Restos / Bars

De la vraie pho en ville : Au pho, les pompiers!

Contrairement aux Chinois qui pensent que le serpent constitue une panacée contre les rhumes printaniers, l’ingrédient préféré de la soupe chez les Vietnamiens n’est pas un reptile.

Contrairement aux Chinois qui pensent que le serpent constitue une panacée contre les rhumes printaniers, l’ingrédient préféré de la soupe chez les Vietnamiens n’est pas un reptile. Au Viêt Nam, on ne connaît pas de printemps humide et froid. Rien qu’une saison très humide, une seconde humide, et la troisième moins humide. Et c’est au boeuf plutôt qu’au serpent que les Vietnamiens font appel pour s’assurer de résister aux aléas des changements de saison.

Et s’il y avait un plat national au Viêt Nam, ce devrait être la soupe. Mais pas n’importe laquelle: la soupe qui marque le début de la journée, la soupe du petit-déjeuner, la pho (prononcez "feu"). À la base, le bouillon de boeuf (souvent de la queue), mijoté jusqu’à douze heures, clarifié et parfumé d’anis étoilé, de gingembre, de citronnelle en bâton, de cannelle et de clou de girofle, est garni de nouilles, de viandes crues qui cuisent dans le bouillon, d’herbes fraîches comme la coriandre, la menthe et le basilic, de concombre ou de tiges de soja germées. Toutes ces composantes donnent aux phos une complexité de goût étonnante. Comme des couches superposées, les parfums se mêlent dans la bouche et non dans le bol. C’est un peu le génie de ces soupes.

Par malheur, à l’instar des autres formes de nourriture rapide et économique traditionnelle, les soupes phos sont désormais proposées dans les "franchises à nouilles", préparées par des Chinois et servies dans des décors branchés. La soupe pho est devenue une formule que l’on simplifie en ajoutant du sucre, du MSG, et même du bouillon en cube dans certains endroits. Je vous propose donc de revenir dans les vraies souperies vietnamiennes authentiques pour vous familiariser avec "le vrai de vrai". Nous en avons essayé une dizaine rien que cette semaine et retenu quatre. Et pour vous prouver qu’elles sont efficaces: nous n’avons pas encore le rhume!

Carnet des meilleures adresses où manger de l’authentique pho

Impec!
Ce petit troquet d’une propreté impeccable, dont le décor tout simple tranche avec ses semblables en ce que les gentils patrons ont fait un effort pour le rendre plaisant, a ouvert ses portes au début de l’année. Son menu se compose d’exactement six soupes phos et les rouleaux habituels, en plus d’un menu express à 6 $ qui offre une cuisse de poulet laquée au miel, un peu de salade et de riz, le tout accompagné d’un rouleau. Tout est fait sur place; les chaudrons fumants de bouillon de boeuf, les assiettes d’herbes fraîches et les tamis remplis à craquer de nouilles à peine refroidies sont exposés à la vue de tous derrière un comptoir bien rangé. Ce n’est pas le meilleur bouillon en ville cependant, il manque de complexité, ce que les épices et les racines de coriandre et parfois de gingembre lui apportent. Chaque cuisinier a son secret et il est bien difficile de le leur faire révéler. Mais les soupes sont satisfaisantes ici et d’assez bonne confection quand même. Rien à redire sinon qu’on lui voudrait un peu plus de …feu! Une quinzaine de dollars pour deux, tout compris.

Phò Rosemont
435, boulevard Rosemont
Tél.: 271-2696

Surprise!
Faut-il s’aventurer dans l’une des parties les plus navrantes de la rue Sainte-Catherine pour manger de la soupe? Il faut croire que oui, si on en juge par la clientèle qui se précipite ici depuis presque dix ans. C’est que les phos sont savoureuses et offertes en une bonne vingtaine de variétés et deux formats, le bouillon mijotant longuement dans les gros chaudrons qu’on aperçoit dès l’entrée. Et que les cuisiniers préparent tout à la main, jusqu’aux rouleaux impériaux qu’on roule en famille en surveillant les bambins de la prochaine génération, qui rouleront également, leur tour venu. On propose aussi des nouilles sautées succulentes. 15 $ à deux, tout compris.

Phò Thanh Long
103, rue Sainte-Catherine Est
Tél.: 848-0521

Pionnier
C’est le pionnier des phos à Montréal, l’un des tout premiers établissements (1984) à avoir fait découvrir ce brouet génial aux citadins frileux et enrhumés. Panacée, vous dites? Ici, le bouillon est une forme d’art, plein de parfums subtils et pourtant bien francs, des herbes fraîches surtout – basilic, menthe, coriandre -, et les herbes uniques à la cuisine viet: de l’anis étoilé, peut-être aussi un peu de poudre magique. Ce qui nous fait revenir, encore et toujours. L’un des rares restos à offrir les bouillons de nouilles aux oeufs, typiques de la cuisine sino-viet de Saigon. Tout au plus une vingtaine de dollars tout compris si vous exagérez sur les extraordinaires rouleaux impériaux, à mon avis les meilleurs en ville.

Cristal de Saigon
1068, boulevard Saint-Laurent
Tél.: 875-4275

Troquet parfait
Dans un demi-sous-sol dont les murs sont ornés de peintures originales, ce petit troquet propose des phos d’excellente facture, dont la composition et la taille varient, des soupes parfumées et faites avec beaucoup de soin qui ont le mérite de se distinguer par des assemblages originaux. Plus d’herbe, plus d’attention aux détails, un bouillon délicat et transparent mais qui cache une saveur puissante et complexe, les nouilles impeccablement réussies, les viandes absolument fraîches. L’une de mes adresses préférées où le patron offre aussi la fameuse crêpe mêlée à des crevettes, des oeufs, de la noix de coco et des herbes. Encore une fois, la note ne devrait pas dépasser 20 $ à deux, tout compris.

Phò Minh
1021-B, boulevard Saint-Laurent
Tél.: 866-8288