Restos / Bars

La Grande Table de Serge Bruyère : Manger des émotions

Le chef MARTIN CÔTÉ avait à relever un défi de taille, mais ça y est. Grâce à lui, ce restaurant reconquiert haut la main ses dernières lettres de noblesse.

Il me vient une image que j’essaie de décrire à ma compagne: "C’était comme… un bel élan contrarié, une sorte de geste interrompu, tu saisis?" Elle saisit, dit-elle, bien que ma comparaison soit très abstraite. Je n’y peux rien. Comment décrire autrement l’impression qui m’était restée, l’an passé, après un souper à La Grande Table? Ce soir, nous n’avons pas à nous forcer pour déraper dans le lyrisme, car rien n’a contrarié l’élan auquel je faisais allusion. Le geste s’est accompli. La cuisine du jeune chef nous a conquis, et non pas seulement charmés comme la dernière fois. S’il était question d’un comédien, par exemple, je dirais d’un ton emphatique: "Voilà enfin domptée l’énergie d’un trac rétif, qui devient alors véhicule d’émotion!" Mon amie éclate de rire, et tous les membres d’une tablée familiale tournent la tête dans notre direction. Nous levons d’un même mouvement nos verres de vin blanc (Château de Chantegrive, Graves, 1996). Tout un nez, ce vin qu’on nous a conseillé pour établir un compromis entre nos choix. Nous avions tout de même tergiversé longtemps. Stylé, correct, efficace, le personnel n’a rien perdu de son avenance, démontrant en outre par sa cordialité que le service n’a pas besoin de se montrer hautain quand son professionnalisme est vrai. Nous humons longuement des arômes d’agrumes et buvons un peu avant de revenir à tout ce qui compte pour nous en cet instant privilégié parmi d’autres. J’ai presque terminé mon émincé de magret de canard de Barbarie mouillé d’une "réduction de xérès et érable aux baies de genièvre". Quelques minutes plus tôt, il y avait autour une petite jardinière de légumes, un gratin dauphinois, un quartier de poires… J’en oublie sans doute, car j’ai songé à noter – de mémoire – quand tout était plus qu’entamé. Depuis la première bouchée, je ne cesse de me répéter que ce n’est pas possible, que je dois rêver; mais chacune des suivantes se précipitait. Pour corser le rêve ou confirmer la réalité, car l’un et l’autre se confondent, parfumés d’une sauce… radieuse, délectable… Je cherche désespérément un superlatif à divin. Et mon amie qui me regarde d’un air signifiant à peu près "qu’allons-nous devenir après ça"? Des anges, pardi! Sur les ailes du menuet de Boccherini que diffusent justement les haut-parleurs en ce moment. Elle recommence à manger, rêveuse. Ou plutôt, songeuse, méditant chaque bouchée de son suprême de faisan rôti. Elle avait choisi ce plat pour faire un test, en quelque sorte. Elle a si souvent ragé contre de prétendus suprêmes de volaille tellement secs qu’ils donnaient envie de les hacher, de les moudre même pour les imprégner de sauce! Alors, ce soir, je la comprends. C’est une manière de réconciliation qu’elle arrose copieusement de vin, de petits rires furtifs provoqués à répétition par la chair… veloutée du volatile et par cette suavité qui porte le nom de "sauce au thym et porto". Au moment où s’achève notre repas, nous recommençons. Par la pensée bien sûr. Je ressuscite dans ma bouche la délicatesse du marbré de foie gras et magret d’oie mariné au cognac, avec sa compote de physalis (alkékenge, amour en cage) à la fleur de thym. Encore un peu de vin pour fêter ça. Mon amie en fait de même et me redit à voix basse sa "fricassée de chanterelles et ris de veau déglacé au balsamique, tombée d’épinards à la réduction de calvados". Et nous voici, une fois de plus, penchés tous les deux sur la carte que nous avons gardée près de nous: potages, légumes, desserts, tables d’hôte, menu "Découverte"… – petites haltes épicuriennes, d’un raffinement extrême, que nous survolons comme on feuillette des souvenirs.

La Grande Table de Serge Bruyère
1200, rue Saint-Jean
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 694-0618
Tables d’hôte Serge Bruyère: 60 $
Menus "Découverte": 85 à 160 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons): 240,40 $
Une première à Château-Richer
À tous ceux qui veulent s’initier aux vendanges, le vignoble Moulin du Petit Pré ouvre… son grand pré. Moyennant la modeste somme de 5 $ par personne, vous avez droit à un forfait comprenant "les vendanges animées" (initiation aux techniques de récolte et séance pratique de récolte), des dégustations commentées et la présentation des étapes de pressage. L’horaire prévoit trois périodes de vendanges, soit les 15-16, 22-23 et 29-30 septembre. Les activités débuteront à 9 heures dans le vignoble. Ceux qui le désirent pourront se procurer sur place de quoi pique-niquer: "épluchette de blé d’Inde, fougasse et vin" au coût de 6 $. Chaque journée sera agrémentée d’airs traditionnels joués par l’accordéoniste Gérard Plamondon. De plus, tous ceux qui feront les vendanges participeront automatiquement au tirage qui aura lieu chaque jour pendant cette Fête des Vendanges. Le prix? Une collection des produits du vignoble.

Renseignements:
Moulin du Petit Pré
7007, avenue Royale
Château-Richer, Côte de Beaupré (Québec)
Téléphone: (418) 824-4411, poste 2