Restos / Bars

L’Abri côtier : Au beau milieu du fleuve…

Croyant à tort que ce restaurant fermait l’hiver, nous avons attendu avec impatience le retour des beaux jours. Avec, en tête, ce seul mot: mojito.

"Qu’est-ce?" (comme on dit encore parfois dans certains livres). Une boisson simple et rafraîchissante qu’on prétend idéale pour la nuit, mais qui convient parfaitement à n’importe quelle heure. Ce nom désigne aussi d’autres préparations, notamment des plats cuisinés, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici… Parlant de plats, j’avouerai que je reviens aussi pour une copieuse assiette de fruits de mer dont j’ai fait la connaissance l’été dernier. Si la carte a changé depuis, je dois reconnaître qu’elle cache bien son jeu. On y revoit avec plaisir le Surf and turf (pavé de boeuf et langoustines), la fine escalope de veau au marsala et coulis de carottes, l’assiette de charcuteries fines, le blanc de poulet épicé à la thaï… "Désirez-vous un apéro?" La question est de pure formalité, car il est évident que, sur une terrasse située exactement au milieu du fleuve, juste en face de Sainte-Croix, avec une vue imprenable (qu’on prend tout de même) sur tant de bateaux amarrés au quai, les oiseaux désoeuvrés qui rasent l’eau, l’air parfumé de vacances qui nous souffle au visage, les vagues qui nous emmènent déjà loin d’ici… "Deux mojitos", commande mon amie, coupant court au lyrisme qu’elle sent poindre… à l’horizon. Le cocktail, à base de rhum et de menthe fraîche, symbolise La Havane où il est né dans les années trente. Il symbolise aussi, pour nous, L’Abri côtier qui en a fait l’une de ses spécialités. Il nous est bientôt servi, frappé à souhait et trouble comme il se doit. ¡Salud! Ça vous réchauffe le coeur, vraiment, mais on frissonne tout de même un peu, sur la terrasse, malgré le soleil qui exulte dans le ciel presque sans nuages, strié de loin en loin par un jet. D’ailleurs, quelques clients ont préféré la salle à manger. Non loin de nous, deux clients dégustent tranquillement leurs assiettées de langoustines. Nos plus proches voisins s’en vont, d’autres leur succèdent à la même table. La conversation s’établit entre nous et dérive peu à peu sur l’inévitable sujet des voyages. Deux, trois fois, mon amie croit avoir fait son choix. Autant de fausses alertes. Pavé de marlin au beurre d’orange? Panaché de crevettes et de pétoncles géants? Elle opte finalement pour le saumon… Rien que pour exciter notre appétit, qui n’en a pas du tout besoin, nous fouinons du côté de la table d’hôte d’hiver – "mix grill" de la terre (boeuf, filet de porc, agneau) et de la mer (thon, espadon, bar rayé), crabe Norfolk (avec jambon fumé de Virginie, champignons et sherry), filet mignon de veau flambé au cognac… Au lieu de l’entrée prévue avec la table d’hôte, j’ai demandé une délicieuse petite assiette de charcuteries diverses, accompagnée de pain français. Cela me vaut la découverte de la figatelle, saucisse corse de couleur noire, vendue à l’état demi-sec, que je ne connaissais que de nom. Feuilles de vigne farcies, poivrons, tomates naines, hummous et autres composent la salade servie à mon invitée – laquelle a droit, un peu plus tard, à une crème de légumes très réussie, assaisonnée sans excès. Un demi-litre de Fontana (Morella) se charge d’arroser la suite. Et quelle suite! Dans l’assiette de mon amie se prélasse une belle portion de saumon en croûte de moutarde, miel et vanille, escortée de riz au curcuma (plutôt que du couscous annoncé) et d’une salade de carottes, courgettes, tomates naines. Tout y est sain, abondant et goûteux. En ce qui me concerne, c’est la fête. Mon assiette de fruits de mer a pour nom Bob’s Sweater Plate (comprenne qui peut!). Devant moi, quatre bouteilles d’huile d’olive, dont trois aromatisées aux fines herbes, et un pot de sel de Guérande. Devant moi trône aussi le petit réchaud où je réchauffe et fais sauter les fruits de mer, déjà assaisonnés et grillés, qui se bousculent dans un petit plateau d’argent: gros pétoncles, crevettes géantes, langoustines, calmars. Adieu, le pain que j’aime tant! J’en oublie presque mon vin. Les propos de celle qui me fait face semblent venir de loin – peut-être du large où ma vue s’égare entre deux bouchées de délices. Cela ne dure pas éternellement, hélas! Il faut bien réintégrer la réalité, finir mon deuxième verre de Fontana et m’apercevoir qu’il fait un peu plus chaud et que le soir se hâte. Avant de partir, nous prenons le temps de savourer deux tranches de gâteau (aux poires et au cappuccino) aussi légers que le rêve où nous avons un instant sombré.

Restaurant L’Abri côtier
100, route du Quai
Portneuf (Québec)
Tél.: (418) 286-2235
Table d’hôte: 16,95 à 25,95 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons gazeuses): 87,30 $