Restos / Bars

L’Asie prend le nord : Royal Cher Mony

Joliette, une assez jolie ville et capitale de Lanaudière, se franchissait rapidement si la faim nous tenaillait. C’était autrefois. Le festival musical a non seulement porté secours à la réputation de la petite cité industrielle mais attiré une population de visiteurs sophistiqués qui ne se contentent pas de fast-foods. Désormais, plusieurs rues de la ville sont consacrées à des restaurants très corrects. On peut presque parler de révolution.

Joliette, une assez jolie ville et capitale de Lanaudière, se franchissait rapidement si la faim nous tenaillait. C’était autrefois. Le festival musical a non seulement porté secours à la réputation de la petite cité industrielle mais attiré une population de visiteurs sophistiqués qui ne se contentent pas de fast-foods. Désormais, plusieurs rues de la ville sont consacrées à des restaurants très corrects. On peut presque parler de révolution.

À titre d’exemple, le Royal Cher Mony, un resto cambodgien: non seulement fallait-il ne pas avoir froid aux yeux pour s’installer ici, mais de plus réussir à convaincre la population locale de la noblesse de l’entreprise. Ça n’a pas arrêté les patrons, qui ont déjà tenu Le Château Khemara à côté d’une autoroute à Laval. Joliette représente donc une amélioration considérable de leur situation.

Installé dans une coquette maison campagnarde qu’on a repeinte en vert et or, et décorée avec de grands miroirs, ce resto propose une cuisine plutôt recherchée et soignée qui tient davantage de la cuisine de cour thaïlandaise que de la popote de Phnom Penh. Il ne semble pas avoir été difficile non plus pour les cuisiniers de convertir leur allégeance maritime – le Cambodge dépend des poissons de rivière – vers le boeuf et le poulet, nul doute protéines préférées des Joliettains.

Sur une carte familière, on trouve des rouleaux impériaux, des raviolis à la sauce d’arachide, une soupe won-ton, des propositions de sautés ou de cari de boeuf, de volaille ou de crevettes. Presque un cliché de tout ce que l’Asie fait de bon. Et tout ce qui sort des cuisines, sans exception, est généreux, bien préparé, impeccable tant dans la présentation que dans les parfums bien francs. Ce n’est pas authentiquement cambodgien et ce n’est pas nécessaire ici. Le Cambodge étant assis entre de puissants voisins, on peut lui pardonner ses incursions dans les mondes gastronomiques plus habituels.

Authentique donc, la salade de boeuf? Qu’importe. Avec des goûts saisissants de lime et de sauce de poisson, des notes d’ail, le mélange de boeuf, d’oignons crus, de laitue et de concombre émincés finement est succulent. Le cari à la noix de coco et au poulet a du piquant, juste assez, mais surtout du moelleux. Le sauté de boeuf au basilic et le sauté de crevettes au lait de coco se ressemblent: beaucoup de goût, de légumes et de jus. Desserts? On propose des fritures, bananes ou ananas. Par temps de canicule, nous passons.

Sans être une réelle découverte, ce mignon petit resto de province est justement providentiel. On y mange bien, et copieusement, et on ne rencontre ici que courtoisie, sourires et politesse. Tout ça pour 70 $ pour trois personnes avec les taxes et le service.

ROYAL CHER MONY
527, rue Saint-Viateur
Joliette
Tél.: 450 755-5277

Jardin Dim Sum
Montréal entreprend une sérieuse cure de sinophilie. Cuisine, philosophie, astrologie et encore cuisine, la Chine n’a pas fini de révéler tous ses mystères. Et cela, grâce aux Chinois eux-même qui sont trop souvent avares des secrets de leur gastronomie. Peut-être sommes-nous trop barbares pour accéder à ces traditions millénaires? Quoi qu’il en soit, nous en voulons pour preuve un tout nouveau resto situé boulevard Saint-Laurent, un lieu qui se prétend authentiquement cantonnais, servant la plus rigoureuse interprétation de cette cuisine, la plus connue et la plus savante gastronomie de Chine. Après avoir exploité un premier restaurant baptisé le Deer Garden (un endroit qui a ses adeptes), les patrons refont surface avec ce Jardin Dim Sum (non plus voué au cerf mais aux dumplings).

Néanmoins, j’ai l’impression que la cuisine chinoise a meilleur goût au milieu des néons et des courants d’air froid du Chinatown que dans un décor léché et coquet. Le côté vaguement grunge des restos chinois me plaît, car c’est souvent un signe de jouissance gastronomique. Mais chacun sait qu’il ne faut jamais juger un restaurant sur son décor. Et pourtant, ce Jardin a été attaqué par les forces gastro-diaboliques du profit désinvolte: un service qui traîne de la patte, une cuisine insipide et ennuyeuse, des dim sum – à juste titre, les petites bouchées qui font normalement la gloire des dimanches dans le Chinatown – sont ici pétrifiés par le génie du surgelé, la pâte un peu racornie, uniformément fades. Ils sont servis sans sauce ni thé ni même baguettes – imaginez! Les aumônières farcies de pétoncles sont roses comme des crevettes et ternes comme un "donut". Un sauté de crevettes et de légumes printaniers n’a de qualité que le déluge de brocolis et de poivrons verts encore crus (pour ceux qui aiment ça) garnissant l’assiette. Les crevettes manquent de sel, la sauce de parfum, le plat d’intérêt. Même le riz n’a aucun goût: pour des Chinois, il faut le faire. Je ne renoncerai donc pas à manger les petits dim sum rue de La Gauchetière, là où le client est pris au sérieux et a le plus de chance de manger le yam cha – qui signifie boire du thé – avec du thé justement! Comptez 40 $ pour trois personnes avec les taxes et le service.

JARDIN DIM SUM
5258, boulevard Saint-Laurent
Tél.: 278-7733

Amuse-gueule
À peine traduit et sorti des presses de chez Hachette, l’excellent ouvrage de Ken Hom, paru en anglais en 1993 et intitulé Les Recettes faciles de la cuisine chinoise, est une des meilleures introductions à cette cuisine que l’on puisse trouver dans les librairies. Avec ce bouquin entre les mains, vous ne risquez plus de tomber dans le cliché. L’auteur couvre tous les styles de cuisine régionale, fait un peu d’histoire et d’anthropologie et propose des centaines de recettes faciles à réaliser.