La partie du boulevard Saint-Laurent située au coeur du Chinatown, commence plutôt à ressembler à un Viêt Nam Town tant les restos et les épiceries qui s’y collent les uns aux autres sont tenus par d’anciens Saigonnais, d’origine chinoise.
Toutefois, ce n’est pas le cas de Monsieur Chung – rebaptisé Johnny pour les intimes -, le patron désopilant d’un troquet voué non pas à la cuisine du sud ou du nord du Viêt Nam, mais à celle du centre (que les Occidentaux appelaient l’Annam), plus spécifiquement de la ville de Hué, l’ancienne capitale des empereurs qui ont dominé la vie politique du Viêt Nam jusqu’à l’arrivée des Français.
Alors, sert-on une cuisine raffinée dans ce petit troquet souterrain baptisé Cité Impériale? Il ne faudrait rien exagérer. La carte propose des soupes, des rouleaux et des plats de riz assez familiers aux amateurs de bonne cuisine vietnamienne familiale, en plus de quelques spécialités annamites. Quant au décor un peu terne, il n’a certainement rien d’impérial: les nappes en plastique couvrent toutes les tables, quelques affiches et gravures ornent les murs et un énorme système de climatisation s’occupe du bruit de fond. L’ambiance sera celle que vous apporterez vous-même. Mais au fond, on ne vient pas ici pour en apprendre sur le passé royal vietnamien; de toute façon, les Vietnamiens n’en garde pas un impérissable souvenir. En revanche, ce qui attire la clientèle, ici, c’est le souvenir de ces parfums exotiques, de ces goûts parfois étranges et de ces textures tantôt souples, tantôt croustillantes, des contrastes qui s’expriment si bien dans la gastronomie – même simple – de ce pays.
Des rouleaux impériaux absolument remarquables sont servis avec de la laitue qu’on doit, si on est tant soit peu habile (mais je ne le suis pas), enrouler autour des morceaux de pâte frite et craquante, remplie de porc et de nouilles, et tremper dans le nuoc cham – la sauce de poisson assaisonnée de jus de lime, de piments, d’ail et de sucre qu’on retrouve sur toutes les tables vietnamiennes. La crêpe au porc est une trouvaille unique en ville. Dans une assiette, une dizaine de petits balluchons de pâtes de riz cuits à la vapeur sont fourrés d’un mélange de menthe et de porc confit à l’ail et à la sauce de poisson. C’est tellement bon qu’on en redemande. Et même si ces bouchées miniatures s’éparpillent dans un gâchis éprouvant, on se lèche les doigts et l’on recommence. On trouve aussi de la saucisse de porc aigre mariné, du riz impérial – une assiette de riz vapeur accompagné de garnitures variées, une sorte de mortadelle de porc très aillée et succulente, des oeufs en rubans, des herbes étranges et des pousses de soja, fraîches. Ces plats sont tout sauf banals. Des phos et autres soupes vraiment appétissantes font presque figure d’ordinaire au milieu d’un menu aussi original. La soupe au boeuf de Hué servie dans un grand bol porte le joli nom de Bún Bò Hué et contient de la pâte de tomate frite avec des piments rouges qu’on rajoute au bouillon, additionné de légumes crus, de coriandre et de basilic frais, et de nouilles épaisses de type somen. Un délice qui pourrait vous faire pleurer de douleur – si vous êtes sensible aux piments – ou de plaisir.
La carte compte plusieurs autres spécialités que vous ne trouverez nulle part ailleurs en ville. Le patron vous guidera gentiment à travers le menu où les noms semblent tous décrire le même plat. Mais il n’en est rien; la variété est remarquable, de même que le talent de cuisinière de la patronne. Goûtez aussi à l’excellente limonade faite de citrons verts fraîchement pressés. Toute une ripaille pour une trentaine de dollars à deux, limonades, taxes et service compris.
La Cité Impériale
1053, boulevard Saint-Laurent
Tél.: 875-8388
CAFÉ CULTURE
Java U
Si l’élégance et la bonne cuisine sont nécessaires à la réputation d’un grand restaurant, elles passent au second rang dans un café, et qui plus est dans un café branché. Voilà en tout cas une assez bonne adresse branchée du quartier le plus anglo de la ville. Au menu le matin et le midi, des brioches, des viennoiseries soignées à la française et des pâtisseries à l’américaine – muffins et danishs – et de l’espresso de bonne facture, avec cette détestable habitude des chaînes d’offrir le café au perco. Le soir venu, on propose un menu plus bistro vaguement "worldisé" avec des grillades et parfois des plats cuisinés très décents dans une ambiance un peu plus formelle. Bien que la succursale de cette chaîne soit de loin la meilleure et la plus sophistiquée des trois avec son joli décor pimpant, le service, lui, ne se nourrit pas de spontanéité. Aucun sourire, aucune manière, c’est le degré zéro de la courtoisie. Pour 40 $ à deux le soir, avec les taxes et le service, avant le vin.
Java U
4914, rue Sherbrooke Ouest
Tél.: 482-7077