Restos / Bars

Les fantasmes du chef : Fond de terroir

À quoi rêve un chef cuisinier? Si à l’évidence, la réponse est de faire continuellement plaisir à ses hôtes, Voir a tout de même pris le parti de poser la question à trois chefs réputés de la région de Québec: MARIE-CHANTAL LEPAGE du Manoir Montmorency, DANIEL VÉZINA du restaurant Laurie Raphaël et JEAN SOULARD du Château Frontenac.

Daniel Vézina

"Mes fantasmes culinaires?" Daniel Vézina rigole de la question puis se reprend légèrement, presque confus de sa future réponse. "Au cours de ces quatre ou cinq dernières années, je les ai tous assouvis." À titre d’exemple, il raconte sa satisfaction d’avoir goûté, au cours d’un voyage au Japon, deux plats qui tenaient pour lui du mystère: le fameux poisson Fugu au foie rempli d’un poison mortel, qu’il faut minutieusement disséquer, et le non moins célèbre boeuf de Kobé, qui a la particularité d’être nourri à la bière et massé au moyen de gants de boxe couverts de saké afin de faire pénétrer le gras à l’intérieur du muscle.

Privilégié donc – "je n’ai pas de problèmes d’approvisionnement, de budget et de vente" -, le chef du Laurie Raphaël admet cependant un rêve: "faire connaître aux Québécois la formidable gamme de produits issus du terroir provincial qu’ils ne soupçonnent pas, les fromages, les poissons, le foie gras…" Pour cela, il est à l’affût de tout, histoire de satisfaire son appétit de chef cuisinier!

Marie-Chantal Lepage
Les chefs cuisiniers sont de grands voyageurs. Marie-Chantal Lepage ne déroge pas à la tradition, elle qui vient de régaler des Japonais, en tant qu’ambassadrice de la cuisine québécoise, d’un cuissot de lapin braisé avec gelée de betteraves à la framboise. De ses périples à l’étranger, le chef exécutif du restaurant du Manoir Montmorency ramène des idées, des saveurs qu’elle applique ensuite aux produits du terroir québécois. On notera que paradoxalement, elle recherche pour cet été la simplicité, "arrêter de masquer les goûts par un retour à une cuisson plus appropriée et un peu moins d’assaisonnements".

Malgré ses envies simples qui aspirent à redonner de la noblesse aux aliments, Marie-Chantal Lepage finit par concéder que si elle n’avait aucune contrainte économique, son fantasme serait d’offrir en profusion les meilleurs plats du monde, style foie gras et caviar… sans un regard du client pour la colonne des prix.

Jean Soulard
Est-ce parce qu’il domine fièrement le Saint-Laurent du haut de ses cuisines du Château Frontenac que Jean Soulard semble ne plus avoir de défis à relever? Non, mais, dit-il, "j’ai une clientèle, des restaurants diversifiés et un pouvoir de personnel [100 personnes], qui font que tout est réalisable au point de vue de la cuisine pure!" Quand on lui demande toutefois si la création de nouveaux plats appartient au domaine de ses rêves, il coupe en disant que seul Dieu crée et cite le célèbre cuisinier français Troisgros: "Le chef qui fait un nouveau plat dans sa vie est déjà un chef."

Humble dans ses propos comme il sait l’être dans sa cuisine, Jean Soulard reconnaît que ce qui le fait présentement avancer, c’est de découvrir les produits du terroir québécois. "Il y a plus d’une quinzaine d’années, lors de mon arrivée, nous étions à l’état brut. Aujourd’hui, quel plaisir de découvrir des produits québécois de qualité et de les partager."


Fraîcheur estivale
Palais des glaces

Par Catherine Morency

Je glace, tu glaces, nous glaçons. Avec le retour des temps chauds, les glaciers se lâchent lousse et nous en font voir de toutes les couleurs. Du Itzakadoozie ou de la sloche Winchire wacheur, qui gagnera votre faveur?

Du goudron dans le palais
La sloche étant passée au rang des boissons estivales incontournables, on croyait avoir tout vu dans le registre. Non! Dans le merveilleux monde des aliments transmutants, il y aura toujours place à l’amélioration. Une nouvelle panoplie chimique se retrouve donc sur les rayons des dépanneurs Couche-Tard: Sang froid, Gazon maudit, Winchire wacheur, et pour les téméraires, Goudron sauvage.

Sangria, 37 degrés celcius
Pour les puristes, les diététistes ou les Québécois de retour de Floride: la nouvelle barre fruitée Tropicana, produite par les fabricants de jus du même nom. C’est la reprise commerciale du bon vieux pops fait maison dans des petits contenants artisanaux… avec une bonne dose de vitamine C en plus. Suggestion apéro: le débâtonner et le découper en morceaux pour remplacer les glaçons dans la sangria.

Nouvel engin
Celui qu’on pourrait appeler "la terreur fruitée" porte officiellement le nom de Itzakadoozie. Une simple glace à l’eau (tel que décrit sur l’emballage) parfumée à la cerise, à la lime, à l’orange et au citron. Ce qui fait d’elle l’une des favorites cet été? Son design, savante combinaison mariant la torpille et le bâton de baseball; elle est conçue pour les bambins, mais fait également le bonheur des plus grands.

Nec plus ultra
Le vif du sujet en matière de rafraîchissement estival: la glace de Tutto Gelato. Ayant quitté son Italie natale il y a quelques années, l’artisan glacier a apporté avec lui le secret des parfums les plus subtils, et nous les fait apprécier dans un décor des plus chaleureux, au coeur du Faubourg. Hormis les 36 variétés de glaces (dont certains hits, que plusieurs concurrents ont essayé de copier, sans succès: chocolat Bacci, pistache, noisette, et bien d’autres), on peut y déguster une coupe glacée (érigée selon les préférences du client), un tartuffo ou un tiramisu faits maison. La PME n’a jamais eu si bon goût.

Tutto Gelato, 716, rue Saint-Jean

Tomber à plat
Été après été, Popsicle nous bombarde de nouveautés, et demeure de loin la marque de friandises glacées numéro un sur le marché. Pourtant, il semble que le géant du pops soit en panne d’inspiration et tente de faire fondre le milieu. Leurs bidules 2001, Cyclone et Tornade, sont d’un ennui pathétique, et se laissent facilement déclasser par leur concurrent Nestlé, le Itzakadoozie. La mort d’un empire est annoncée.


Jardiner en ville
En verdure et contre tous

Par Marie-Ève Belzile

Les betteraves s’entendent avec les choux, les carottes aiment bien flirter avec les tomates… Les céleris n’apprécient pas la compagnie des radis, les pommes de terre n’endurent pas les concombres… Jardin, jardin, quand tu nous tiens!

Pourtant, la passion pour les potagers demeure des plus fortes sitôt la neige fondue, et parfois même avant, puisque les pouces verts déjouent Dame Nature en utilisant les solariums ou les fenêtres de salon.

Que le potager se retrouve dans la cour arrière de la maison ou dans un lot communautaire, que les fines herbes poussent dans les balconnières ou que les fraises et les tomates rougissent suspendues, en compagnie de concombres qui s’étendent jusque dans les treillis, les jardins en pot deviennent de plus en plus populaires, et le jardinage en ville séduit. Les techniques se modernisent. Pour les débutants, on vend même les semences de légumes en rubans biodégradables. Les engrais se diversifient: la gamme de produits Myke, à base de champignons mycorhiziens, permet d’accroître la capacité d’absorption d’eau et d’éléments nutritifs. Certains systèmes de micro-irrigation facilitent aussi la tâche, puisqu’ils sont munis d’une minuterie.

Dès le mois de janvier, par pur plaisir ou par souci d’économie, les semences de fleurs et de légumes trouvent preneurs, affirme Joëlle Sénéchal, employée du Centre Jardin Hamel. "Ce phénomène empêche les clients d’avoir des idées noires", souligne-t-elle. En effet, les amateurs de jardinag
e sont chaque année à l’affût des nouveautés et de plus en plus pressés. "Au mois de mai, avec la température, c’est comme si les gens ne voulaient rien manquer", fait remarquer Mme Sénéchal.

Les fleurs comestibles pour décorer les assiettes, les pommes de terre bleues ou jaunes et les cerises de terre, "qui ressemblent à des lanternes chinoises et se mangent crues", explique Mme Sénéchal, attirent bon nombre de jardiniers plus avant-gardistes. "Plusieurs nous questionnent aussi sur les particularités de plantes et de fines herbes qui éloignent les insectes", ajoute Danielle Gagnon, du Centre Jardin Hamel. Les deux employées s’entendent aussi pour dire que pour la première saison, en prenant comme exemple un jardin de deux mètres par un mètre, les futurs jardiniers doivent investir un montant d’environ 50 $. Par contre, le coût diminue d’un peu plus de la moitié pour les années suivantes.

Trouvaille communautaire
D’autre part, pour les citadins en manque d’espace, le Tourne-sol, situé près de l’Hôpital du Sacré-Coeur, regroupe plus de 130 membres, pour un total de 208 lots. Ce jardin communautaire, agrémenté d’aires de repos, d’un étang et de gigantesques butes pour faire pousser citrouilles et zuchinis, entame sa 19e année sur le terrain qui appartient aux soeurs Augustines. Cette aire, à vocation biologique, permet à ses membres de cultiver ce qui leur chante, à condition qu’ils enlèvent les mauvaises herbes, donnent vie à leur bout de terre et ne nuisent pas à la culture de leurs voisins immédiats. Arrosoirs, brouettes, fauches et pelles sont aussi mis gratuitement à leur disposition.

Encore cette année, chaque membre doit s’acquitter de ses 18 heures de travaux communautaires, ainsi que de sa corvée de compost. N’utilisant aucun engrais chimique, le Tourne-sol possède aussi son propre magasin général, qui vend ses semences, ses engrais et ses vivaces. L’argent amassé permet de procurer un certain financement, explique Manon Allard, l’une des responsables et membre depuis 14 ans du jardin communautaire.

La roue tourne, puisque certains abandonnent et que d’autres persistent et renouvellent l’expérience, tout en acquérant un lot supplémentaire, jusqu’à concurrence de trois. Jean-Guy Sivret et sa conjointe Diane exploitent leur espace depuis maintenant cinq ans. "Nous avons toujours aimé jardiner, explique M. Sivret. Avant, on allait faire un jardin en campagne chez des amis. Mais maintenant, on vient ici. C’est un véritable passe-temps qui est très plaisant, puisque l’on sait vraiment ce que l’on mange. On fait aussi des essais dans notre potager. Chaque année, on observe de très près comment tout pousse et on récolte!" Également, pour Mme Sivret, le travail ne se limite ni à l’arrosage, ni au désherbage puisqu’à la maison, les fèves, les tomates et les carottes sont transformées en conserves qui durent tout l’hiver. Les piments sont, quant à eux, précieusement congelés.

M. Sivret s’amuse même à tenir des statistiques sur le calcul de ses dépenses, ses plans de potager, les dates de plantations et de récoltes. La première année, ses 12 plants lui ont fourni 417 tomates! Mais, en plus des légumes et de l’environnement agréable, ce type de jardinage procure d’autres plaisirs. "On aime bien les gens ici. Parfois, on vient seulement pour arroser notre jardin et après on se promène dans les allées pour faire du social!", confie M. Sivret, le sourire aux lèvres. Partout, les dos courbés, les mains dans la terre, les genoux tachés et les fesses retroussées en témoignent, la saison des potagers est déjà bien entamée!


Lectures gourmandes
Nourritures célestes

Par Sandra O’Connor

Neuf personnalités adeptes de bonne chère partagent avec nous leurs lectures culinaires favorites. Rendez-vous épicurien où l’on ne mange que des yeux…

Guy Fournier
Classic Italian Cookbook, 2 tomes
par Marcella Hazan
Ballantine Books

"La cuisine est une lecture quotidienne pour moi; je possède plus de 400 livres sur le sujet. Lorsque je cuisine, je ne suis pas de recettes. Je consulte plutôt mes livres pour m’inspirer, y trouver des suggestions. Marcella Hazan est probablement l’auteure culinaire m’ayant le plus influencé, notamment avec son Classic Italian Cookbook, un recueil en deux tomes qui regroupe toutes les cuisines régionales d’Italie. Un indispensable, selon moi.

Ce qui m’intéresse dernièrement, c’est la réédition de livres de cuisine ancienne comme Le Grand Dictionnaire de cuisine d’Alexandre Dumas. C’est fascinant de voir comment la gastronomie a évolué au cours de l’histoire, même si certaines recettes ne seraient pas faisables aujourd’hui."

Chantal Lamarre
The Way to Cook
par Julia Child
Knopf

"J’ai toujours aimé Julia Child. Cette femme très terre-à-terre a une approche extraordinaire face à la nourriture. Elle n’a pas peur de manipuler une pièce de viande! Quand j’ai décidé de me mettre sérieusement à la cuisine, The Way to Cook est le premier livre que j’ai acheté. C’est devenu ma référence pour tous mes plats de base. Je ne suis pas orthodoxe, donc je ne suis pas les recettes à la lettre, mais c’est un outil super.

Une autre de mes lectures favorites: les dernières pages du Marie-Claire. Chaque fois, c’est un vrai délice de lire les recettes et d’admirer les photos qui les accompagnent."

Chloé Sainte-Marie
Le Larousse gastronomique
Larousse

"Jacques Lacoursière m’en a fait cadeau il y a quelques années, et je ne m’en déferais pour rien au monde! C’est devenu ma bible pour tout ce qui traite de cuisine française. Et comme je suis très cuisine française, je m’en sers souvent… On est sûr d’y trouver réponse à tout, de l’origine du kiwi à la préparation des sauces. Un très beau livre, tant dans la présentation que dans le contenu."

Georges Brossard
Des insectes à croquer
par Jean-Louis Thémis
Éditions de l’Homme

"Mon bon ami Jean-Louis Thémis a réussi à produire un ouvrage d’une grande qualité, présentant un excellent tour d’horizon de la façon dont sont apprêtés les insectes à travers le monde. Il utilise des produits québécois dans la préparation de certains plats, ce qui donne à l’ouvrage beaucoup d’originalité. Un bouquin cosmopolite qu’on gagne à découvrir. Car, vous savez, les Nord-Américains sont les seuls à ne pas manger d’insectes. C’est pourtant si bon! Les insectes contiennent plus de protéines que la viande – sans le gras -, et il n’y a pas de limites dans la préparation. Au Mexique, j’ai rencontré un spécialiste en entomophagie qui faisait des mets exquis à base d’insectes, présentés de superbe façon! La Thaïlande a aussi développé des plats d’un raffinement extraordinaire."

Macha Limonchik
Magazine du dimanche
The New York Times

"J’ai une tonne de livres de recettes, mais je trouve mon véritable plaisir dans les pages du Magazine dominical du New York Times. On y présente deux ou trois recettes par semaine, regroupées sous une thématique. Ils abordent toujours le thème avec un court texte anecdotique, très personnel. Les recettes sont souvent des classiques revampés et modernisés, présentant un mélange de saveurs intéressant.

Si j’avais à suggérer un livre, je recommanderais The New Basics Cookbook, de Julee Rosso et Sheila Lukins (Workman Publishing Company). Un livre de base qui comporte des sections définies sur tout ce qui
concerne la cuisine: les sauces, les légumes, les coupes de viande, et cetera. Je l’ai depuis sept ou huit ans, et il a toujours été d’une grande utilité."

Liza Frulla
Du goût et rien d’autre
par Philippe Mollé
Flammarion

"Je suis une addict des livres de cuisine, j’en ai plus d’une centaine. Dans une librairie, je suis incapable de résister! Du goût et rien d’autre est mon dernier coup de coeur. Philippe Mollé y présente des recettes tirées de ses chroniques dans Le Devoir et à Samedi et rien d’autre. La cuisine méditerranéenne qu’il propose est l’une de mes préférées; tout est basé sur la qualité et la fraîcheur des produits, et le mot d’ordre est: le goût! La plupart de ses recettes sont toutes simples, avec sept ou huit ingrédients dont il fait ressortir la saveur. Une cuisine goûteuse, ensoleillée!"

André Boisclair
The Essentials of Italian Cooking
par Marcella Hazan
Knopf

"Marcella Hazan est ma plus grande inspiration culinaire. The Essentials of Italian Cooking est un ouvrage remarquable. Je le considère comme ma bible. C’est avec ce livre que j’ai appris à faire mes propres pâtes, et j’y ai aussi trouvé la meilleure recette d’osso bucco."

Iléana Doclin
L’Encyclopédie de la cuisine
par Jehane Benoît
Brimar

"Ça fait au moins 25 ans que j’ai L’Encyclopédie. Ouvrir ce livre, c’est un peu comme un voyage dans le temps: la couverture est arrachée, les pages sont écornées, ma fille a surligné des recettes…. C’est ma bible, et c’est devenu la sienne aussi. J’avoue que l’ouvrage n’est plus très mode; les photos sont complètement out et le design est horrible! Mais la base de la cuisine est là. Jehane Benoît fait dans le pratico-pratique, ne propose rien de trop compliqué. Je pars de ses recettes et je les modifie au gré de mes fantaisies. Je tire de L’Encyclopédie une blanquette de veau tout à fait délicieuse!"

Pascale Nadeau
Les 200 meilleures recettes de bistrot
par Patricia Wells
Librairie Générale Française (format poche)

"Je n’ai pas souvent le temps de faire la cuisine, alors quand je m’y mets ce doit être rapide et bon! Je laisse Bocuse et ses extravagances à mon conjoint.

Ce livre de Patricia Wells est une valeur sûre; les plats sont faciles à préparer et on est assuré d’un résultat délicieux à tout coup. Sa simplicité en fait le bouquin idéal pour quelqu’un qui ne cuisine pas beaucoup. Je prépare un poulet au vinaigre tiré des 200 meilleures recettes… qui ravit tant mes invités que mes enfants. Je serais très malheureuse si je venais à perdre cet ouvrage merveilleux."