légumes et à de la coriandre. Le chef, cela se goûte, a un sens manifeste de l’équilibre entre des saveurs aussi prononcées.

En plat, la pastilla marocaine au poulet, aux amandes et aux raisins secs n’est pas ce chef-d’oeuvre de pâte ultrafine étalée en couches successives entre un ragoût de poulet, d’oeufs, de safran et d’amandes fraîchement rôties et mondées, finalement saupoudrée de cannelle. Elle se présente en une seule feuille de brick, au centre de laquelle on a fourré du ragoût de poulet émietté et parfumé de manière tout à fait insolite avec beaucoup de raisins secs dorés, avant de refermer. Certains diront que c’est plus léger et digeste que la pastilla classique. Ce plat a au moins le mérite d’être inhabituel.

Baptisé othamani et accompagné d’une sorte de pot-au-feu épicé de poulet, le couscous est tout aussi étonnant: la semoule est présentée dans une belle faïence tunisienne, recouverte de légumes préalablement sautés et pochés dans un bouillon fortement épicé et légèrement aigre. Rien à voir avec les couscous de boui-boui de quartier. Au final, même les baklavas se distinguent: bien que farcis de pistaches et faits de beurre, ils ont un goût différent, curieux et, ma foi, décent.

Le thé à la menthe, la seule chose qui goûte exactement comme au Maghreb (donc très sucré), est servi dans la théière marocaine en fer blanc – attention aux doigts. Le service est convivial et efficace. La carte des vins, aussi simple que possible, propose un choix honnête. Comptez environ 50 $ pour deux, avec les taxes et le service, mais avant le vin, pour ce petit bistro sympa comme tout qui propose une cuisine originale dans un quartier à l’écart de tout.

Le Relais des Sultans
1520-A, rue Notre-Dame Ouest
Tél.: 934-4655

Amuse-gueule
Puisque les cuisines étrangères le sont de moins en moins dans une ville comme la nôtre, préparer des mets de contrées lointaines ne présente plus d’insurmontables défis. Nouvellement parue chez Hachette, une série de petits livres sur les troquets exotiques, baptisée Saveurs d’ici et d’ailleurs, propose des recettes de plats classiques de café marocain, de bar à tapas, de palais chinois ou indien, de bar mexicain et même de bistro et de trattoria qui vous permettront de varier vos menus.

De plus, comme la plupart des ouvrages sur les cuisines étrangères sont souvent mal traduits de l’anglais, cette série écrite par des auteurs français a le double mérite d’être simple et intelligible. Seul le volume sur la cuisine chinoise présente quelques difficultés de produits et de techniques; tous cependant sont élégants et les recettes sont parfaitement expliquées. Un peu moins de 20 $ le volume.