Restos / Bars

Calabrais de sang, Italien de coeur : Frank

Je ne me souviens plus qui disait que si vous étiez "quelqu’un", le patron d’un restaurant italien vous accueillait par votre prénom; si vous étiez "vraiment quelqu’un", il se précipitait à la porte pour vous recevoir; et si vous étiez "vraiment, mais alors là, vraiment quelqu’un", il vous faisait la bise.

Je ne me souviens plus qui disait que si vous étiez "quelqu’un", le patron d’un restaurant italien vous accueillait par votre prénom; si vous étiez "vraiment quelqu’un", il se précipitait à la porte pour vous recevoir; et si vous étiez "vraiment, mais alors là, vraiment quelqu’un", il vous faisait la bise. Frank est exactement ce genre de restaurant. C’est que le Calabrais ne s’abandonne pas aussi aisément que le Romain, il faut le dire.

Il y a un peu plus de 40 ans, Frank Scalise, le père calabrais du patron actuel Giuseppe, a ouvert le restaurant qui porte encore son nom. Dans ce lieu d’apparence traditionnelle, au décor mollement suranné, un peu comme une salle à manger de Saint-Lambert, on pense à Sinatra et à Fellini. Pourtant, la sensibilité culinaire, résolument classique, est sage certes, mais toujours soignée. Et quoique la cuisine chez Frank ne soit pas calabraise – une cuisine rustique, basée presque entièrement sur les pastas et les légumes, et surtout pimentée, la seule cuisine de ce genre en Italie d’ailleurs -, elle est riche en saveurs et solidement ancrée dans ce que l’Italie offre de meilleur: de bons produits frais.

En entrée, une salade de jeunes feuilles de roquette – sans amertume – servies avec des tranches de bresaola, le cousin bovin du prosciutto, du boeuf dans la cuisse salé et séché à l’air libre. Pour profiter de cette alliance, il aurait fallu que la salade ne soit pas complètement noyée par le vinaigre balsamique et contienne juste un peu plus d’huile d’olive. C’était le seul véritable faux pas de ce repas, du reste excellent. La preuve? Des gnocchis fragiles et parfaitement fondants, nappés d’une sauce à la crème et au fromage et saupoudrés de ciboulette fraîchement taillée. Ou de l’aubergine parmigiano, badigeonnée d’une sauce tomate bien assaisonnée.

En plat, le risotto aux fruits de mer évoque les repas en terrasse quelque part au bord de la Méditerranée. Apprêté avec des moules, des crevettes et des pétoncles et exhalant des parfums marins qui s’échappent d’un bouillon savant, chaque grain de riz cuit parfaitement et encore un peu ferme au centre, ce plat succulent exprime à merveille l’esprit de la cuisine italienne bien faite. Les tranches de gigot d’agneau marinées puis grillées sont une manière bien italienne de préparer cette viande qui, en France, est généralement rôtie. Elle se présente toute seule dans l’assiette, les légumes étant servis à part. Le foie de veau légèrement fariné avant d’être poêlé et déglacé avec un jus un peu acide est d’une cuisson plus que parfaite: souple, juteux, l’abat se présente avec des légumes méridionaux passés rapidement à la grille: courgettes, aubergines (trop peu cuites cependant), poivron rouge et des petites pommes de terre simplement rissolées.

On conclut avec une épatante tarte au citron, qui n’a rien à voir avec les apprêts boursouflés des restos américains, dont la couronne de meringue est toujours trop sucrée. Dans la version Frank, l’appareil très citronné et absolument exquis repose sur une mince couche de pâte d’amandes et sur une croûte craquante et parfumée et, surtout, sans meringue.

Malgré l’ambiance qui manque parfois de spontanéité – après tout, nous sommes dans un lieu d’habitués -, ce restaurant où la cuisine se révèle d’une grande qualité est l’un des seuls de la Petite Italie à avoir traversé les décennies sans perdre de sa sincérité. La courte carte des vins n’oublie aucune région de la botte, et les prix sont corrects. Malheureusement, on n’offre qu’une sorte de vin au verre, "de la maison" nous affirme-t-on, un pinard sans intérêt aucun. Dommage, car de plus en plus de clients cherchent à boire moins et mieux. Le service perd parfois la mémoire, mais ne gâche rien cependant avec une sorte de courtoisie virile si typique de ce genre d’endroits. Comptez environ 90 $ pour deux tables d’hôte, les taxes et le service, avant le vin.

FRANK
65, rue Saint-Zotique Est
Tél.: 273-7734

Amuse-gueule
Il n’est pas trop tard pour partir à la découverte des fromages d’ici dans un des plus beaux coins de la province, Warwick. Jusqu’au 17 juin, le Festival des fromages, dont c’est la septième édition, est un véritable party en l’honneur des petits caillés locaux, dont la quantité et surtout la qualité augmentent d’année en année. Information: (819) 358-4316. Site Web: www.festivaldesfromages.qc.ca

Si vous ne pouvez pas prendre la route, vous pouvez toujours prendre les conseils d’André Piché, le Maître Corbeau à son comptoir du 1375, avenue Laurier Est.