Restos / Bars

Le Fin Renard : Goût de maître

En salle ou sur la terrasse, on vous sert en toute simplicité des plats concoctés de main de maître et des sauces à faire damner un saint.

Vous ne pouvez pas le manquer, il fait face à l’église. Nous l’avons repéré en passant, puis nous avons poussé une pointe jusqu’à Portneuf, histoire de vider un verre ou deux au bord du fleuve – "Nous avons le temps", nous disions-nous, car nous avions réservé pour 19 heures. Et, comme il fallait s’y attendre, nous nous sommes pointés au Fin Renard avec un retard mémorable. Le patron, vous ne pouvez pas le manquer. Si, avec son chapeau de paille, il vous fait penser à quelqu’un, vous mettez en plein dans le mille: c’est bien lui, "Patrick le Bordelais". Vous vous souvenez sans doute de ce resto qui fit pendant un certain temps les beaux jours d’un quartier de Québec. Avenant, poli, cordial. Et décontracté comme cela fait plaisir à voir. Le vin maison ne vous dit rien? Qu’à cela ne tienne: on vous ouvre une bouteille, même si vous n’en vouliez qu’un verre. Voici donc deux bouteilles ouvertes devant nous, une de rouge (Cabernet-Sauvignon et Merlot, Château Boyar 1997) et une de blanc (Château des Tuileries, Bordeaux 1999). Ayant trinqué, nous n’avons plus d’yeux que pour la table d’hôte – en l’occurrence un tableau sur trépied installé près de nous. Suprême de faisan aux trois fruits, médaillons de porc farci à la volaille, saumon poché au vin blanc, coquille Saint-Jacques, saucisse de Toulouse… "Très sympa, la terrasse", commente mon invitée. En effet: tout en treillis de bois traité, simple et gaiement fleurie de jardinières suspendues. À quelques tables derrière moi, des habitués conversent joyeusement avec celle que nous croyons être la patronne. Et, sur la gauche, à quelques pas, de rares promeneurs déambulent sur les trottoirs avec la nonchalance béate des vacanciers… "À moins que je prenne le merlu sauce à la graine de moutarde?" La question de mon invitée s’adresse à elle-même autant qu’à moi. Pour ma part, je commence à éprouver une certaine faiblesse pour l’agneau sauce périgourdine et pour ce plat qu’on semble avoir rajouté à la dernière minute dans un coin du tableau: émincé de volaille sauce du patron. Je me rends compte soudainement que mes yeux ne cessent de revenir malgré moi au médaillon de cerf. "C’est le destin", que je me dis, phrase magique dont on peut se servir pour justifier n’importe quoi. En ce qui concerne l’entrée, j’opte pour le saumon fumé. Et il me plaît du premier coup d’oeil. Du "maison", pour sûr: les tranches ne sont pas trop minces et la chair, un peu pâle, fumée juste ce qu’il faut, s’avère d’une grande délicatesse. Il s’accompagne de câpres, de feuilles de chêne, de tomates naines, de tranches d’oignons – et d’un peu de paprika sur tout ça. Aucune acidité incongrue ne vient perturber vos papilles qui jubilent et réclament encore leur ration de Bordeaux. Mon invitée? Aux anges! Les yeux brillants, elle dit deux fois coup sur coup: "Il porte vraiment bien son nom", allusion évidente à son "potage gourmand", dont elle me fait l’aumône d’une ou deux cuillerées. Certains diraient qu’il est bourré de vitamines. Peut-être, sans doute, vraisemblablement… Pour moi, un seul détail importe: il est bon, consistant, copieux, parfumé et, comme disait Louis de Funès, "il me semble que ça nous rend meilleurs". Jusqu’ici, je ne cesse d’être frappé par la qualité d’une cuisine que l’on vous sert pourtant avec la plus incroyable simplicité, sans nulle esbroufe. Il en sera de même jusqu’à la fin du repas. D’un côté, carottes, brocoli et chou-fleur; de l’autre, des fettucine dont je n’ai absolument rien laissé, moi qui suis si peu friand de pâtes; et puis, au milieu, taram! un imposant médaillon de cerf nappé d’une sauce au brie et porto. Un seul reproche: une sauce pareille, dont je me nourrirais tout le restant de mes jours, on aurait pu en mettre un peu plus. Le patron, à qui je fais la remarque, me répond d’un air sentencieux qu’"on mange la viande, pas la sauce". On pourrait en discuter longtemps, mais je préfère me consacrer à mon tête-à-tête avec le médaillon de cerf dont la tendreté confine à la tendresse. Nous nous entendons à merveille et, si j’étais sentimental, j’aurais beaucoup de peine à le voir disparaître ainsi, morceau par morceau… Mon invitée n’a pas longtemps hésité avant de choisir l’un de ses plats fétiches, soit la cuisse de canard confite. Elle en pense autant de bien que j’ai dit de ma propre assiette et parvient à me convaincre d’y goûter. Pour célébrer l’unanimité qui règne à notre table, elle lève une nouvelle fois son verre de rouge. Le dessert, à son tour, vient nous surprendre: tranches de melon, de kiwis, de sanguines, coulis de fraises et deux tranches de gâteau. Je n’avais pas l’intention d’y goûter, mais il n’en est rien resté.

Restaurant Le Fin Renard
707, rue des Érables
Neuville (Québec)
Tél: (418) 876-3341
Menus du jour: 7,95 à 11,95 $
Tables d’hôte: 14,95 à 24,95 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons): 65,45 $